Diagnostic de Saint-Martin par l'INSEE
« Saint-Martin est un territoire avec des enjeux démographiques (population en baisse), un taux de chômage élevé, une activité fortement liée au tourisme, un niveau de formation faible et l’écart de revenus au sein de la population pose des questions en matière de cohésion sociale » a conclu Jean-René Place, le chef du service territorial de l’INSEE en Guadeloupe. Ce vendredi 16 décembre, il présentait lors d’une conférence de presse, le diagnostic territorial de Saint-Martin réalisé par ses services en partenariat avec la COM et la préfecture entre mi 2015 et mi 2016. S’il ne comporte pas forcément de grandes révélations, ce diagnostic a surtout chiffré des données majoritairement connues de tous. La source majeure étant le recensement de la population. Les données sont comparées à celles de Sint Maarten, de la Guadeloupe et de la France métropolitaine.
La présidente Aline Hanson en introduction de la conférence de presse a rappelé : «Saint-Martin est actuellement la seule Région Ultra Périphérique (RUP) d’Europe à ne pas avoir d’Antenne de l’INSEE, alors même que des collectivités comme la Nouvelle Calédonie et la Polynésie disposent d’instituts territoriaux de statistiques et que notre voisin Sint Maarten qui est un PTOM possède lui aussi une antenne. ». Ce qu’a approuvé la préfète Anne Laubiès qui a ajouté : « c’est vrai que Saint-Martin a besoin d’éléments d’appui à la décision afin de pouvoir tenir compte de la complexité du territoire et d'y apporter les réponses les plus adaptées».
Fin de l’essor démographique
En janvier 2013, Saint-Martin compte 35 600 habitants, soit 1100 de moins qu’en 2008. Ce qui contraste fortement avec les années 90 (+2,6% entre 1999 et 2008). Et surtout avec les années 80, période d’« explosion démographique » au cours de laquelle la population a été multipliée par 3,5 entre 1982 et 1990 (de 8 000 à 28 500 habitants). Le solde naturel (naissance/décès), bien que positif et stable, ne suffit pas à expliquer cette évolution. Elle résulte en effet principalement du solde migratoire qui s’est équilibré dans les années 2000. Récemment, les sorties du territoire sont plus nombreuses que les entrées. Les jeunes natifs partant généralement suivre des études et chercher un premier emploi.
Par ailleurs, malgré son vieillissement, la population de Saint-Martin est très jeune. En 2012, on comptait 3,7 jeunes de moins de 20 ans pour un senior de 60 ans ou plus. Les moins de 20 ans représentent 35% de la population. Même si la classe d’âge des 45-59 ans est aussi importante qu’en France métropolitaine (1 habitant sur 5).
La part de la population immigrée (née étranger à l’étranger) reste forte et s’étend à 32%. En 2012, seuls 31% des habitants sont natifs de Saint-Martin, contre 18% nés dans une autre COM, et 16% en France métropolitaine. La part de la population immigrée reste relativement stable depuis la fin des années 90. Les natifs de Saint-Martin ont en revanche diminué. 14 000 en 2007, ils ne sont plus que 11 000 en 2012. Les deux tiers des immigrés viennent de trois pays : 38% sont nés en Haïti, 14% en République dominicaine, 14% en Dominique.
Faible niveau de formation
Moins d’1/4 des 18-24 ans sont scolarisés contre 52% en France métropolitaine, et 18 % à Sint Maarten (en 2011). A Saint-Martin, 36% des 30-39 ans ne possèdent aucun diplôme et inversement, seuls 20% sont diplômés (contre 29% en Guadeloupe et 43% en métropole). Le niveau de formation diffère selon les régions de naissance. 70% des immigrés et 45% des natifs de Saint-Martin ne possèdent aucun diplôme. Seuls 7% des natifs de Saint-Martin sont diplômés du supérieur, la plupart ayant poursuivi leurs études ont quitté le territoire et ne sont pas revenus. Au contraire, 1/3 des métros qui habitent à Saint-Martin sont titulaires au minimum d’un Bac+2.
Une part d’actifs élevée, mais un chômage important
En 2012, 75% des 15-64 ans sont actifs à Saint-Martin, soit plus qu’en Guadeloupe et en métropole, mais moins qu’à Sint Maarten (81% en 2011). Seuls 50% des 15-64 ans déclarent occuper un emploi (contre 64% en métropole et 71% à Sint Maarten). Le taux de chômage déclaré au recensement a augmenté de 9 points en 5 ans (33% en 2012 contre 29% en Guadeloupe et 13% en France métropolitaine). Il ne serait que de 9% en 2013 à Sint Maarten. Mais le diagnostic de l’INSEE n’exclut pas que le niveau réel de chômage soit inférieur. « L’écart entre les chiffres du recensement et de Pôle Emploi laissent à penser, dit-elle, que certaines personnes ne déclareraient pas leur emploi du fait de leur recours au travail informel ». Les jeunes sont les plus touchés par le chômage (deux fois plus qu’à Sint Maarten). Et 32% des 15-24 ans n’ont ni emploi ni formation (24% en Guadeloupe en 2012, 18% à St Maarten). Les besoins de main d’œuvre sont en hausse avec 1280 projets de recrutement en 2015 (38% de plus qu’en 2013), mais dont 30% sont saisonniers. Ces besoins de main d’œuvre sont portés par la construction, la vente, le tourisme et les services.
Des emplois liés à une activité présentielle dominante
81% des emplois dépendent de la sphère présentielle, servant à satisfaire les besoins des habitants et des touristes. Mais alors que la partie française concentre la moitié de la population de l’île elle pèse moins de 40% dans le total des emplois. 28% des emplois salariés sont directement liés au tourisme. La partie française compte 1600 chambres d’hôtels. 96% des entrées sur le territoire sont effectuées par Sint Maarten (aéroport de Julianna ou port de Philipsburg). Moins d’un emploi sur cinq dépend d’une activité productive. L’agriculture est quasi nulle (moins de 50 emplois) et l’industrie productive génère moins de 350 emplois. Ce qui n’est pas mieux en partie hollandaise.
Seuls 7% des emplois sont détenus par des cadres ou professions intellectuelles supérieures, contre 11% en Guadeloupe et 17% en métropole. 41% des natifs de métropole occupent des postes de cadres ou professions intermédiaires, contre 17% chez les Saint-Martinois, et 11% chez les immigrés. Les employés sont nombreux à Saint-Martin (36%) mais les plus surreprésentés sont les artisans, les commerçants et les chefs d’entreprises (18%), soit trois fois plus qu’en métropole, d’où une population très importante de non salariés. Un emploi sur cinq est non salarié.
Une précarité marquée et de fortes disparités
En 2012, un quart des ménages saint-martinois sont des familles monoparentales. 60% de la population est couverte par au moins une prestation de la CAF. Saint-Martin se caractérise par le poids des prestations liées à la famille, beaucoup plus important qu’en Guadeloupe, du fait de la surreprésentation à Saint-Martin des familles avec enfants. 70% des allocataires perçoivent au moins une prestation familiale. En revanche en 2014, 21% de la population ont perçu le RSA, soit moins qu’en Guadeloupe (24%). Par ailleurs, les 2/3 des ménages sont locataires, mais seulement 7% vivent dans des logements sociaux. Depuis 1999, le niveau d’équipement des logements a nettement progressé avec 95% des ménages qui disposent désormais des principaux éléments de confort. Même si seuls 39% des ménages disposent d’eau chaude (contre 65% en Guadeloupe). Mais les 2/3 des ménages possèdent au moins une pièce climatisée. En outre, 28% des résidences principales sont en situation de surpeuplement.