Les violences conjugales en dix points
Définition de la violence conjugale par le professeur Henrion, membre de l'académie nationale de médecine, qui a réalisé un rapport sur la question en 2001 faisant toujours autorité : « un processus évolutif au cours duquel un partenaire exerce, dans le cadre d’une relation privilégiée, une domination qui s’exprime par des agressions physiques, psychiques ou sexuelles ».
1. Les violences conjugales existent partout dans le monde, dans tous les milieux, à tous les âges. Elles peuvent survenir au début ou la fin d’une relation, et dans toutes les formes de couples.
2. Il faut différencier conflit conjugal et violences conjugales. Il est en effet normal dans un couple de ne pas être toujours d’accord sur tout. Mais le conflit est réglé par la parole, la discussion et c’est ce qui est absent dans le cas de violences conjugales où le seul moyen d’expression du dominant par rapport au dominé est la violence et la colère. Il va y avoir des niveaux extrêmement différents entre l’auteur et la victime qui vont petit à petit se développer et faire que la victime va devenir quelqu’un de presque absent. On n’est plus un sujet mais un objet.
3. Il existe plusieurs formes de violences conjugales :
- elles commencent souvent par des violences verbales : « t’es moche », « t’es nulle », « t’as vu comment tu t’habilles », « tu es encore sorti(e)…
- puis petit à petit viennent les violences psychologiques : le dominant exerce progressivement une emprise sur le dominé
- pour arriver à des violences physiques d’une gravité variable : de la gifle à l’homicide
- les violences sexuelles : des rapports sexuels non consentis ou différentes pratiques qui ne sont pas acceptées par la victime
- les violences financières et économiques : par exemple dans un couple où l’homme gagne l’argent du ménage, il va donner une somme ridicule à sa compagne pour s’occuper du ménage puis va lui reprocher de ne pas avoir acheté suffisamment de choses. Ou demander à l’autre d’arrêter de travailler afin de contrôler ce qui se passe à l’extérieur.
- les violences administratives : présentes en particulier dans les situations de grande précarité sur le domaine administratif, par exemple au sein d’un couple de sans-papiers, on va avoir le dominant qui va confisquer tous les papiers de la victime ou la menacer de la dénoncer aux autorités
4. La violence conjugale est cyclique et va toujours dans une perspective d’aggravation. La gifle peut se terminer un jour par des coups beaucoup plus importants. Avant la violence il y a un moment de tension qui va créer une peur chez le dominé. Cette tension va se concrétiser par une expression verbale qui va s’orienter vers une agression. Il va y avoir aussi peut-être une prise de conscience de la victime qui va, après l’agression, appeler les gendarmes et puis passer à l’action : plainte à la gendarmerie, garde à vue. Il y a une gradation dans la sanction donc à l’issue de la garde à vue l’auteur est d’abord libéré et revient à la maison. Un retour qui va souvent être apaisé. Cependant il va y avoir de la part du dominant, un transfert de responsabilité. « Si tu m’avais écouté on n’en serait pas arrivés là. À cause de toi je suis allé en garde à vue, tu te rends compte de ce que tu as fait ». Après quoi le dominé va prendre pour lui cette responsabilité. Puis démarre la période appelée ironiquement « lune de miel », pendant laquelle la situation va se normaliser. Il arrive même que pendant cette période on fasse un enfant en croyant solutionner les problèmes. Mais cette période de lune de miel ne va durer que jusqu’à une nouvelle période de tension, suivie d’une agression, d’une plainte, d’un transfert de responsabilité, d’une lune de miel… Cette période de lune de miel, au fur et à mesure des années, se raccourcit, pour arriver à une période de tension permanente et donc une situation dangereuse.
5. Des preuves scientifiques montrent que petit à petit avec l’installation de la violence il y a des modifications cérébrales qui font que la victime devient comme anesthésiée, dans un état de sidération. Si bien qu’elle ne sent plus les coups. Lorsqu’on entend des gens dire : « mais pourquoi elle reste avec lui ? ». Parce que ces personnes victimes ne sont plus capables d’action. La seule manière de se défendre est de subir, mais ce n’est pas volontaire. Dans un premier temps, une victime ne se sent pas victime. Honte, culpabilité, isolement, elle fait souvent des allers-retours avec ses plaintes, c’est pourquoi il est très difficile de l’aider.
6. La loi française dispose de toute une série d’articles qui ont trait aux violences conjugales et a étendu la notion de vie conjugale à tout ce qui ex. Sur 189 pays 44 n’ont pas de législation spécifique à ce sujet. Lorsqu’une victime est frappée par un ex copain, ou l’inverse, cela reste des violences conjugales. Le fait de commettre une infraction au sein d’un couple est une circonstance aggravante du point de vue pénal. La peine maximale pour un viol est de 15 ans d’emprisonnement, et 20 ans sur un(e) conjoint(e). Les violences « simples », comme une gifle, entre deux personnes entraînent jusqu’à 750 euros d’amende. Jusqu’à huit jours d’ITT c’est 1500 euros. Lorsque ces violences, comme une gifle, sont commises au sein du couple la peine encourue est de trois ans d’emprisonnement et 45000 euros d’amende. Les sanctions ne sont pas les mêmes, tout dépend de l’histoire et du type de violence. Ce n’est pas parce qu’on a porté plainte que l’auteur va systématiquement en prison. C’est une crainte que beaucoup de victimes ont. Lorsqu’une femme se retrouve avec ses enfants et qu’elle veut porter plainte mais qu’elle sait que si elle le fait le mari va aller en prison, c’est un élément qui la fait réfléchir et freine sa démarche. De plus en plus de gendarmes et de policiers sont spécialisés dans l’écoute des victimes des violences conjugales et également des enfants.
7. L’enfant est toujours une victime. Il ne faut pas croire que si les violences se font en dehors de leur présence ils ne vont pas sentir qu’il y a quelque chose. Ils ont une perception extrêmement fine de la réalité qui les entoure. Lorsqu’ils perçoivent ces violences, ou pire lorsqu’ils en sont témoins, ou encore plus grave, lorsqu’ils en sont victimes, cela va les marquer pour leur vie entière. Les victimes de violences conjugales dans 30% des cas ont été des victimes dans leur enfance, comme 90% des agresseurs. Donc l’enfant est une victime systématique des violences conjugales, même s’il n’est pas frappé et simplement témoin, il nécessite une prise en charge particulière pour éviter que le cycle ne se reproduise d’une génération à l’autre.
8. La loi du silence : se taire c’est participer. Lorsqu’il y a des violences familiales dans votre entourage, et que vous vous taisez, vous êtes participant. C’est très délicat parce que souvent la victime elle-même va se taire, elle a honte. Les familles vont avoir tendance à considérer qu’il ne faut pas que ça se sache, les voisins se boucher les oreilles et même certains professionnels vont se taire quand ils ne savent pas comment poser les questions ni quoi faire après.
9. La victime doit rester au centre de se qui va se passer. Ce n’est pas à l’entourage, ou à tel ou tel acteur de décider ce qu’il faut faire, c’est elle qui doit décider. Bien entendu elle doit être accompagnée pour justement quitter cet état d’objet et redevenir une personne agissante. Des aides, on peut en trouver partout : le personnel soignant, les médecins les psychologues, les associations, les gendarmes, l’assistante sociale de la gendarmerie…
10. A Saint-Martin, en l’absence de numéro d’urgence dédié comme le 3919 en métropole, les victimes de violences conjugales sont invitées à appeler la gendarmerie, auprès de laquelle elles peuvent demander de l’aide en cas d’agression, mais aussi déposer une plainte ou une main courante à l’encontre de leur conjoint(e). Elles peuvent également être accompagnées par l’association Trait d’Union au 0690 888 288 et au 0690 378 401 du lundi au vendredi de 9 heures à 17 heures.