01.12.2016

« Mettre des mots à la place des coups »

Trait d’Union, l’association d’aide aux victimes, organisera bientôt des stages de parentalité.

«La violence ne surgit pas de manière soudaine» affirme Jean-Marie Thévenet, délégué du procureur et président-directeur de l’association Trait d’Union. Tout en évoquant le slogan d’une publicité britannique qui disait «ce qu’un enfant voit, un enfant fait», cet ancien gendarme poursuit : «comme j’ai pu le constater au cours de ma carrière, lorsqu’un enfant passe à l’acte, il y a souvent un dysfonctionnement familial». Le passage à l’acte, sous-entendu, dans la délinquance, est selon lui «une question que l’enfant pose». Travailler sur les origines de cette violence et responsabiliser les parents en tant qu’éducateurs, voilà l’objectif des stages de parentalité. Les parents constituant le premier maillon de la chaîne éducative.

Ce stage devrait être proposé à partir du mois de décembre dans le cadre de la composition pénale, parmi les mesures alternatives aux poursuites pénales, et correspond donc à une sanction. Il peut également s’ajouter à une peine de prison avec sursis ou une amende. Il se déroulera sur une journée et demi, divisée en deux parties. Durant la première phase, dite théorique, Hélène Bordas, juriste à Trait d’Union et d’autres intervenants (psychologues, associations…) présenteront différents aspects des violences conjugales d’un point de vue juridique, théorique et psychologique, ainsi que les dispositifs d’aide aux victimes.

L’idée est d’expliquer que dans un état de droit, tout ce qui concerne la vie est régi par des lois. «L’origine de la violence réside souvent dans l’incompréhension (garde des enfants, pension alimentaire…)» analyse-t-elle. Toutefois, le juge des affaires familiales est rarement saisi, par manque de connaissance du système. Lors de ce stage il s’agira «d’apprendre à mettre des mots à la place des coups, de développer la notion de dialogue», avance-t-elle. Un déjeuner, pris en charge par l’association se voudra un moment d’échanges et de dialogue. Lors d’une demi-journée supplémentaire, une médiatrice proposera, sur la base du volontariat, une évaluation de la relation.

DEJÀ 120 VICTIMES AIDÉES

En dehors de ce stage, la mission principale de Trait d’Union est l’aide aux victimes. En plus d’une permanence téléphonique tenue par un membre de l’association au siège (ancienne école, rue des écoles à Grand Case, 0690888288 ) et sur rendez vous, Hélène Bordas assure une permanence physique au Manteau tous les mercredis pour les femmes victimes de violences conjugales. L’association est par aileurs assistée d’une psychologue qui reçoit les victimes si elles en éprouvent le besoin. Parfois, comme dans le cas de comparutions immédiates, la juriste est chargée d’appeler directement la victime pour expliquer comment se constituer partie civile. Rares en effet sont les victimes qui connaissent leurs droits. Souvent, sachant l’auteur des faits insolvable, elles n’osent pas demander de dommages et intérêts. Il existe pourtant des fonds qui permettent différents degrés d’indemnisation selon les cas. D’autres, ignorent aussi que retirer leur plainte n’arrête pas les poursuites…

Créée début 2016, l’association commence à fonctionner depuis le 1er avril avec une grosse accélération depuis septembre. Déjà 120 victimes de violences et autres faits (vol, non paiement de pension alimentaire, non présentation d’enfant etc…) ont été épaulées, dont seulement 6 pour violences conjugales. «Ce qui est compliqué dans le cas de violences conjugales, note Jean-Marie Thévenet, c’est que la victime fait souvent l’aller retour entre son compagnon (ou sa compagne) et sa plainte, ce qui déstabilise tous les acteurs extérieurs». Entre chaque événement, on observe une phase de rapprochement qui s’accompagne généralement d’une culpabilisation de la victime. C’est ce qu’on appelle « la lune de miel ». «Il faut intégrer la rechute comme faisant partie de la guérison de la même façon que pour un toxicomane » ajoute-t-il. «La trésorerie joue énormément», précise la juriste. Les victimes ont plus de chances de quitter le logement conjugal une fois qu’on s’occupe de mettre en place les aides sociales et qu’on les informe de leurs droits et des structures d’accueil.

BIENTÔT UN POINT D'ACCÈS AU DROIT

Trait d’Union poursuit donc sa mission et incite toutes les victimes à contacter l’association. Elle sera bientôt le support juridique d’un point d’accès au droit, financé par le ministère de la justice, qui proposera des consultations gratuites (avocat, huissier…). Et qui sait, selon l’évolution de son activité, l’association s’étendra peut-être à Saint-Barthélemy…

 

Le 29 novembre, dans le cadre de la journée mondiale contre les violences faites aux femmes (25 novembre) Trait d’Union participait à une réunion à la Loterie Farm avec entre autres, la CAF, les Liaisons Dangereuses, le Manteau et SXM Santé.

Fanny Fontan