29.05.2024

Maison des femmes : un nouveau lieu pour accueillir les victimes de violences à Saint-Martin

Selon les données de la gendarmerie, le nombre de violences intrafamilales à Saint-Martin a augmenté de 47% entre 2022 et 2023 à Saint-Martin. L'une des raisons est la capacité des victimes à davantage oser parler à travers des consultations médicales, psychologiques, mais également des permanences juridiques et sociales. Saint-Martin se dote d'une nouvelle structure, une Maison des femmes (MDF), visant à libérer davantage la parole des femmes et leur permettre aussi de porter plainte. 

Labellisée par le collectif Re#Start, la MDF de Saint-Martin sera la seconde portée par le réseau France Victimes et la première des Caraïbes. Les exigences de labellisation du collectif sont «précises» et «un gage de qualité et de reconnaissance» selon Sibel Aydin, directrice adjointe de France Victimes 978.

Parmi les exigences, un parcours de soin complet, un partenariat avec l’hôpital (une convention a été signée avec le service d’urgence de l’hôpital Louis Constant-Fleming) et le fait que les victimes puissent déposer plainte au sein de la MDF. Ainsi, les femmes avec leurs enfants vont trouver toutes les ressources nécessaires en un point unique pour assurer leur confidentialité et leur sécurité. En plus de faciliter le parcours de ces femmes, cela permet de rassembler les points de vue des professionnels des domaines de la santé, justice et du social pour fournir des soins coordonnés. « Une belle avancée pour le territoire », se félicite Olivier Canale-Fatou, directeur de France Victimes 978.

En tant qu'unité de soin, ce lieu unique proposera non seulement d’écouter, d’informer et d’orienter, mais aussi d’accompagner toutes les femmes victimes de toutes sortes de violences (conjugales, intrafamiliales, sexuelles, sexistes et incestes). La création de cette Maison « était plus que nécessaire », reconnaissent les directeurs de France Victimes 978. 

La Maison des femmes est un lieu d'accueil de jour, ce n’est pas un centre d’hébergement. Jusqu’à quinze femmes par jour, avec ou sans rendez-vous pourront déposer leurs histoires, initier une psychothérapie et avoir un contact direct avec des services. Située au-dessus du centre médical de Marigot au 5 rue Capitaine Froston, cet espace de deux-cent-trente mètres carrés se veut un lieu accueillant et chaleureux, qui ne soit pas austère. « Nous souhaitons que les femmes s’approprient ce lieu, qu’elles s’y sentent à l’aide, qu’elles aient envie d’y venir et qu’elles s’y sentent surtout en sécurité », insiste Sibel Aydin. 

Concrètement, ce nouvel espace accueillera les services de la Croix-Rouge, l’Aide sociale à l’enfance, permanences médicales avec la protection maternelle et infantile avec ou encore un service de pédiatrie qui sera présent tous les vendredis matin à la MDF, mais aussi un service spécialisé en psychotraumatisme. De plus, il y aura des permanences juridiques pour accompagner les victimes sur l’accès aux droits et dans le cadre de leur démarche judiciaire.

Les femmes victimes de violences pourront également déposer plainte directement dans les locaux. Elles pourront solliciter directement les gendarmes de la brigade de la maison de la protection de la famille. Jusque-là, elles devaient se rendre à la gendarmerie pour porter plainte. Des murs froids souvent considérés comme une enceinte infranchissable. Une femme victime de violence doit d’abord passer par l’accueil où se trouvent d’autres usagers. Elle doit donc déjà faire face au regard des autres, au jugement, à la peur qu’on la reconnaisse et de se retrouver face à un gendarme. « Nous avons beaucoup de victimes qui refusent de se rendre à la gendarmerie en raison de ces peurs. Avec la MFD, elles pourront désormais le faire dans un cadre confortable, chaleureux et confidentielle », se réjouit Olivier Canale-Fatou.  

Dans la pratique, ce seront des gendarmes sensibilisés à l’accueil des femmes victimes de violences qui interviendront pour maintenir un lien de proximité. Il y aura une permanence tous les mercredis matin et les plaintes seront prises par des brigadiers à la demande des victimes. En outre, « tous les trois mois, nous effectuons des interventions pour sensibiliser  les nouveaux gendarmes arrivés sur l’île », complète le directeur de France Victimes 978. 

La Maison des femmes a pour vocation à « grandir » et l’objectif pour cet hiver est d’obtenir la mission d’intérêt général (MIG). C’est l’hôpital qui en fait la demande auprès de l’Agence régionale de la santé (ARS) « Cela nous permettra d’être un partenaire à part entière de l’hôpital qui apportera en plus des fonds pour recruter des agents hospitaliers ou détachés des agents pour la MDF », explique Olivier Canale-Fatou. 

« L’objectif du réseau Re#Start et donc de la MDF est d’obtenir un retour vers la guérison, pas uniquement médical mais totale. Nous avons gagné lorsque la victime n’est plus sous le statut de victime », concluent les directeurs de France Victimes 978. L’inauguration de la Maison des femmes est prévue le 21 juin prochain, il reste à installer un espace accueil au rez-de-chaussée. 

La Fondation de France a contribué au projet à hauteur de 15 000 euros, le collectif Re#Start à financé 20 000 euros ainsi que le réseau France Victimes sous la houlette du ministère de la Justice. « La déléguée régionale des droits des femmes de la Guadeloupe s’est engagée à apporter un financement à hauteur de 10 000 euros. Nous bénéficierons également des fonds de la FIPD (financement des politiques de prévention », indique Olivier Canale-Fatou. La Collectivité de Saint-Martin s’est aussi engagée à financer la structure, mais pour l’heure les fonds ne sont toujours pas alloués. 

Siya TOURE