07.07.2017

Comment des Français ou résidents de Saint-Martin ont voulu blanchir de l’argent à St Maarten

La Financial Intelligence Unit (FIU) de Sint Maarten enquête notamment sur des opérations de blanchiment d'argent conduites en partie hollandaise qu'elle expose - sans citer de nom - dans ses rapports annuels. Nous avons repris les affaires impliquant des Français, des personnes résidant en partie française de l’île ainsi que des sociétés françaises entre 2012 et 2014. Ces affaires ont été transmises au parquet de Sint Maarten mais les rapports de la FIU ne présentent pas les poursuites et sanctions prononcées.

Un Européen transfère de l'argent dans la Caraïbe via St Maarten

En 2014, un ressortissant européen (la nationalité n’est pas précisée) domicilié en partie française de l’île, a ouvert un compte bancaire à Sint Maarten en tant que non résident. Cela est autorisé par St Maarten à la condition de prouver un lien avec la partie hollandaise. Or, l’individu qui déposait régulièrement des chèques et de l’argent liquide sur son compte, n’en présentait aucun.

Saisie, la FIU a entamé des recherches. Ses homologues dans le pays d’origine de l’individu, ont indiqué qu’il avait été directeur général d’une entreprise et que celle-ci l’avait licencié car elle le soupçonnait de corruption et de blanchiment d’argent. Il n’a toutefois pas été poursuivi par la justice.

La FIU a confirmé des transactions entre son pays natal et sa banque à Sint Maarten. Elle a par ailleurs estimé à 2,5 millions de dollars le montant de transactions réalisées avec sa femme, à destinations de cinq îles de la Caraïbe ; le montant moyen de chaque virement était de 300 000 dollars et ne présentait aucun lien avec une activité commerciale.

♦ Jackpot

La FIU a nommé cette affaire «Jackpot». Traitée en 2013, elle concerne un homme qui réside en partie française et qui veut acheter une voiture en partie hollandaise au prix de 38 500 dollars américains. Il veut payer en cash car il dispose de 400 billets de 100 dollars.

Pour justifier au concessionnaire l’origine de ses fonds, il explique qu’il est récemment allé au casino, qu’il a gagné et qu’il s’est vu remettre ses gains en liquide. Il cite même le nom de l’établissement.

La FIU alertée par le concessionnaire, interroge le casino et il s’avère que l’homme n’a jamais gagné. Il n’est même pas connu par les employés du casino dont la direction précise en outre qu’au delà de 2 500 dollars, les gains sont versés sous forme de chèque ou de virement bancaire.

♦ Les supposés cadeaux

En 2013, la FIU a enquêté sur une Française domiciliée en métropole prétendant travailler dans le monde de l’immobilier. Elle est venue sur l’île pour acheter des cadeaux à ses clients. Accompagnée de deux personnes, elle s’est rendue dans une banque côté hollandais.

La femme avait expliqué vouloir acheter 100 cartes de crédit rechargeables pour les offrir à ses clients, d’une valeur de 500 dollars chacune. Elle avait choisi une banque de Sint Maarten dont les cartes n’avaient pas de puces contrairement aux cartes proposées par les établissements français. Elle entendait payer en cash. Elle disposait en effet de 50 000 dollars dans son attaché-case.

La banque l’a interrogée sur l’origine des fonds et elle était dans l’incapacité de citer le nom de son entreprise. Les personnes qui l’accompagnaient ont été alors sollicitées mais n’ont pas pu citer le nom de l’entreprise. Pour la FIU, il s’agissait d’une société écran. La banque n’a pas réalisé les transactions.

Soupçon de financement du terrorisme

En 2012, la FIU a soupçonné une entreprise parfaitement déclarée, d’avoir réalisé des transactions inhabituelles à hauteur de 25 millions de dollars.

Cette entreprise (le lieu d’immatriculation n’est pas précisé dans le rapport) possédait deux filiales, l’une en Guadeloupe, l’une en Martinique, lesquelles réalisaient des affaires et des transactions dans une banque implantée à Sint Maarten. Cette dernière a eu des soupçons sur des opérations de blanchiment d’argent et a ainsi saisi la FIU.

La banque avait noté un dépôt de 450 000 dollars en liquide sans qu’aucune précision sur la provenance des fonds ne soit apportée ; l’argent avait été transporté par une société spécialisée dans le convoyage de fonds. La banque avait aussi observé un virement de 250 000 dollars vers le Moyen Orient. Après avoir enquêté, la FIU a découvert que la personne destinataire des 250 000 dollars figurait sur une liste de personnes soupçonnées d'activités liées au terrorisme.

♦ Un commerçant en relation avec la pègre

En 2012, un commerçant de Saint-Martin (et de nationalisé française) a éveillé les soupçons de sa banque en réalisant plusieurs dépôts d’espèces dont les montants allaient de 40 000 à 65 000 dollars. Au total, il a déposé 2 millions de dollars sur une période de trois ans ; une somme apparaissant bien supérieure aux revenus qu'il pouvait tirer de son activité : un magasin d’articles ménagers-épicerie.

Le commerçant qui avait l’habitude de voyager avec de l’argent liquide pour, a-t-il expliqué, acheter de la marchandise, a aussi éveillé les soupçons des douaniers. Ces derniers ont été interpellés par le montant des sommes transportées - entre 200 000 et 600 000 dollars - et par le fait qu’aucune opération en euro n’apparaissait alors que son commerce était en partie française. Pour la FIU, le commerçant avait des relations avec le monde de la pègre.

Estelle Gasnet