13.05.2020

Au cours d'une dispute, il a "boxé" sa femme

Un homme a été condamné à douze mois de prison avec sursis pour avoir battue sa compagne.

Pourquoi cet homme a violemment frappé ou «boxé» sa compagne pour reprendre les termes du tribunal, cette nuit-là ? A cette question, les juges ont essayé de trouver une réponse lors de l’instruction de cette affaire de violences conjugales en audience collégiale mercredi matin.

Les faits se sont déroulés dans la nuit du 22 au 23 avril dernier. Peu après minuit, les gendarmes interviennent au domicile d’un couple à l’Anse Marcel, la femme vient de les appeler en pleurs. Elle vient d’être battue. Valise sous le bras, elle quitte le domicile et va trouver refuge chez sa fille. L’homme sera placé en garde à vue plusieurs heures plus tard et convoqué devant le tribunal correctionnel en comparution à délai rapproché trois semaines plus tard. «A toute affaire de violence, on a une action immédiate de la justice», rappelle le vice-procureur.

«Elle va recevoir une volée de coups de poing au visage»

Le 22 avril, FW, le prévenu, un gérant de plusieurs établissements en partie française, tient une réunion avec les employés de l’une de ses sociétés. Ensuite il se rend dans un restaurant qu’il gère, y retrouve d’autres employés et sa compagne, JG. «Au lieu de rentrer chez soi après le travail car on est en plein confinement, on fait un apéro illicite !», commente le tribunal. «Madame boit du vin rosé et Monsieur une boisson type pastis. Les deux sont alcoolisés», fait remarquer le tribunal lors de la présentation des faits tout en précisant que les deux parties prennent aussi des médicaments, lui contre le diabète, les deux des antidépresseurs pour dormir. Puis chacun reprend sa voiture et rentre au domicile où une dispute éclate rapidement pour «un motif futile».

FW va jeter les affaires de JG sur le deck, pousser celle-ci qui tombe au sol. «Elle va recevoir une volée de coups de poing au visage», explique le tribunal. «Il va la boxer. Ne dites pas que vous lui avez donné des gifles… des gifles ne mettent pas dans un tel état», prévient la juge en montrant les photos du «visage ensanglanté» de la victime qui a le nez cassé, plusieurs hématomes, une première ITT de 6 jours, puis une deuxième de 10 jours.

«Vous êtes quelqu’un de lambda, vous n’avez pas de casier judiciaire, il n’y a jamais eu de violence au sein de votre couple… Comment fait-on pour en arriver à un tel excès de violence ? », ne cessent de s’interroger le tribunal et le vice-procureur.

"Elle m'a poussé à bout"

A tour de rôle, les deux parties livrent à la barre leur version des faits. «Je suis rentré en premier du restaurant, JG est rentrée longtemps après moi, je ne savais pas où elle était. J’ai eu le temps de me doucher, de prendre un médicament pour dormir, puis elle est arrivée. Elle est venue dans la chambre en train de fumer et a commencé à m’insulter. Elle m’a dit que je me faisais arnaquer, que j’étais impuissant… Ça m’a énervé, (...) elle m'a poussé à bout (...) je me suis levé, je suis allé dans le dressing, elle a continué de m’insulter, je l’ai poussée, elle m’a poussé, on s’est poussés», raconte FW. Il reconnaît l’avoir giflée et qu’elle est tombée par terre. «Elle s’est relevée mais ce n’était pas une femme que j’avais en face de moi, c’était un diable !», a-t-il répété à deux reprises. «Avez-vous eu peur ?», lui demande le tribunal. «Oui, j’ai eu peur, c’est pour ça que je l’ai giflée et lui ai dit de partir», répond-il.

De son côté, JG explique qu’elle est rentrée un peu plus tard que lui car elle a «roulé prudemment». «Quand je suis arrivée à la maison il était au lit, il râlait, il était contre ses employés car il venait de découvrir qu’ils l’avaient volé», raconte-t-elle. Celle-ci a voulu lui faire comprendre que «la pression de son travail, les difficultés, tout cela se passait au détriment de [leur] couple ». «Je lui ai dit qu’on devait essayer de se retrouver, qu’on avait besoin d’intimité. Notre vie privée a été fortement impactée, elle a été sacrifiée. Puis il a pris mes affaires dans le dressing et les a jetées sur le deck et j’ai essayé de les rattraper», ajoute-t-elle. Sur la terrasse, elle est tombée et «il est monté à califourchon sur elle pour lui donner des coups de poing», a précisé maître Dufetel, l’avocate de la victime.

«Je me suis relevée, je me suis habillée et j’ai appelé les gendarmes. J’ai ensuite pris mon sac où il y avait mon passeport, puis une valise. Comme je partais du domicile, je voulais aussi récupérer les bijoux de famille que nous avions enterrés et je lui ai demandé de venir m’aider à les déterrer», poursuit JG à la barre. Elle est sortie du domicile et est allée attendre les gendarmes sur le parking.

«Ces 5 minutes durant lesquelles il a dévissé ont bouleversé la vie de ma cliente"

«Ces 5 minutes durant lesquelles il a dévissé comme il dit, ont bouleversé la vie de ma cliente, ces 5 minutes l’ont défigurée à vie. Avant de rencontrer FW, elle avait une vie sociale, un appartement, travaillait. Aujourd’hui elle se retrouve sans emploi, sans logement. Elle va devoir se reconstruire», a confié dans sa plaidoirie maître Dufetel. «Ma cliente est une femme jolie et FW est quelqu’un de jaloux. Il a voulu la défigurer car il ne voulait pas qu’elle puisse voir quelqu’un d’autre. Ma cliente n’est pas nymphomane comme il le dit, c’est une femme normale», complète l’avocate qui demande une provision de 50 000 euros sur les dommages subis.

L'avocat de la défense montre tout ce que son client a fait pour sa compagne

De l’autre côté, maître Davy Barreiro, l’avocat de la défense, contre argumente et souhaite «nuancer» le débat. Dans les affaires de violences conjugales, «on en veut toujours à ces hommes violents mais il convient dans celle-ci de nuancer». Le conseil de FW consacre ainsi une grande partie de sa plaidoirie à montrer tout ce que son client a fait pour sa compagne. Notamment, «il lui a donné une position sociale, elle est passée d’assistante secrétaire à directrice de l’une de ses sociétés, un poste pour lequel elle n’avait pas les compétences mais qui lui a donné car il l’aimait. Elle est passée d’un salaire de 1 800 à 4 000 euros. En raison de difficultés économiques, mon client a dû procéder à des licenciements économiques et JG est aujourd’hui inscrite à Pôle Emploi et touche des indemnités. Elle n’est donc pas sans argent», veut-il rectifier. Maître Barreiro s’est dit «surpris» que la victime «demande à celui que l’on prétend être son tortionnaire de l’aider à déterrer ses bijoux avant de partir ».

La défense produit en outre des attestations de trois personnes, dont une de l’un des ex de JG, HM. Celui-ci explique «que l’histoire de FW et JG a beaucoup de similitudes avec celle qu’il a eu avec JG. C’est une personne vénale, calculatrice et castratrice. Un jour elle a commencé à m’insulter, elle m’a menacé avec un couteau et je l’ai giflée. Elle est allée déposé une main courante à la gendarmerie», lit l’avocat. Ce dernier lit aussi des extraits de l’attestation de la voisine du couple qui a croisé JG lorsqu’elle sortait de chez elle le soir des faits : «Je lui ai proposé de venir à la maison pour la soigner mais elle n’a pas voulu. Elle a pris une photo d’elle pour montrer ce que FW lui avait fait». Maître Barreiro a aussi dévoilé à la barre «le livre de chevet de Madame JG», un livre sur l’exorcisme dont le chapitre un est «comment choisir sa victime». «Toute notre histoire est dans ce livre », commentera FW, en fin d’audience.

«On essaie de se justifier »

«On essaie de se justifier », conçoit le vice-procureur qui a rappelé que 149 femmes avaient été tuées en 2019 sous les coups de leur conjoint et que 200 000 avaient été blessées. «Au 24 février 2020, il y a déjà 26 femmes qui ont été tuées», insiste-t-il en montrant de nouveau les photos du visage de la victime. Il s’est aussi étonné de ne pas entendre FW exprimer des regrets ou des remords. «Bien sûr que j’ai des regrets,.. des remords… de l’incompréhension. J’ai levé la main sur la femme que j’aimais», a répondu FW pour conclure les débats avant la suspension d’audience.

«Le prévenu encourt une peine de cinq ans de prison. On le répète à chaque audience mais le message de la juridiction visiblement ne passe pas» a déclaré le représentant du ministère public avant de requérir une peine de quinze mois de prison avec sursis, une interdiction de porter une arme durant cinq ans et une interdiction de séjour à proximité du domicile.

Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné FW à une peine de douze mois de prison assortis du sursis, un stage de sensibilisation aux violences conjugales, à verser une provision de 5 000 euros sur les préjudices (affaire renvoyée sur intérêt civil en novembre) et 2 500 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale. Le tribunal a rejeté la demande de FW de non inscription de la peine sur son casier judiciaire, reçu la demande de maître Dufetel d’une expertise médicale et psychologique de la victime avec des consignations de 800 et 500 euros pour les deux médecins qui examineront la victime.

Estelle Gasnet