La ministre de la Justice a inauguré la chambre détachée de Saint-Barthélemy et Saint-Martin
Dès son arrivée à l’aéroport de Grand Case ce vendredi 3 mai à 9 heures du matin, la ministre de la Justice, accompagnée entre autres du préfet de Guadeloupe Philippe Gustin, s’est rendue à Marigot, au palais de justice.
Après avoir visité la chambre détachée du tribunal de grande instance (TGI) de Basse-Terre, et rencontré le personnel, Nicole Belloubet a, en compagnie des présidents des collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, ainsi que de la présidente du TGI de Basse-Terre, dévoilé la plaque de la chambre détachée.
Puis, à l’étage de cette chambre détachée, la présidente du TGI de Basse-Terre, Marie Bart, a introduit les différentes allocutions devant magistrats, avocats, greffiers, le sénateur Guillaume Arnell, la députée Claire Javois, ainsi que tous les acteurs locaux de la chaîne judiciaire.
« La chambre détachée de Saint-Martin et Saint-Barthélemy existe depuis le 1er janvier 2016, nous sommes entrés dans les lieux en mars 2018 avec un petit retard lié à la reprise des travaux rendus nécessaires après le passage d’Irma » a-t-elle rappelé. Et de préciser : « Elle est la sixième chambre détachée de France et la seconde d’Outre mer (avec Saint-Laurent du Maroni) et elle sera la dernière chambre détachée créée puisque avec la loi sur l’organisation judiciaire votée le 23 mars 2019, les chambres détachées vont disparaître au 1er janvier 2020. La chambre détachée de Saint-Martin et Saint-Barthélemy va disparaître mais va renaître pour devenir avec le tribunal d’instance, la chambre de proximité de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ».
Selon la présidente du TGI, cette inauguration est importante « car elle traduit la reconnaissance des efforts de ceux qui ont voulu avec cette chambre détachée rapprocher encore plus la justice des habitants des îles du Nord. Les Saint-Martinois et les habitants de Saint-Barthélemy avaient déjà accès à un juge de proximité qu’est le juge d’instance, mais avec la chambre détachée ils ont maintenant accès à de plus larges services et peuvent s’adresser à leur juge naturel pour juger tous leurs litiges civils ».
Marie Bart a également souligné que cette chambre détachée avait vu le jour grâce à la collectivité de Saint-Barthélemy qui a investi 450 000 euros pour sa construction, ainsi que celle de Saint-Martin qui a financé les travaux à hauteur de 150 000 euros. « Cette chambre détachée n’aurait pas vu le jour sans la volonté du ministère de la justice d’implanter ce nouveau site judiciaire dans les îles du Nord, avec de nouveaux services notamment la direction des services judiciaires, la cour d’appel, le service administratif régional et surtout l’APIJ, agence publique pour l’immobilier de la justice » a-t-elle déclaré.
La présidente du TGI a annoncé que le conseil d’accès au droit « qui existait sur le papier depuis 2008 » avait enfin vu le jour en janvier 2019 avec des permanences tenues par une juriste de l’association Trait d’Union dans les MASP de Sandy Ground et Quartier d’Orléans et avec les permanences avocats qui vont maintenant pouvoir se tenir parce que la convention avec Monsieur le bâtonnier a été signée récemment.
Daniel Gibbs l’a succédée au micro. « L’époque du petit tribunal d’instance oublié et sous-dimensionné est donc révolue. On ne peut que se féliciter de ces progrès de l’Etat de droit dans notre Territoire » a avancé le président de la collectivité de Saint-Martin. Avant de nuancer : « compte tenu de son relatif éloignement, Saint-Martin souffre encore d’un manque substantiel de structures judiciaires, rendant la vie quotidienne de mes administrés, de vos justiciables, parfois plus complexe, plus pénible… Le déplacement en Guadeloupe, dénoncé par le rapport SENERS…il y a vingt ans, s’avère encore, trop souvent, un passage obligé…Cela concerne les entreprises et le monde du travail. Je pense ici à la juridiction commerciale et au « parcours du combattant » parfois nécessaire à l’obtention du fameux extrait KBis. Je pense également à l’accessibilité de la juridiction prud’homale…Cela concerne également les particuliers, surtout les plus démunis. ».
Daniel Gibbs estime qu’il existe encore d’immenses marges de progression à accomplir pour que l’accès aux droits devienne une réalité, et d’évoquer le renforcement nécessaire des dispositifs d’aide aux victimes, les moyens budgétaires et humains permettant de lutter contre les violences faites aux femmes et l’application des procédures permettant de prévenir les expulsions locatives.
Le président de la COM de Saint-Martin a ensuite abordé trois points qui lui tiennent à cœur. Tout d’abord, la coopération judiciaire entre les deux parties de l’île : « je souhaite que dans les mois à venir, avec vos services et le soutien de l’ambassadeur délégué à la coopération régionale, nous puissions continuer à travailler de concert ». Puis la mise en place d’un Foyer éducatif, avec le soutien de la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) : « l’existence d’une telle structure, annoncée lors de la visite présidentielle de mai 2015, améliorerait significativement les actions de prévention et de lutte contre la délinquance des mineurs […]. A ce jour, il n’existe pas de structure d’accueil pour les mineurs délinquants et ces derniers sont toujours pris en charge ou placés en Guadeloupe. Cette situation ne facilite pas la réinsertion de ces jeunes, et je souhaiterais que vous me rassuriez en confirmant le cofinancement du projet par la DPJJ ». Enfin, la construction, à Saint-Martin, d’une Maison d’arrêt dotée d’une antenne du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) de Guadeloupe : « Saint-Martin se présente, à ce jour, comme la seule collectivité de près de 40 000 habitants à ne pas disposer de lieu d’incarcération.[…] La nécessité de concrétiser ce projet immobilier avait figuré, il y a cinq ans, dans le rapport remis à la Garde des Sceaux sur les problématiques pénitentiaires Outre-mer. A ce jour, cette proposition (la n°3) n’a pas été suivie d’effet. Je souhaiterais donc, peut-être à l’issue d’une mission approfondie de l’Inspection Générale de la Justice sur place, que l’Etat s’engage sur la construction, d’ici dix ans, d’une structure pénitentiaire dédiée à Saint-Martin, adaptée à la situation du Territoire et bénéficiant des moyens du SPIP pour promouvoir la réinsertion ».
Bruno Magras, président du conseil territorial de Saint-Barthélemy a ensuite exprimé sa satisfaction que ce projet de chambre détachée ait pu enfin se concrétiser. « Nous étions demandeurs depuis l’époque où Madame Rachida Dati était ministre de la justice, et finalement voilà qu’aujourd’hui nous assistons à l’inauguration » a-t-il déclaré. Bruno Magras a ensuite expliqué que la collectivité de Saint-Barthélemy avait participé financièrement à sa construction « parce que ça s’inscrit dans [sa] politique qui consiste à ramener au plus près du citoyen le pouvoir de décision ».
« Je sais combien l'attente des justiciables, des professionnels de justice et des représentants des collectivités que vous êtes était forte d'avoir ici un lieu qui renforce la présence judiciaire. Cette plaque que nous venons de dévoiler ensemble à l’instant, symbolise la réponse à ces légitimes attentes. En la découvrant c’est un lieu incarnant une véritable justice de proximité, au service des justiciables que j’ai souhaité mettre en valeur aujourd’hui » a indiqué Nicole Belloubet, la ministre de la Justice. Après avoir rappelé l’historique de la création de la chambre détachée, la ministre a fait valoir que « l’opération immobilière d’extension du palais de justice a[vait] été accompagnée par l’affectation de magistrats et de fonctionnaires supplémentaires ». Elle est désormais composée de cinq magistrats et neufs personnels de greffe.
Nicole Belloubet a ensuite répondu aux points évoqués par Daniel Gibbs. Ainsi, sur la mise en place d’un foyer éducatif pour la protection judiciaire de la jeunesse, elle a déclaré : « ma directrice de la protection judiciaire de la jeunesse était ici la semaine dernière pour voir comment en ce territoire, nous pouvons améliorer la prise en charge des jeunes sous la protection judiciaire de la jeunesse ».
Quant à l’ambition d’un accord de coopération en matière judiciaire civile et pénale, la Garde des Sceaux a assuré : « c’est ce à quoi monsieur le préfet s’attache car je crois que c’est un point majeur, les magistrats l’ont souligné devant moi tout à l’heure. Dès mon retour à Paris j’en parlerai à mon cabinet pour essayer de faire aboutir ce projet d’accord qui me semble indispensable pour accélérer la justice telle que nous devons la rendre ».
Enfin, sur l’aspect pénitentiaire, et tout d’abord sur le SPIP (service pénitentiaire d'insertion et de probation) : « je crois que nous devons être en mesure, dans la limite de nos moyens, mais ce sont des moyens qui vont augmenter, puisque nous allons recruter sur le territoire national 1500 personnels de SPIP supplémentaires jusqu’en 2022, donc nous allons à partir de là repenser la manière d’organiser le SPIP ici, je m’y engage ». Quant au souhait de créer un établissement pénitentiaire, Nicole Belloubet a répondu, non sans humour : « vous m’avez laissé un délai de dix ans pour y réfléchir, je compte utiliser ce délai pour y réfléchir ».
« Soyez en tout cas certains que je sais pertinemment que la justice de proximité ne doit pas rester sur ses acquis mais doit demeurer en perpétuel mouvement pour progresser et c’est bien ce que nous faisons puisque l’avenir à Saint-Martin sera aussi prochainement marqué par une nouvelle étape : au 1er janvier 2020 le quotidien de la justice sera encore amélioré avec la création du tribunal judiciaire de Basse Terre et de son tribunal de proximité de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Ce tribunal de proximité c’est le fruit de la fusion du tribunal d’instance et de la chambre détachée. Et il possèdera donc les attributions cumulées du tribunal d’instance et de la chambre détachée. Nous l’avons dit aux agents toutes les garanties seront bien entendu apportées aux agents pour l’exercice de leurs fonctions » a-t-elle assuré.