23.11.2018

Affaire de l’école Frenet : une audience fleuve de plus de sept heures

Le tribunal correctionnel de Saint-Martin a examiné hier, jeudi 22 novembre, l’affaire de l’école Frenet. Le jugement sera rendu le 21 février 2019.

Les prévenus étaient initialement convoqués le 21 juin dernier mais le procès avait été renvoyé, l’avocat de la défense étant malade.

Après avoir jugé trois autres affaires, le tribunal a débuté l’examen de celle de l’école Frenet aux alentours de 11 heures. Cette audience fleuve, particulièrement complexe, s’est achevée un peu avant 20 heures, les principaux prévenus faisant l’objet de neuf chefs d’accusation.

L'audience a toutefois été suspendue afin de laisser le temps au tribunal et au parquet de lire les conclusions de nullité de deux fois trente pages déposées par la défense en début d’audience. Conclusions qui consistaient à tenter de démontrer des vices de procédure. Il a donc fallu attendre le début de l’après –midi pour que le tribunal puisse étudier le fond de l’affaire.

Rappel des faits

Le rectorat annonçait l'interruption de l'activité des écoles Frenet et Victor Schoelcher à Saint-Martin, situées rue Augustin Baker à Concordia le 1er septembre 2017. «Ces établissements privés hors contrat n'ayant pas obtenu l'habilitation de l'éducation nationale, ne sont pas autorisés à dispenser des enseignements», expliquait-il. En parallèle, les représentants des deux établissements gérés par l’association Ecole Frenet – liquidée depuis - faisaient l’objet d’une enquête de gendarmerie. Le couple Héritier, qui gérait cette école, est soupçonné d’avoir détourné une partie de l’argent provenant des inscriptions à son profit et de ne pas avoir déclaré des salariés.

Il est aussi poursuivi pour escroquerie à Pôle Emploi. Leur association, dont leur fille était la présidente et donc la représentante légale, aurait bénéficié d’aides versées par l’Etat pour une prise en charge de 95 % des salaires de certains de ses employés (dont leurs deux enfants) alors qu’elle n’y avait pas droit, soit un total de 90 000 euros. L'agent de Pôle Emploi aurait mentionné des domiciles dans des zones dites prioritaires et/ou modifié les durées d’inactivité antérieures, afin que l’association bénéficie de ces mesures financières, alors que lesdits salariés n’habitaient pas aux adresses indiquées et/ou n’étaient pas restés inactifs aussi longtemps.

En résumé, les sommes provenant des inscriptions versées par les parents, ne servaient pas – comme cela aurait dû être le cas – à payer les enseignants ; les salaires de ces derniers étant en partie subventionnés par l’Etat. Elles auraient alors été détournées par le couple Héritier à son profit.

Les prévenus

Les principaux prévenus étaient Jean Héritier et son épouse Annick Nuyttens accusés d’escroquerie faite au préjudice d’une personne publique ou d’un organisme en charge d’une mission de service public pour l’obtention d’une allocation, d’une prestation, d’un paiement ou d’un avantage indu (entre le 1er septembre 2016 et le 30 juin 2017), ouverture d’un établissement privé d’enseignement primaire sans déclaration préalable (entre le 1er janvier 2015 et le 1er septembre 2017), ouverture illégale d’un établissement privé d’enseignement secondaire (entre le 1er septembre 2016 et le 1er septembre 2017), exécution d’un travail dissimulé (entre le 1er janvier 2016 et le 1er septembre 2017 à Saint-Martin), abus de confiance (entre le 1er janvier 2015 et le 30 octobre 2017 à Saint-Martin), altération frauduleuse de la vérité dans un écrit (commis du 1er septembre 2016 au 30 juin 2017 à Saint-Martin), usage de faux en écriture (entre le 1er septembre 2016 et le 30 juin 2017),  tentative de déclaration fausse ou incomplète pour obtenir le RSA le 18 septembre 2017,  blanchiment de janvier 2015 à septembre 2017 à Saint-Martin

Etaient également convoqués à la barre :

- Marie Héritier, la fille, pour les cinq mêmes premiers faits que ses parents, en tant que présidente de l'association école Frenet dont elle était la donc la responsable légale au moment des faits

- Romain Héritier, le fils, pour recel de bien obtenu à l’aide d’une escroquerie (entre le 1er septembre 2016 et le 30 juin 2017 à Saint-Martin), soit d'avoir bénéficié des 9 372 euros du contrat aidé sans y avoir droit

- les personnes morales de l'association école Frenet

- les personnes morales de la SCI Marie, accusées de blanchiment d'argent. Ses gérants (le couple Héritier) auraient détourné l'argent de l'association pour rembourser leurs prêts immobiliers

- l'agent Pôle Emploi Marika Andriulli, pour escroquerie faite au préjudice d'une personne publique ou d'un organisme chargé d'une mission de service public pour l'obtention d'une allocation, d'une prestation, d'un paiement ou d'un avantage indu , faux : altération frauduleuse de la vérité dans un écrit , usage de faux en écriture, le tout entre le 1er septembre 2016 et le 30 juin 2017

Seuls Jean Héritier et sa fille étaient présents à l’audience, accompagnés de leur avocat. Annick Nuyttens, épouse de Jean Héritier, et leur fils Romain étaient absents, car installés désormais en Italie.

En l'absence de Marika Andriulli, et surtout en celle de son avocate qui devait assister une autre personne aux Assises en Guadeloupe, le tribunal a accepté de disjoindre les deux affaires. C’est-à-dire qu’elle sera jugée séparément.

Une vingtaine de victimes 

Etaient également présentes plusieurs des victimes dont des enseignants et parents d’élèves, mais aussi la collectivité de Saint-Martin, représentée par son avocate, la SARL Eponine de Carole Henry, représentée par son avocat, le Pôle Emploi, représenté par son avocat, l'agence Service et Paiement Guadeloupe (ASP) représentée par son avocate et la CGSS de Guadeloupe, représentée par son avocat. Outre quelques enseignants et parents parmi les victimes, seul le rectorat ne s’est pas constitué partie civile.

Réquisitions

Considérant les infractions constituées, le parquet a requis :

- 10 000 euros d’amende avec sursis à l’encontre de l’association école Frenet

- à l’encontre de la SCI Marie : confiscation de la villa familiale située à la Baie orientale, déjà saisie provisoirement et dont la valeur correspond selon le représetant du ministère public au montant de l’enrichissement personnel 

- quatre mois de prison avec sursis et 1000 euros d’amende à l’encontre de Romain Héritier

- huit mois de prison avec sursis et 2000 euros d’amende ainsi que l’interdiction d’exercer toute activité en lien avec la gestion d’un établissement pendant cinq ans à l’encontre de Marie Héritier

- interdiction définitive de gérer ou de diriger une structure d'enseignement à l'encontre des deux époux, quinze mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende à l’encontre d’Annick Nuyttens, trente mois de prison dont vingt avec sursis et 5 000 euros d’amende à l’encontre de Jean Héritier

Le tribunal rendra son délibéré le 21 février 2019.

(Photo d'archive)

Fanny Fontan
7 commentaires

Commentaires

Je viens de lire votre article à propos de mon procès qui s'est tenu hier. Il ne reflète que partialement ce qui s'est dit, donnant l'exclusivité des informations aux réquisitions du parquet. Aucune mention de nos arguments en défense et de la plaidoirie de notre avocat. Comment croire que sept heures d'audience se seraient soldées par un monologue de l'accusation ?
Cet article est à charge, et foule au pied la déontologie journalistique. Ce n'est pas honnête.

Monsieur (Jean) vous avez l honnête de vous présenter devant la justice .....c’est là moindre des choses .....mais ne dites pas que vous n avez pas été entendu car comme les autres mises en cause vous avez eu l occasion de le faire pendent l enquête de la gendarmerie. De plus vous aviez l opportunité de demander des compléments d actes soit au parquet soit au juge d’instruction ....si cela n a pas été fait prenez vous en a votre avocat.
Enfin quand on commence par vouloir soulever des vices de procédure c est sur l on est pas serein sur le fonds .
En attendant commencez par régularisez les fonds indûment perçus et vous verrez diminuer le nombre des parties civiles et levtribunel appréciera .....

C’est logique et légal. En droit, la forme vaut le fond. A moins que vous considériez comme très normal que le chef enquêteur déclare aux témoins que l’Association « ne paye pas ses charges sociales » (ce qui est faux), que « c’est la gendarmerie qui va faire fermer l’école » (seul un juge peut le décider, au terme d’un procès), que « vous devez vous inscrire dans un autre établissement parce que l’école va ferme en urgence»… Il s’agit d’une violation flagrante de la présomption d’innocence et la subornation de témoin. Nous détenons un enregistrement sonore de ces propos tenus par ce gendarme, que nous avons fourni au Tribunal. D’où la demande de l’audition de ce gendarme pour qu’il s’explique sur ces propos à charge, dépassant son devoir de réserve…

Je crois que la justice a été assez complaisante avec vous parle passé ...

C'est minable de parler d’honnêteté quand on fait preuve d'autant de malhonnêteté... Mais bon, ça vous ressemble tellement !

Ce Monsieur très savant va sûrement publier un livre pour nous démontrer sa supérieure innocence !

Les faits sont têtus...