Mise sur les jeux : la COM perd une nouvelle fois face à l'Etat
198 668,76 euros, telle est la somme précise que la Collectivité de Saint-Martin estime que l’Etat lui doit au titre des droits de timbre qu'il a perçus sur les mises de jeux effectuées sur son territoire du 15 juillet 2007 au 12 mai 2010 inclus.
En 2016, elle a saisi la justice pour récupérer cette somme. Le tribunal administratif de Saint-Martin a rendu une première décision en juillet 2017 en défaveur de la COM qui a alors fait appel. En novembre 2019, la cour administrative de Paris a rejeté son appel ; la COM s’est pourvue en cassation. En mars 2022, le Conseil d’Etat a annulé la décision de la cour administrative d'appel de Paris et a renvoyé l’affaire devant celle-ci. L’affaire a donc été examinée une nouvelle fois en novembre dernier ; la décision rendue est en défaveur de la Collectivité car celle-ci n’apporte pas la preuve matérielle exacte de la somme réclamée à l’Etat.
D’où proviennent les sommes réclamées par la COM ?
Une partie des sommes misées aux jeux de grattage et loterie de la Française des Jeux revient aux gagnants et l’autre est affectée à ce que l’on appelle les dotations structurelles des fonds de contrepartie. Cette seconde part des sommes misées est divisée en plusieurs enveloppes dont le droit de timbre. Par exemple, les bulletins du loto national sont soumis à un droit de timbre fixé à 4,70 % du montant des sommes engagées.
Si en métropole, les sommes correspondantes au droit de timbre sont récupérées par l’Etat, à Saint-Martin elles doivent l’être par la Collectivité en raison du transfert de la compétence fiscalité à partir du 1er janvier 2008.
La nature du désaccord
L’Etat n’a jamais reversé ces recettes pour la période allant du 15 juillet 2007 au 12 mai 2010. La COM a, à l’époque, envoyé plusieurs courriers de réclamation au ministre de l’Economie qui avait reconnu l’erreur pour la période allant du 1er janvier 2008 au 12 mai 2010. L’Etat a calculé les sommes dues à 83 675 euros et les a versées à la COM.
Mais celle-ci estime ces montants sous-évalués. En désaccord, la COM a saisi la justice : elle a demandé le versement de 198 668 euros, soit la somme due qu’elle a estimée, et la transmission par l’Etat d’un document attestant le montant des mises effectuées à Saint-Martin entre le 15 juillet 2007 et le 12 mai 2010.
Les données sur les mises de jeux
La COM prétend que l’Etat est le seul à disposer des données permettant de déterminer le montant des droits de timbre qu'il a perçus.
Mais en 2016, La Française des Jeux a écrit à la Collectivité que «l'Etat ne disposait plus des données afférentes aux années 2008 et 2009 et [qu’elle] ne peut les lui fournir, dès lors qu'elle ne tenait aucune comptabilité des ventes de billets de loterie à Saint-Martin avant 2010», indique la cour administrative d’appel de Paris. Aussi le tribunal administratif de Saint-Martin était-il dans son droit de ne pas demander une instruction tendant à faire produire par l'Etat des données contestées par la COM.
Selon «les règles qui gouvernent la charge de la preuve», l’Etat n’étant pas en mesure de justifier le montant des sommes reversées, il appartenait dans ce procès à la Collectivité d'apporter la démonstration du caractère sous-évalué des sommes en cause.
Pour réaliser ses calculs et trouver la somme de 198 668 euros, la COM s’est basée sur un tableau fourni par l’administration pour l’année 2008. Or, selon l’instruction, la COM a pris en compte des jeux qui n’étaient pas soumis au droit de timbre. De même, elle a exploité un tableau de mises, certes « plus plus importantes» pour les dix-neuf premières semaines de l’année 2010 mais qui n’étaient pas non plus concernées par le droit de timbre.
La cour considère également qu’ «en raison tant de l'ouverture à la concurrence des jeux de hasard à compter de l'année 2010 que de l'évolution de l'offre de jeux et de l'augmentation substantielle des mises enregistrées à Saint-Martin, les données issues des années 2013 et 2014 ne peuvent être regardées comme pertinentes pour le calcul des droits de timbre collectés de 2008 à 2010». En d’autres termes, la COM a réalisé des évaluations erronées.
Dans ces conditions, pour la cour, la Collectivité n’a pas apporté la preuve d’une sous-estimation par l’Etat du montant des sommes. Elle a rejeté sa requête.
Pour rappel, en 2017, la Collectivité avait en revanche obtenu la condamnation de l’Etat à lui verser 1,8 million d’euros correspondant à une autre partie des mises des jeux de grattage.