Un spectacle qui encourage la relation épistolaire pour tisser du lien social
Renforcer la cohésion sociale en faisant correspondre anonymement des inconnus « mais consentants ! ». Telle est l'ambition de la compagnie de théâtre Oxymore. Mené par deux personnages, Thérèse et Marcel, le spectacle intitulé « Les Dactylos, Bureau de poste poético-burlesque » démarre sur un principe : « Quelqu’un que vous ne connaissez pas vous a écrit quelque chose ».
Avec sa cravate aux rayures sépia, son chapeau et son pantalon rétro, Marcel fait la réplique à sa secrétaire Thérèse qui porte une robe à fleurs cintrée, un collier de perles et une coiffure de pin-up surmontée de fleurs en tissu. Leur look vintage, auxquels font écho leurs accessoires (machine à écrire, boîte en bois contenant des lettres dactylographiées…) projette le spectateur dans les années 50, afin de le distancier de l’hégémonie numérique contemporaine.
En mêlant fiction et réalité, Marcel et Thérèse expliquent travailler pour l’entreprise ICI, Itinérante de Courrier entre Inconnus, une « société privée d’intérêt général » et avoir recueilli des lettres d’inconnus dans divers endroits de France. « Après vous avoir distribué leur courrier, nous leur distribuerons le vôtre » annoncent-ils.
« En général nous nous installons sur une place ou dans une rue passante du centre-ville où nous observons le plus possible de mixité sociale, et nous proposons aux passants de recevoir une lettre. Si la lettre leur plaît ils peuvent s’installer pour en écrire une à leur tour. C’est un spectacle de rue fait par les spectateurs pour les spectateurs » explique Virginie, qui joue Thérèse et se délecte de la diversité et parfois de la profondeur des thèmes abordés dans les dizaines de lettres ainsi récoltées.
Avant de remettre une lettre, Marcel et Thérèse demandent au spectateur de choisir parmi une liste de propositions décrivant un sentiment. « Ainsi il part du postulat que quelqu’un de différent et d’éloigné géographiquement peut partager la même émotion » avance Virginie. Généralement touché par la bienveillance émanant de cette lettre écrite comme on jette une bouteille à la mer, le spectateur peut décider de perpétuer cette chaîne en débutant par la phrase : « Si comme moi… alors cette lettre est pour toi ». Chaque lettre est signée du prénom de l’expéditeur, de son âge et du nom de la ville où il se trouve.
Après une phase de test, les deux comédiens ont effectivement effectué un tour de la France hexagonale, entre juillet et septembre 2017 au cours de laquelle ils ont distribué des lettres d’inconnus dans une cinquantaine de villes, et fait participer plus de 7000 personnes.
Ils ont désormais entamé la deuxième phase du Tour de France des Dactylos, cette fois dans les Outre-mer. Dans le cadre d’une convention signée six ans plus tôt entre la COM et l’éducation nationale, ils sont actuellement à Saint-Martin pendant trois jours et se sont produits ce mardi 12 mars devant trois classes successives de seconde à la cité scolaire. Demain ils se rendront dans un autre établissement de l’île dont nous taisons le nom pour ne pas gâcher l’effet de surprise. Cette opération est organisée par le service Culture de la Collectivité (Carole Tondu) pour un montant de 2000€.
Dans cette deuxième phase, ils interviennent surtout dans les établissements scolaires. « L’idée est de débarquer à l’improviste pendant un cours et donc de déclencher un effet de surprise » avance Virginie. Le spectacle est alors adapté au lieu et au public et prend des allures d’atelier d’écriture express, baptisé « La Fac ». « La relation épistolaire est au programme du lycée mais on essaie d’être le moins scolaire possible » précise la comédienne. L’intervention des artistes dure une heure par classe. Une heure au cours de laquelle les élèves de Saint-Martin ont progressivement fait fi de leur timidité, pour révéler la poésie qui est en eux.