25.08.2020

"Souvenirs d'enfance" : Axel Hubler retourne au Juliana Cafe

Soualigapost.com publie les souvenirs d’enfance d’Axel Hubler. Il nous raconte des histoires dans lesquelles il décrit Saint-Martin. Aujourd’hui, il se souvient du Juliana Cafe à l'aéroport.

Je suppose que cette carte de visite et son logo en particulier, ramèneront certains plusieurs années en arrière. Voilà un lieu où il était de tradition d'y déjeuner avant d'embarquer ou bien en attendant l'arrivée d'un être cher. Ouvert à partir du milieu des années 80 et pendant plus d'une décennie, le Juliana Café sera associé aux belles années de l'ancien aéroport Princesse Juliana.

Une fois l'enregistrement effectué, les comptoirs alignés face au parking, les grandes portes vitrées ouvertes laissant rentrer par rafales capricieuses et puissantes l'alizé, il fallait se diriger vers la petite fenêtre murale faisant office de guichet. En effet, seuls les vols sur les Antilles néerlandaises étaient exempts de taxe de départ. Pour les autres destinations, cela débutait à dix dollars par passager. Les années passant, les prix monteront jusqu'à atteindre les 25 dollars. Puis viendra le jour où, le gouvernement local votera une loi qui inclura cet impôt directement sur le coût du billet d'avion. Ce sera la fin, du petit guichet.

Je me revois, présentant la carte d'embarquement. Une fois la somme remise vérifiée, un tampon énergique " PAID ", de couleur rouge vous accordait le passe droit obligatoire pour l'envol attendu.

La couleur régnante à l'extérieur de l'aéroport était un jaune hésitant, avec des rappels de marron. L'uniforme des bagagistes sera également de ces couleurs. Dehors, un joli mur en pierre calcaire devant lequel tant d'adieux seront immortalisés en photo. Sur celui-ci, en lettres noires : Princess Juliana Airport.

Je me rappelle très bien que le premier comptoir était celui de la compagnie PanAm. De son logo si caractéristique. Un globe terrestre bleu, strié de blanc. Ce fût, du moins en ce temps là, la seule compagnie à relier New York en Boeing 747. Puis venait le compagnie desservant plusieurs villes de la côte Est américaine : Eastern. Tout le long se suivaient les comptoirs jusqu'à la fin. Au fond à droite se trouvaient ceux de la compagnie Winnair.

Une fois la taxe payée, nul autre choix n'était possible : Juliana café. Mais auparavant, on se devait de déambuler dans le couloir démodé, pauvrement éclairé vous conduisant aux boutiques. La première à droite : la parfumerie Penha. Puis la concurrence des bijoutiers indiens. Le magasin Philipsburg Liquor Store pour ceux qui veulent acheter des alcools ou spiritueux. Je revois essentiellement les clients américains portant ces cartons jaunes avec anse, semblant lourds, contenant habituellement quatre bouteilles, quelquefois six, et leur logo " J&B ". Le magasin de souvenirs Lord and Hunter qui deviendra Shipwreck Shop propriété d'un couple néerlandais merveilleux : Reinier et Lidia Heere. Du magasin de pulls italiens Misoni. De chaque côté de celui-ci, les sorties donnant sur une cour ombragée.

Une longue palissade en verre avec des bancs en ciment vous permettait d'apercevoir l'arrivée des êtres chers se dirigeant vers le contrôle d'immigration. C'était amusant de voir tous ces passagers marchant de plus en plus vite pour savoir qui arriverait le premier vers l'officier d'immigration. Derrière cette vitre, combien de cris de joie, de bonheur, de sautillements avons-nous vus, de baisers envoyés récompensant l'attente de l'être chéri. Les cocotiers se dandinant avec force, leur chevelure décoiffée par la force du vent moite et tropical souhaitant la bienvenue sur notre petit paradis. L'odeur caractéristique du carburant des avions. Les allers-retours entre la courroie des bagages qui tardaient à paraître et la sortie, pour toucher et étreindre celui que l'on vient rejoindre ou visiter.

Pour ceux qui partent, une fois le tour des boutiques accompli, on se dirige vers l'escalier menant à l'étage. Particulièrement raide, il fallait se tenir à la rambarde au risque de tomber en arrière ! Des miroirs latéraux juste avant la porte d'entrée à deux battants, telle celle d'un saloon de western. Tout le monde se regardant dans la glace avant d'entrer ! Dès l'ouverture de celle celle-ci, une fraîcheur intense vous surprenait, agréable, franche. Sur la gauche, l'entrée des toilettes. Plus loin, le passe de la cuisine. Au fond, une porte condamnée menant à la terrasse. Une jolie rambarde en fer forgé vous séparait du grand bar central, avec leurs serveurs en chemises bleues aux motifs hawaïens. Le bruit des mixeurs de pina coladas, de daiquiris ou des shakers annonçant l'imminence d'une tequila. Tout autour de celui ci, des gens attablés, déjeunant.

Pour ceux qui veulent une table, il faut attendre devant le petit panneau sur pied indiquant : " Please wait to be seated ". Le lieu est très fréquenté, mais on vous trouvera toujours une table. Une fois assis, de grandes fenêtres, un peu vieillottes, à la manivelle cassée pour en empêcher l'ouverture, permettent de voir la piste et le concert incessant des décollages ou atterrissages d'avions de toutes tailles. Paradoxalement souvent, ce sont les plus petits qui font le plus de bruit ! Tout en mangeant on lève la tête, surveillant l'arrivée de son vol. Conscients qu'entre le moment d'arrivée de l'appareil, de son déchargement et de la livraison des bagages, vous aviez largement le temps de finir votre déjeuner.

A l'accueil, ce jeune homme néerlandais à lunettes toujours élégant, a l'amabilité et sourire mesurés, portant invariablement de belles chemises en vichy, vous accompagne à votre table et vous tend le menu, double face plastifié, connu par cœur. Immédiatement le serveur parait et vous demande ce que vous voulez boire. Le service est rapide, efficace. Salades diverses, Ceasar, au poulet à la langouste. Sandwiches, filets de mahi mahi ou vivaneau grillés. Les hamburgers. Tout y était d'une simplicité excellente.

J'entends encore le bruit du dessous de verre lâché sur la table, le verre rempli à ras bord de glace et le déclic sec de l'ouverture de la canette de soda. Les filets de poissons marqués par les stries incandescentes du grill, les rebords du fromage noircis par les flammes, accentuant l'appétit et le régal. Mon plat préféré était les brochettes de chicken saté, servies avec une sauce de cacahuètes, recette typique de l'Indonésie lointaine. La décoration du lieu, avec aux murs des morceaux d'avions. Les ailes, la queue, une hélice. Des logos de compagnies aériennes. De faux bagages. Une planche de surf ... Ça débite, ça court. Toujours dans un désordre organisé. La banana split du dessert. Sans la demander, l'addition est apportée. Avec la mention tamponnée " service charge NOT included " qui surprendra tant la clientèle européenne. Excusez moi, on annonce mon avion. Je dois partir !

Juliana Café. Souvenirs. Sint Maarten Nederlandse Antillen. Années 80.

(Texte et photo : Axel Hubler)

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