Rénover son deux-roues à Sandy Ground
Ils s’appellent Jason, Ronel, Keevan ou bien Helyan, habitent Sandy Ground et sont âgés de 12 à 15 ans. En ce mardi 16 août 2016 de vacances scolaires, ils s’affairent calmement sur le scooter de l’association MadTwoz Family qui sert à livrer le SXM Friendly Mag. En effet, ce jour-là, ils n'ont pas de vélo à se mettre sous la dent. En un coup d’œil et un peu d’oreille ils détectent qu’il faut changer les bougies. Deux ou trois coups de clés plus tard, la poignée de jeunes a démonté la carcasse. Puis un vrombissement attire notre attention : le scooter est déjà réparé.
Ici, pas de place pour les blablas. Ceux qui observent apprennent de ceux qui agissent. Et ces derniers comment ont-ils appris ? «Tout seuls» répondent-ils comme une évidence. «On passe notre temps à ça, réparer nos bécanes…». Jason rentre dans quelques jours en CAP Mécanique Auto au lycée professionnel des îles du Nord, tandis que Ronel, pourtant accroupi sous le moteur, a choisi le CAP Cuisine. A 15 ans, il cuisine déjà chez lui : sa spécialité ? Le riz et le poulet. Bienvenue à l’école de la débrouille.
A l’heure où les ateliers de réparation de vélos prolifèrent dans toutes les villes d’Europe, l’association qui œuvre pour la jeunesse de Sandy Ground peine à faire marcher le sien, par manque de moyens. Sur le continent, hipsters et bobos brandissent l’argument écolo sur fond de militantisme contre l'obsolescence : «pourquoi acheter quand on peut recycler ?» Ici, il s’agit à la fois d’éviter que les jeunes ne traînent dans la rue, et de les aider à constituer eux-mêmes leur deux-roues.
UN PROJET QUI NECESSITE DES DONS
«Quand on roule dans le quartier, on voit souvent des jeunes en train de réparer leur vélo ou leur scooter dans la rue. Pour moi ce n’est pas présentable» avance Jérémy Watt le directeur de l’association, lassé qu’on ne parle de Sandy Ground qu’en termes de délinquance et faits divers. Cette jeunesse qui passe ses vacances à bricoler, illustre la vision qu’il a d’elle : «il y a beaucoup de talent, beaucoup de potentiel». Depuis l’été 2015, le MTF Bike Club est ouvert tous les samedis entre 15 et 18 heures, et quasi tous les jours pendant les vacances. En tout, ils sont près d’une quarantaine à venir réparer ou juste ranger leur vélo. «Beaucoup viennent d'eux-mêmes. Les autres, ce sont les parents qui les font venir, ou nous quand on les voit sur la route» raconte Jérémy Watt. «J’aime monter des projets où les jeunes s’amusent tout en se perfectionnant dans quelque chose qu’ils font déjà au quotidien » poursuit-il.
En plus de mettre ses locaux à leur disposition, l’association a récemment acquis deux mallettes à outils. Mais pour que le projet prenne toute son ampleur, il faudrait que les habitants de l’île jouent le jeu et fassent don de leur bicyclette (ou bien pièces détachées utilisables et outils en tous genres) plutôt que de s’en débarrasser. Les membres du Bike Club pourraient récupérer les pièces pour retaper les moins abîmées et finalement les vendre pour quelques dollars. Beaucoup de parents n’ayant pas les moyens d’acheter du neuf.
"MONTRER AUX JEUNES QUE LES VELOS SONT TOUJOURS COOL"
Le Bike Club comprend également une section BMX dont le garage n’est que la continuité. Sur une île où la mode du wheeling fait office de sport national, «on essaie de montrer que les vélos sont toujours cool» confie le directeur. Et moins dangereux que motos et scooters… D’où le Kids Fun Day n°1 organisé en janvier 2015. Grâce à ses sponsors et Thierry Parrot, un de ses membres, l’association a réussi à inviter le champion de BMX canadien Jean William. L’idée est de prouver aux jeunes qu’au lieu de pratiquer dans la rue juste pour le fun, ils peuvent devenir professionnels. Jérémy Watt a un rêve : «On aimerait envoyer les meilleurs au Canada pour qu’ils participent à des compétitions internationales. Et qu’ils réalisent qu’avec un BMX on peut faire le tour du monde ».