Marjorie, une «Ti-moun» entreprenante et innovante
Être déterminé, persévérant, passionné, créatif. Savoir se donner sans faille, gérer les situations de crise et avoir une grande force de travail. Autant de qualités que Marjorie Julien possède. En effet, cette jeune trentenaire est une maman de deux enfants en bas âge, qui cumulait vie professionnelle et vie familiale. Aujourd'hui, elle est sur le point d'ouvrir sa propre entreprise, un nouveau statut qui requiert justement ces mêmes qualités.
Il y a un peu plus d'un an, l'entreprise qui l'employait en tant que cadre, a procédé à un plan social et Marjorie Julien a été licenciée. Elle en a profité pour se reposer, pour prendre du temps pour elle et surtout pour «ranger ses placards» et précisément ceux de la chambre de ses enfants. «C'est incroyable tout ce que l'on peut stocker !», observe-t-elle. Comme de nombreuses autres mamans, Marjorie prend des photos des jouets et autres articles dont elle veut se séparer pour les vendre sur des sites de petites annonces. Une méthode tout aussi efficace que contraignante. Si elle pouvait les vendre via un intermédiaire, ce serait plus simple... L'idée est là, celle d'un dépôt-vente spécialisé dans les articles pour enfants. Marjorie mène alors une étude de marché dont les résultats lui donnent raison. Résidant dans le Nord de l'île, elle aimerait l'ouvrir à Hope Estate. Cela tombe bien car, selon un sondage qu'elle a aussi réalisé auprès de 160 personnes, sur les manques dans cette zone commerciale, un magasin pour enfants arrive en deuxième position*. Le concept est trouvé. Mais Marjorie souhaite encore l'améliorer.
FAIRE DU DÉSTOCKAGE
Sur l'île depuis quatre ans, elle connaît les limites du marché du prêt-à-porter pour enfants : le manque de choix et une concurrence trop faible pour faire jouer les prix. Elle veut donc élargir son projet avec le déstockage. Et évidemment pas avec des marques déjà présentes sur l'île. Elle se renseigne et, effectivement, certaines liquident régulièrement leur stock. Les contacts sont alors pris. La gestation du projet d'entreprise est déjà bien avancée : l'intérêt est démontré et sa réalisation architecturée. Reste une étape importante, et non des moindres, avant l'accouchement du nouveau «Ti'Moun»** de Marjorie , celle du financement. La jeune femme frappe ainsi à la porte d'Initiative Saint-Martin Active dont le comité d'agrément validera l'obtention d'un prêt d'honneur. Les idées continuent encore de germer dans la tête de la trentenaire. «J'ai un ami sur Bordeaux qui finance son projet d'entreprise grâce au crowfunding», raconte Marjorie pour qui, il ne faut pas longtemps pour s'intéresser à ce concept totalement – ou presque- inconnu à Saint-Martin, mais très en vogue outre-Atlantique.
CROWFUNDING OU LES VALEURS DE SAINT-MARTIN
Le crowfunding ou financement participatif est une solution permettant de lever des fonds auprès de tout le monde. Professionnel, particulier, jeune, vieux, ami, inconnu, riche, moins riche, retraité, actif, bref, si vous trouvez un projet intéressant, vous avez la possibilité de lui permettre de voir le jour en le finançant. A la hauteur de vos moyens : 5, 10, 20, 50, 100, 500 €, etc, aucune limite n'est imposée. «Je trouve que le crowfunding reflète l'état d'esprit de Saint-Martin», confie Marjorie Julien. «Ici, il y a beaucoup de solidarité», a-t-elle pu constater. Aussi trouve-t-elle intéressante cette idée de faire participer les gens au financement de son entreprise. «Tout le monde a un intérêt de le faire. C'est un moyen pour chacun de s'impliquer dans la vie de son territoire, de soutenir l'activité économique», conçoit-elle. Et pour que cet intérêt soit encore plus grand, Marjorie a choisi l'option «dons» avec ou sans contre-partie. En effet, le crowfunding propose trois modèles de financement : le don, la prise de participation dans le capital et le prêt. «En faisant un don avec contre-partie, la personne reçoit en échange des avantages comme des bons de réduction», précise Marjorie . «L'intérêt est double : d'une part pour la personne qui donne puisqu'elle a quelque chose en retour et qu'elle sera obligée de venir à la boutique, cela génère donc des visiteurs et des futurs clients. D'autre part pour l'entreprise, puisque les personnes qui donnent ont ainsi envie de voir que leur don a servi, a été utile en parlant du projet autour d'elles. Cela crée de la publicité et suscite une curiosité avant même l'ouverture de la boutique», explique Marjorie qui espère lever un minimum de 3 000 euros, le montant nécessaire à la constitution d'un stock initial d'articles déstockés. L'ouverture de la boutique est prévue en février 2016. Marjorie Julien a choisi la plate-forme Bulb in town. Elle a déjà reçu 9 soutiens pour un montant total de 550 euros ; 18 % de son projet sont ainsi déjà financés. «Je suis contente de constater que l'information autour du projet circule énormément. Beaucoup de gens s'interrogent sur le crowdfunding et montrent un grand intérêt pour le magasin. Rome ne s'est pas fait en 1 jour et amener les Saint-Martinois vers le crowdfunding prend du temps», admet la trentenaire. Ti moun pati chodyè***... L'ouverture de la boutique est prévue en février 2016.
* En première position est arrivée une boulangerie.
** Enfant en créole et nom du magasin.
Le principe du dépôt-vente
Les personnes intéressées pour laisser des affaires prendront contact avec Marjorie qui se réservera le droit d'accepter ou de refuser les articles. Les deux parties signeront un contrat d'une durée limitée. Si à son terme, les articles n'ont pas été vendus, ils devront être repris. Ils pourront aussi être déposés dans les bornes de tri qui seront installées dans le magasin, en vue de dons à des associations sélectionnées selon leurs besoins. Tous les vêtements seront lavés et désinfectés avant d'être proposés à la vente.
Le principe du déstockage
Marjorie Julien a déjà noué des contacts avec plusieurs marques (Du pareil au même, Vertbaudet, H&M, Ikks junior, etc) qui liquident leur stock. L'intérêt du déstockage est de pouvoir pratiquer des prix extrêmement concurrentiels, l'inconvénient est de ne pas pouvoir proposer les toutes dernières collections et toutes les tailles. «Tout dépendra des stocks, mais cela permettra d'alterner », confie Marjorie Julien.