02.02.2022

Accident avec un requin à St Martin et Nevis en 2020/21: il s'agit du même animal

selon des analyses d'ADN.

Suite à la morsure mortelle par un requin tigre d’une nageuse en décembre 2020 à la Baie orientale, une équipe de scientifiques avait mené des investigations pour comprendre les causes de l’attaque.

Ce type d’accident mortel est extrêmement rare, en moyenne cinq se produisent par an dans le monde, et il s’agissait du premier dans la Caraïbe. Aussi les scientifiques ont-ils considéré intéressant de mener des études d’autant plus que la base de données à l’échelle de la région était vide. Pour eux, l’hypothèse était que l’animal responsable de l’accident avait adopté un comportement déviant, et pouvait ainsi mordre des humains sans raison.

Le docteur Eric Clua, vétérinaire de formation et directeur d’études à l’Ecole pratique des Hautes études, va convaincre ses collègues de prélever de l’ADN du requin sur le corps de la nageuse. Une initiative totalement novatrice qui vise à pouvoir identifier l’animal. Les plus sceptiques estiment que ces prélèvements sont inutiles car l’ADN a été détérioré par l’eau, le sel, etc. et est ainsi de mauvaise qualité.

Trente jours plus tard, une autre femme est victime d’une morsure par un requin à Nevis. Elle a réussi à se défendre avec l’aide de ses amis qui l’ont sortie de l’eau ; elle a survécu mais a perdu une jambe. Le docteur Eric Clua a eu l’autorisation de prélever de l’ADN sur le membre de la nageuse, qu’il a envoyé au laboratoire où il travaille à Perpignan dans le Sud de la France, pour qu’il soit comparé à celui prélevé sur la nageuse de la Baie orientale. L’objectif n’étant pas uniquement de voir si les deux animaux appartiennent à la même famille mais bien de savoir s’il s’agit du même animal.

Les recherches vont se révéler extrêmement compliquées car l’ADN était détérioré. «Nous avons travaillé sur 22 marqueurs et nous avons dû nous y reprendre à deux fois» confie-t-il. Mais après plusieurs mois d’analyse, les résultats ont matché. «Le taux de probabilité que le requin qui a mordu à la Baie orientale soit celui qui a mordu à Nevis, est de 95 % », précise Eric Clua.

Maintenant ce dernier entame une nouvelle phase de travail, celle de localiser ledit requin en vue de le capturer. «Nous savons que le requin tigre revient toujours où il a été. Nous allons donc organiser des pêches non létales afin de pouvoir localiser l’animal que l’on sait potentiellement dangereux » explique-t-il. Les premières séries vont débuter en février à Saint-Martin, d’autres sont également prévues à St Kitts et Nevis dont les autorités viennent de donner leur accord au directeur d’études. Les pêcheurs qui seront habilités à participer devront prélever de l’ADN sur les animaux et les marquer au niveau de la dorsale afin que les bêtes puissent être identifiées  plus facilement. «Nous aimerions aussi que les acteurs civils soient impliqués, que ce soit les pêcheurs mais aussi les plongeurs qui pourraient prendre des photos des requins lors de leurs sorties, cela nous permettrait de voir que tel requin est à tel à endroit », souligne Eric Clua.

Ces actions s’inscrivent dans un programme beaucoup plus large de recherches et de suivi sur les requins. Un groupement d’intérêt public a été créé et est installé en préfecture. 480 000 euros ont été débloqués afin de financer ces travaux qui doivent aussi permettre de recenser la population de squales dans les Antilles et améliorer la connaissance de cette espèce animale. Le préfet aimerait que Saint-Martin devienne un pôle d’excellence sur les requins au niveau de la Caraïbe.

Estelle Gasnet