Association des hôteliers : « la relance réelle du territoire se fera fin 2019 »
Le président de la Collectivité le rappelait vendredi 13 juillet lors de la conférence de presse au cours de laquelle s’est présenté le nouveau propriétaire du Riu : « 95% du parc hôtelier a été affecté » par le passage de l’ouragan Irma le 6 septembre dernier. L’hébergement constitue un élément essentiel de l’industrie du tourisme, principale économie du territoire. Daniel Gibbs précisait aussi que depuis le passage de Luis en 1995, « il manque ¾ de la flotte hôtelière », alors que le territoire aurait besoin au minimum de 2500 à 3000 chambres pour véritablement parler de relance économique.
Or, au premier juillet, l’association des hôteliers de Saint-Martin recensait 150 chambres disponibles sur les 14 hôtels membres, contre 1163 avant Irma. L’association rassemble entre autres, les six plus gros complexes hôteliers du territoire : Le Riu, désormais Sole Resorts, le Club Orient, le Mercure, le Beach Hôtel, le Grand Case Beach Club et La Samanna qui à eux seuls comptabilisent en temps normal environ 900 chambres et emploient environ 70% du personnel hôtelier de la partie française.
Seules 454 chambres devraient être disponibles en décembre
A l’heure actuelle, seuls 5 des 14 hôtels sont ouverts. Et aucun d’entre eux ne fonctionne entièrement. D’ailleurs 100 des 150 chambres disponibles au total, se trouvent au Mercure - sur les 180 dont disposait l’établissement avant Irma.
Quant aux prévisions pour décembre 2018, soit la prochaine saison touristique, elles sont de 454 chambres. « La relance réelle du territoire se fera fin 2019 » avance Patrice Seguin, président de l’association des hôteliers et directeur du Beach Hôtel. « Cet hiver, si on fait une demi-saison ce sera déjà pas mal » prévoit-il avec pragmatisme. Hormis son hôtel, tous les autres devraient être entièrement rénovés fin 2019. « Dans le système touristique, ce qui fait que les gens viennent, c’est la programmation. La programmation des tours opérateurs et des compagnies aériennes ne peut se faire qu’à base d’hébergement, c’est-à-dire de chambres d’hôtels » poursuit-il.
La reconstruction est un travail de longue haleine. Plutôt que de parler des difficultés auxquelles doivent se confronter les propriétaires et gérants des établissements, Patrice Seguin préfère le terme d’ « état de fait ». La plupart des hôteliers ont touché au moins une partie de leurs indemnités d’assurances, même si quelques dossiers sont encore en suspens. Le problème des assurances reste donc « marginal » selon le directeur du Beach Hôtel. Le fait est qu’avant de reconstruire il y a toute une phase qu’il qualifie « d’opaque » pour le grand public. Pour illustrer son propos il prend l’exemple du Beach Hôtel, tout en reconnaissant l’aspect extrême de sa situation en termes de dégâts, vis à vis des autres hôteliers.
Les délais de reconstruction : "un état de fait"
Le 4* de Marigot n’ouvrira pas avant la fin 2020, les travaux devant débuter en début d’année prochaine, soit quinze mois après Irma. Après avoir géré la situation de crise des premières semaines, et traité l’aspect social, c’est-à-dire dans son cas, avoir procédé au licenciement économique de sa trentaine de salariés, il a fallu réfléchir à un nouveau projet. Puis est venu le temps de l’ingénierie, des architectes et bureaux d’études. Et ensuite celui des propositions puis des dépôts de permis de construire, et de l’attente des délais d’instruction (2 à 4 mois) puis de recours (3 mois) tout en consultant les entreprises et négociant avec elles les devis et délais avant de finaliser les détails techniques du projet. Et pour tout cela il faut déjà des fonds, donc ceux qui n’avaient pas de trésorerie ont dû attendre le versement de leurs indemnités.
Parmi les gros hôtels, seul le Grand Case Beach Club a commencé rapidement les travaux. Les autres qui s’y mettent à présent sont tributaires, comme les particuliers, des délais d’approvisionnement. Le Club Orient, qui a subi également d’énormes dégâts, prévoit de proposer 30 bungalows à la saison prochaine, soit 20% de sa capacité. « Il faut admettre que le territoire n’est pas organisé pour ça » souligne Patrice Seguin en faisant référence à l’énorme chantier global de reconstruction et rejoignant ainsi ce qu’il appelle « l’état de fait », celui inhérent au caractère insulaire.
Pour certains, la reconstruction est l’occasion d’améliorer la qualité du produit, de procéder aux rénovations nécessaires avant Irma et de s’ancrer dans la mouvance du développement durable. C’est le cas du Beach Hôtel notamment qui en profitera pour monter en gamme et augmenter le nombre de chambres. L’hôtel en comptait historiquement 144, mais seules 110 étaient utilisables avant septembre 2017. « Il y en aura 175 dans le nouveau projet » annonce Patrice Seguin. L’ex Riu, passé aux mains de Sole Resorts, sera entièrement réhabilité et devrait proposer 350 chambres, soit une centaine de plus qu’avant.
La question des emplois
Le groupe Belmond qui possède La Samanna a annoncé à maintes reprises sa réouverture fin 2018, bien que nul ne sache pour le moment si les travaux ont vraiment débuté. Sole Resorts et le Club Orient planchent pour une réouverture totale fin 2019.
Devant de tels délais se dessine la question des emplois. Si La Samanna a licencié près de la moitié de ses quelques 120 employés, et le Beach Hôtel la totalité de ses 30 salariés, le Riu (désormais Sole Resorts), le Grand Case Beach Club et le Club Orient les ont placés en activité partielle, comme la plupart des établissements. La députée Claire Guion-Firmin a demandé le 17 juillet dernier à la ministre du travail si elle prévoyait une nouvelle prorogation de la durée du dispositif d’activité partielle qui doit se terminer en novembre prochain. Si ce n’était pas le cas, que deviendront tous ces employés en attendant la réouverture de leur établissement ?
Pour l’association des hôteliers, l’un des enjeux primordiaux en attendant réside en la formation des employés. Si les établissements montent en gamme il faudra que la qualité du service suive. « On veut une formation de qualité » rapporte Patrice Seguin qui pense notamment aux écoles hôtelières de métropole ou de Suisse, et à des stages d’au moins six mois dans de grands établissements français afin de créer un vivier de compétences sur le territoire et de pouvoir, pour ceux qui vont devoir réembaucher, le faire localement.
Reconstituer ensemble un produit touristique de qualité
Au delà de la reconstruction de leurs établissements, les hôteliers espèrent aussi que le territoire va pouvoir se repositionner pour attirer de nouveau les touristes qui auront dû partir en vacances ailleurs dans l’entre deux. « Il faut s’assurer que le produit touristique soit prêt à tous les niveaux. Il n’a de sens que si le reste suit dans la montée en gamme » affirme le président de l’association des hôteliers. L' AHSM souhaite la mise en place d'un comité de pilotage spécifique " reconstruction du produit touristique ". Selon les hôteliers, « tous les outils existent, mais tout le monde avance en marche dispersée ». Pour eux, il faudrait centraliser les problèmes à résoudre pour apporter une réponse plus rapide et de qualité.
Arriver à coordonner tous les outils qui permettent de reconstituer un produit touristique de qualité et se réorganiser pour effectuer une promotion de qualité et mieux organiser la stratégie touristique dans sa globalité constituent leurs préoccupations principales. « C’est tous ensemble qu’on doit redévelopper le produit touristique (restaurateurs et institutions compris). Le marché global aime beaucoup le territoire, les gens sont très en attente de la reconstruction à condition qu’on fasse ce qu’il faut pour que les gens soient contents » conclut-il.