24.05.2016

Continuer à se former sur place après le CAP

L'institut de beauté pédagogique permet aux titulaires du CAP de continuer à se former sans avoir à s'exiler.

Ouvert depuis septembre 2014, l’Institut de beauté pédagogique de la rue de la Liberté, fonctionne comme n’importe quel autre salon de beauté. A ceci près qu’il s’agit d’une entreprise d’insertion dans laquelle les salariés managés par un professionnel continuent à se former pour obtenir un diplôme supérieur. Titulaires du CAP Coiffure/Esthétique dispensé à Saint-Martin depuis 2009 et financé par la Collectivité et l’Union européenne (FSE), les quatre employées (deux esthéticiennes, deux coiffeuses) préparent depuis bientôt deux ans leur Brevet Professionnel qui leur permettra si elles le souhaitent, de devenir chef d'entreprise. Leurs horaires de travail sont aménagés afin de pouvoir suivre dix heures de cours par semaine.

Aline Freedom, a créé l’institut pour permettre aux titulaires d'un CAP de travailler en alternance tout en continuant à se former, car le niveau CAP est insuffisant pour trouver un emploi dans la partie française de l'île. «La partie hollandaise est plus demandeuse de ce type de profil» avance la gérante, qui dirige également le centre de formation INFORMIP dispensant les cours du BP. « Après la première promotion du CAP, diplômée en 2011, nous avons constaté que ceux qui étaient partis en métropole s’en sortaient très bien» se souvient-elle. Selon elle, un niveau CAP est  insuffisant pour s'installer à son compte tant en coiffure qu'en esthétique, bien que la loi le permette. Pour évoluer en grade, il faut donc continuer à se former. Le brevet professionnel se prépare en alternance pendant deux ans. Ici, les gérants d’instituts travaillent généralement seuls et n'ont pas forcément les moyens ni l'espace pour recruter. L’institut pédagogique vise à combler cette faille et permet aux jeunes diplômées qui en ont la volonté, de monter en compétences.

 Lors de cette première session qui s’achèvera au mois d’août, quatre jeunes femmes ont ainsi bénéficié d’un contrat d’insertion et donc d’un salaire (SMIC), tout en préparant un diplôme qu'elles obtiendront dans moins d'un mois. Elles seront remplacées par quatre de leurs homologues qui resteront elles-aussi deux ans. Ces recrues sont souvent étrangères au monde de l’entreprise et devront développer leurs compétences, notamment en matière de relation-clients. Cynthia Dormoy, coiffeuse/manageuse du salon est là pour les encadrer. Elle est la première Saint-Martinoise à avoir obtenu son CAP puis son BP Coiffure en alternance. «C’était contraignant à l'époque parce qu'il fallait se rendre en Guadeloupe toutes les deux semaines pour suivre les cours» se souvient-elle. Des trajets qui lui ont d’ailleurs coûté un accident d’avion. Si son travail n’est pas toujours de tout repos, elle ne regrette pas d’avoir accepté de relever le défi : «Ici, j’ai l’impression d’aider les jeunes à avoir ce que je n’ai pas eu».

Pour l’heure, «la rentabilité de l’entreprise n’est pas encore assurée, comme pour toute entreprise qui démarre» confie Aline Freedom. En cause surtout, le manque de clientèle : «il faut se faire connaitre et montrer sa valeur, rassurer la clientèle sur la qualité de nos prestations. Comme nous avons mis le mot « pédagogique », les gens prennent ça pour une école. Nous mettons en avant le fait que nos employées sont formées et qu’elles continuent à l’être.». Elle cherche à être le «pourvoyeur de personnel» des autres entreprises de l’île. Tout en reconnaissant que ce projet ne pourra pas durer éternellement sans arriver à saturation. «Notre but n’est pas de former des chômeurs» ironise-t-elle avec lucidité. Dans quelques années, la structure devra donc évoluer. Quitte à devenir une entreprise  classique, ou passer à une autre type d'activité où il y a un manque de compétences. 

Fanny Fontan