De plus en plus d'ados partagent leurs sextapes sur les réseaux sociaux
Depuis peu, à Saint-Martin, de plus en plus d'adolescents filment leurs actes sexuels avant de les diffuser sur les réseaux sociaux. Si jusque-là on comptait une occurrence par an, le mois de décembre en a vu surgir cinq en deux semaines. Dans ces vidéos on peut voir de très jeunes filles (13 et 14 ans) pratiquer notamment des fellations. Elles sont généralement filmées par leur partenaire. Et dans certains cas, par leurs copines. Le commandant de la gendarmerie Sébastien Manzoni parle de "recrudescence de faits préoccupants" . C'est pourquoi il a invité les associations à prêter une attention particulière au harcèlement sexuel, lors d’une réunion de travail sur la prévention de la délinquance initiée par Jeunesse Soualiga le mercredi 25 janvier, et en appelle aussi à des actions de prévention sur cette tendance qu’amplifie la surexposition sur les réseaux sociaux.
Le harcèlement chez les jeunes n'est pas nouveau. Farah Viotty, psychologue à l’Espace Santé Jeunes (ESJ) reçoit beaucoup d'élèves qui en sont victimes, notamment au niveau de l’école (insultes, moqueries sur physique ou vêtements, dénigrement des qualités ou des défauts de la victime). Des agressions amplifiées par leur présence sur les réseaux sociaux, qui peuvent mener à la déprime voire à des tentatives de suicide. Avec le cyberharcèlement, ces agressions qui d’ordinaire, pouvaient se cantonner à la sphère scolaire, s’invitent désormais chez la victime, via ses pages Facebook ou Instagram.
PRENDRE CONSCIENCE DE SON STATUT DE VICTIME
Le harcèlement prend une autre dimension avec l'avènement d'internet. Encore plus pour le harcèlement sexuel. Les récentes vidéos portées à la connaissance des autorités le prouvent. Si l’acte sexuel ainsi que son enregistrement vidéo étaient consentis, ce n’est pas forcément le cas de sa diffusion sur les réseaux sociaux. Pourtant, ces collégiennes ainsi exposées ne se considèrent pas pour autant comme des victimes. « Certaines doivent avoir honte, mais pas systématiquement » rapporte la psychologue qui précise toutefois que les jeunes filles sont plus embêtées lorsque leurs parents sont au courant. Malgré une certaine gêne d’être « grillées » auprès de leurs camarades, elles semblent considérer que ce type d’incident est plutôt banal et ne portent généralement pas plainte. Pourtant il s’agit bien d’une agression et tout le travail de la psychologue va consister à leur en faire prendre conscience. Quand bien même aucune plainte ne serait déposée, à partir du moment où les gendarmes sont informés par les établissements scolaires, une enquête est menée. « Parfois c’est le collège qui les oriente jusqu’à nous, d’autres fois les parents. C’est beaucoup plus rare qu’elles viennent spontanément » note Farah Viotty.
L’ESJ effectue plusieurs campagnes d’information sur la sexualité dans les établissements scolaires tout au long de l’année. Les intervenants font le même constat que la plupart des spécialistes du monde entier : internet a énormément facilité l’accès aux contenus pornographiques. On est bien loin des dessins érotiques qui émoustillaient nos ancêtres, des magazines pour lesquels il fallait affronter le regard du libraire, ou des cassettes vidéo piquées aux grand-frères qu’on passait ensuite sous le manteau aux copains pendant la récréation. Les adolescents ont désormais accès gratuitement à des milliers de vidéos directement sur leur smartphone. Les garçons, et même les filles, prennent le porno pour un modus operandi qu’il faut suivre à la lettre. Quant aux vidéos « maison », la psychologue est catégorique : « n’importe quel collégien en a deux ou trois dans son téléphone ».
"UNE RELATION SEXUELLE EST AVANT TOUT UNE RELATION"
« Ils connaissent tout le vocabulaire lié à la pornographie (positions etc), tout en ayant une image hyper limitée et très mécanique de l’acte sexuel », constate-t-elle. L’image de la femme est clairement dégradée. Les filles pensent qu’elles doivent imiter les actrices X pour plaire aux garçons qui n’attendent que ça puis considèrent, une fois qu’ils ont pris du recul, « que les filles qui font ça sont sales ». « Notre rôle est de leur apprendre à remettre du relationnel. Une relation sexuelle est avant tout une relation. » rappelle Farah Viotty.
Paradoxalement à leur hyperconnaissance de la sexualité à travers les sites pornographiques, les adolescents, de plus en plus précoces,ignorent beaucoup de choses sur le fonctionnement de leur corps. « Nos interventions sont généralement dirigées vers les élèves de 4e car ils abordent la reproduction au programme mais là on se retrouve à faire ce type d’intervention auprès des 5e et même des 6e. Ce sont des enfants qui font beaucoup de choses mais n’importe comment » explique la psychologue.
Ils découvrent lors de ces campagnes qu’il existe un plaisir féminin, ou que l’embryon ne grandit pas dans le ventre mais dans l’utérus… Quant à leurs connaissances sur la santé, elles sont souvent catastrophiques. « Ils croient que s’ils n’ont pas de préservatifs ils peuvent mettre un sac plastique à la place. Et que pour ne pas tomber enceinte il faut se laver le sexe avec du coca ou faire bouillir de la Guiness et puis la boire… ». Pour la psychologue il faudrait commencer à intervenir beaucoup plus tôt, dès la primaire, sur des thèmes du genre «personne n’a le droit de toucher à mon corps ». Selon elle, tous les acteurs sur le terrain ont conscience qu’il s’agit d’un phénomène croissant. « Nous réfléchissons à ce que nous pouvons faire pour y remédier ». L’ESJ avait organisé un rendez-vous parents axé sur les pratiques sur les réseaux sociaux, mais très peu avaient fait le déplacement.
Le mercredi 15 février se tiendra une conférence-débat sur le sujet des pratiques sexuelles des ados et des réseaux sociaux, lors de la Semaine de la sexualité de l’ado, organisée par Les Liaisons dangeureuses, qui se déroulera du 13 au 17 février 2017. Elle s’achèvera le vendredi 17 par le forum de la jeunesse à la cité scolaire avec pour invité d’honneur, le Dr. Benghozi, psychiatre spécialiste de l’éducation sexuelle et de l’adolescence.
Si vous êtes victime de ce genre d'abus, contactez la gendarmerie ou l'Espace Santé Jeunes.