Une fête entre gendarmes qui avait mal tourné
Le 17 juin 2010, une fête est organisée dans un hôtel à Saint-Martin par des gendarmes. C’est une soirée dite de «bascule» consistant pour l’escadron de gendarmerie mobile à dresser un bilan de la première partie du séjour et à donner les directives applicables durant la seconde partie. À cette fête participe MC, un restaurateur et assistant de direction, qui va être grièvement blessé.
Selon les éléments de l’enquête «il a été ceinturé, poussé contre son gré par deux gendarmes dans la piscine» et «a été heurté accidentellement dans la région crânio-cervicale par l’un des deux gendarmes». Il a été transporté au centre hospitalier Louis Constant Fleming pour une prise en charge d’un traumatisme du rachis cervical, de troubles neurologiques, d’un traumatisme crânien, d’une perte de connaissance initiale et de troubles de la sensibilité des quatre membres avant d’être évacué quatre jours plus tard vers le centre hospitalier de Fort de France en Martinique et pris en charge par le service de chirurgie orthopédique pour un déficit moteur complet des deux jambes et du bras droit. S’en suivront des séjours dans d’autres établissements en métropole entre 2010 et 2012.
Paralysé durant de longs mois, MC a saisi la justice pour faire reconnaître la responsabilité de l’Etat et être indemnisé. Le tribunal de grande instance et la cour d’appel de Paris s’étant déclarés incompétents pour statuer, c’est finalement le tribunal administratif de Saint-Martin qui a récupéré l’affaire en novembre 2014. L’audience s’est déroulée le 10 juin dernier en présence de la victime dont l’état s’est amélioré même si les capacités physiques demeurent très limitées. MC a demandé à condamner l’Etat à lui verser 1,6 million d’euros au titre des préjudices subis.
LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NE CONTESTE PAS SA RESPONSABILITÉ
Dans cette affaire, il s’est surtout agi pour le tribunal administratif d’estimer le montant du préjudice car le ministère de la Défense dont dépend la gendarmerie, n’a pas «contesté la responsabilité de l’Etat». «La soirée au cours de laquelle est survenu l’accident était organisée dans le cadre d’une mission de détachement de l’escadron auquel appartenaient les auteurs du gendarme, à l’initiative de leurs supérieurs hiérarchiques et en leur présence», atteste-t-il. L’accident «révèle ainsi une faute de service de nature à engager la responsabilité de l’Etat».
Les préjudices sont de deux ordres : à caractère patrimonial et extrapatrimonial. MC a dû prouver toutes les dépenses qu’il avaient dû engager suite à son accident : recours à l’assistance d’une tierce personne, frais de santé (médicaments, soins divers, chaussures orthopédiques, attèle dynamique, collier cervical), aménagement de sa salle de bains, de son véhicule, forfait hospitalier, entraînement musculaire, frais d’hôtel, d’achat de vêtements, de blanchisserie lors de la période de rééducation, pour ne citer que les principaux.
MC a en outre subi une expertise pour apprécier ses capacités à pouvoir retravailler. Il en résulte qu’il «ne pourra reprendre son activité d’adjoint en restauration et d’assistant de cuisine». Néanmoins, il est admis qu’il peut exercer «une activité sédentaire compte tenu des prescriptions de maintien en position assise sans activité de marche prolongée, sans port de charges». Au total, l’Etat doit lui verser des indemnités à hauteur de 505 396 euros.
De plus, trois membres de la famille de la victime avaient demandé des indemnités au titre du préjudice moral et de remboursement de sommes engagées pour suivre MC. Seuls les préjudices du père et du frère ont été reconnus ; ces derniers recevront respectivement les sommes de 4 863 et 2 000 euros.