Accusé d'abus de confiance, l'ancien président de la ligue de football s'est expliqué devant la justice
«C’est une affaire de principe», veut faire comprendre le vice-procureur à l'ancien président de la ligue de football de Saint-Martin accusé d’abus de confiance. Les sommes qu’ils auraient détournées, «ne sont au final pas très élevées» (environ 20 500 euros et 8 800 dollars), «mais il faut que certains arrêtent de penser qu’ils peuvent se partager les rentes entre famille, entre amis. On ne peut pas vivre sur le dos d’une personne morale», insiste le représentant du ministère public.
En 2017, la FFF qui accorde une subvention annuelle de 10 000 euros, avait eu des doutes sur la gestion de la ligue et avait demandé à son président de venir à Paris. «Mais il ne s’est jamais présenté », indique-t-elle par le biais de son avocat. Elle avait alors mandaté un cabinet d’expert comptables pour réaliser un audit des comptes qui a révélé «un certain nombre d’irrégularités». Elle avait ensuite saisi son propre service de comptabilité pour les analyser de manière plus précise, il avait mis en lumière ces dépenses injustifiées ou qui n’ont pas de lien avec des déplacements professionnels. Dans ce contexte, elle avait adressé un courrier au parquet de Saint-Martin en décembre 2018, qui a ouvert une enquête. Fabrice Baly et le trésorier ont été placés en garde à vue à deux reprises mais seul le premier a été poursuivi pour abus de confiance en 2016 et 2017.
Il est reproché à Fabrice Baly d’avoir réalisé des dépenses à des fins personnelles ou sans lien direct avec l’intérêt de l’association. Par exemple, il a utilisé la carte bancaire de la ligue pour régler des abonnements i-Tunes, des achats sur internet, des nuits d’hôtels, des notes de restaurant.
«Comment expliquez-vous l’achat de smartphones à 1000 euros ? », lui demande le tribunal. «C’est un choix d’outils de travail», répond-il. «Quand vous allez à l’hôtel, vous n’allez pas au Formule 1…», lui fait aussi remarquer le tribunal. «Ni au Flunch quand vous allez au restaurant», poursuit-il en citant des notes de 450 euros comprenant un menu enfant dans un établissement de Marigot ou alors le règlement d’apéritifs dans un établissement de Pelican en partie hollandaise.
«Vous me reprochez un train de vie auquel le monde du football nous a habitués», a confié Fabrice Baly aux enquêteurs. Une déclaration qui a choqué les magistrats d’autant plus que la ligue n’était pas à jour de ses cotisations sociales.
Les juges se sont surtout interrogés sur les raisons d’un déplacement en septembre 2017 du président de la ligue à Tours. En juillet 2017, celui-ci se rend à Paris pour tenter de nouer un partenariat avec l’académie de Bobigny. Pour diverses raisons, les rencontres n’ont pas lieu, les rendez-vous avec la FFF, n’ont pas été confirmés. Il y retourne donc fin août et profite de l’occasion pour aller ensuite à Tours installer sa fille. «Qui n’a jamais joint l’utile à l’agréable ?», demande son conseil, maître Isabelle Lacassagne, lors de sa plaidoirie. Mais ce qui est reproché à Fabrice Baly ce sont ses dépenses à Tours où il est contraint de rester plus longtemps car Irma venant de passer sur Saint-Martin, il ne peut rentrer.
Lors de ce séjour, comme sa «carte bancaire personnelle ne passe pas», il va payer les frais d’hébergement et de bouche pour lui et sa famille avec celle de la ligue. «Mon client a remboursé la ligue», précise l’avocate. «Deux ans plus tard», note le procureur. Soit durant l’enquête.
«Vous êtes en déplacement, votre carte personnelle ne passe pas, vous utilisez celle de l’association, pas de souci. Mais quand vous rentrez, vous la remboursez. Or vous ne l’avez pas fait », commente le tribunal. Fabrice Baly le justifie par le fait que ce déplacement à Tours était un «déplacement professionnel» où il a rencontré des personnes de Bobigny – toujours dans le but de créer un partenariat- avec le conseiller technique de la ligue de Saint-Martin qui a aussi de la famille dans la région. Et de préciser : «je n’ai jamais caché à la ligue ce déplacement à Tours.»
Par ailleurs, il est aussi reproché d’importants retraits d’espèces, de l’ordre de 20 000 euros en 2017 sans présentation de justificatifs. Le président les explique notamment par les besoins en cash lors de déplacements des sélections. «Quand la ligue emmène une sélection à Anguilla, ils prennent le ferry à Marigot, et pour payer les billets, on ne peut le faire qu’en espèces car la caisse ne prend ni chèque, ni carte bancaire et elle ne donne aucun ticket. Je précise aussi que mon client ne participe pas à ces déplacements», cite en exemple maître Lacassagne afin d’expliquer l’absence de justificatif. Et d’ajouter : «quand vous retirez du liquide, vous ne savez pas encore comment vous allez le dépenser, donc vous ne pouvez pas écrire sur le reçu à quoi il a servi.»
L’avocate insiste aussi sur le fait que son client n’était pas le seul utilisateur des deux cartes de crédits que compte la ligue et surtout le seul titulaire. «Il est reproché à mon client des dépenses à hauteur de 8 834 dollars sur le compte en dollar. Or, le titulaire de la carte correspondant est le trésorier», précise-t-elle tout en soulignant que ce dernier n’est pas poursuivi.
«L’association a un expert comptable, un commissaire aux comptes, une secrétaire et une directrice administrative et aucune de ces quatre personnes n’a dit un jour qu’il manquait des factures pour justifier de certaines dépenses», s’étonne maître Lacassagne qui a fait remarquer d'un point de vue juridique que pour qu'il y ait détournement de fonds, il faut que les subventions touchées soient précaires, "or elles ne le sont pas".
Le tribunal s’était aussi dit surpris par le manque de rigueur au niveau de la gestion dont a pu faire preuve la ligue mais d’une manière générale un certain nombre d’associations localement. «Personne ne sait jamais rien ! », dénonce-t-il. «Mais on manipule quand même de l’argent public ! A quoi sert un trésorier ? S’il ne peut pas expliquer les dépenses ? », s’est-il interrogé.
Pour Fabrice Baly, il s’agit d’un stratagème de la FFF pour mettre à mal la ligue de Saint-Martin. Selon lui, elle n’accepte pas que la ligue puisse avoir des liens direct avec la FIFA via la Concacaf, laquelle a versé 200 000 dollars après Irma à l’association.
Dans cette affaire, la FFF s’est constituée partie civile mais ne demande qu’un euro de dommage et intérêt. Elle sollicite par contre le remboursement de 7 800 euros de frais et 3 000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale (frais d’avocat). Ni la ligue de Saint-Martin, ni la Collectivité qui accorde une subvention de 60 000 euros par an à la ligue, ne s’est constituée partie civile.
Le parquet a requis une peine de quatre mois de prison avec sursis, une amende de 2 000 euros ainsi qu’une interdiction d’exercer toute fonction de direction ou de présidence au sein d’une association pendant cinq ans*.
Le jugement a été mis en délibéré au 24 octobre.
Fabrice Baly, placé sous contrôle judicaire depuis le 30 avril dernier, n'est plus président de la ligue.
* Ces réquisitions valent aussi pour le recours à un travail dissimulé reproché également à Fabrice Baly dans le cadre d’un contrat de prestation de service avec Laurent Baltase.
Commentaires
Quelle bande de vauriens, d
Quelle bande de vauriens, d’incapables, de minables ! C’est tout ce qu’ils savent faire ! Voler !!
Le type a vécu comme un pacha
Le type a vécu comme un pacha en tapant dans la caisse pendant des années. Non seulement on ne lui demande pas de rembourser mais il n'a qu'une minuscule amende de 2000 euros... il aurait eu tort de s'en priver.