Affaire d'enlèvement à la barre
Dans cette affaire d'enlèvement d'enfants, l'accusé est la mère. Cette femme originaire des Pays-Bas, est soupçonnée d'avoir quitté Saint-Martin en février 2011 avec ses deux enfants sans l'autorisation du père dont elle était séparée et contre des décisions du juge des affaires familiales (JAF). Depuis, le père n'a jamais revu ses enfants. Selon les éléments qu'il a pu recueillir, ils vivraient au Brésil et porteraient le nom de jeune fille de leur mère. Un mandat d'arrêt a été délivré en octobre 2012 mais la femme n'a toujours pas été interpellée. L'émission d'un mandat faisant office de mise en examen, la mère était ainsi convoquée ce matin devant le tribunal correctionnel de Saint-Martin puisque c'est ici que l'enlèvement a eu lieu. Mais seul était présent l'avocat de la victime.
Tout remonte à 2008 ; le couple vit à la Baie orientale, est marié depuis dix ans quand la fillette accuse son papa d'attouchements sexuels. La maman se sépare aussitôt et saisit le JAF qui ordonne la résidence des enfants chez leur mère et un droit de visite du père. Celui-ci est surpris, au vu des accusations portées à son encontre*, que son épouse n'entame pas en outre une procédure de divorce. Ce que, lui, va faire quelques mois plus tard**. A ce moment, des examens psychologiques sont réalisés sur la fillette et vont révéler son bien-être et ainsi motiver le JAF a ordonné la garde alternée ; une décision que la mère n'aurait pas apprécié selon l'avocat de la partie civile. Puisque quelques jours plus tard, elle «vide la maison» et prend l'avion au départ de Juliana avec les deux enfants malgré les contraintes judiciaires (présenter les enfants à leur père, l'avertir de son changement d'adresse).
«Elle n'accepte pas qu'on lui donne tort et fait la pire chose que l'on puisse faire dans un couple, enlever les enfants», commente maître Stephen Montravers pour la partie civile. «Elle disparaît corps et biens», fait-il remarquer. En effet, depuis ce 3 juillet 2011, le père ne sait pas où elle se trouve. Il suppose toutefois qu'elle se trouve au Brésil. Des recherches Interpol y ont été menées en fonction des informations données, mais ont été vaines.
Les enquêteurs ont aussi tenté d'interroger l'employeur de la femme, mais sans succès. Elle est en effet hôtesse de l'air pour une compagnie aérienne hollandaise appartenant au même groupe qu'une compagnie française dont les effectifs ont été sollicités pour obtenir ses coordonnées. Seulement, les agents ont répondu que la compagnie qui l'embauche est une filiale et qu'ils ne peuvent avoir accès à ce genre d'informations. La coopération judiciaire internationale n'a pas non plus fonctionné.
A la barre, le conseil explique que l'accusée est «dans les avions 15 jours par mois mais que, son statut d'hôtesse la dispense de présenter son passeport aux contrôles de police dans les aéroports». «Elle a fait un gigantesque bras d'honneur à tout un système judiciaire», estime Stephen Montravers qui demande ainsi au tribunal «d'entrer en voie de condamnation sévère».
Il demande par ailleurs 33 920 euros d'indemnités au titre du préjudice moral pour le père qu'il représente (selon la base de 20 € par jour sans avoir vu ses enfants, soit 1 696 jours), 16 960 euros pour la grand-mère des enfants qu'il représente et qui sait aussi constituée partie civile ainsi que 33 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
Le vice-procureur a requis deux ans de prison ferme ; la peine maximale étant trois ans. Il a aussi délivré un nouveau mandat d'arrêt qui devrait être converti au niveau européen. «En tant qu'homme, je comprends la souffrance que peut être celle de ce père mais je ne la mesure pas», a-t-il confié.
Le jugement a été mis en délibéré au 15 octobre.
*Les plaintes pour attouchements sexuels et viols déposées ont abouti à des non-lieux.
** Le divorce n'a été prononcé qu'en janvier 2015, soit six ans plus tard.