Un responsable d'agence immobilière relaxé de mise en danger de locataires
Avec le passage d’Irma, la villa qu’un couple et ses enfants, louent, est endommagée. La famille part alors quelques semaines en métropole, mandate un huissier pour constater les travaux à effectuer. Puis le père revient en octobre, il effectue un minimum de travaux avant que son épouse et à leurs deux enfants reviennent en décembre. Ils quitteront de nouveau le logement entre mai et octobre 2018 afin de permettre la réalisation des travaux par le propriétaire ; l’expert d’assuré les a estimés à 180 000 euros. En métropole, les locataires demandent à des amis restés sur l’île si les travaux avancent. Ils n’ont en fait pas commencé car le propriétaire ne perçoit pas les indemnités d’assurance. La famille revient quand même se réinstaller.
En octobre 2019, le petit garçon de la famille fait de la trottinette sur la terrasse de la villa et percute la rambarde faisant un trou d’environ un mètre dans celle-ci. Sa petite sœur va passer dans le trou, chute et dévale la pente. Elle n’est pas blessée, seulement des égratignures. La famille dépose plainte pour mise en danger à l’encontre du propriétaire de la villa, de l’agence immobilière qui la gère et du responsable de celle-ci. Une enquête est ouverte à l’issue de laquelle le parquet décide de poursuivre les trois protagonistes non pas pour blessures involontaires mais pour mise en danger par violation manifestement délibéré d’une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence. En d’autres termes, il est reproché à JCC, le propriétaire, à JPC, le responsable de l’agence et à son agence de ne pas avoir suffisamment sécurisé la terrasse après le passage d’Irma en remplaçant la rambarde détruite. Ils étaient convoqués devant le tribunal de proximité de Saint-Martin jeudi 18 février.
Le propriétaire qui est domicilié en métropole, avait fait spécialement le déplacement accompagné de son avocat, maître Julien Fresnault du barreau de Paris. JPC était aussi présent aux côtés de son conseil maître Isabelle Lacassagne qui défendait également les intérêts de l’agence immobilière. Quant aux victimes, elles étaient absentes car elles avaient indiqué plus tôt qu’elles se désistaient. L’audience a tout de même eu lieu.
A la barre, le récit des événements a été expliqué par le juge par le biais des déclarations des victimes lors de leur audition dans le cadre de l’enquête. Il est acté par chacune des parties que le propriétaire a réalisé de son propre chef un minimum de travaux pour permettre à sa famille de revenir vivre dans la villa, il a fourni les factures à l’agence et a été remboursé par le propriétaire. Il est aussi acté que des travaux sont à réaliser, ils ont été estimés par des experts d’assuré et d’assurance et constatés par un huissier mandaté par les locataires. Mais aucun de leur rapport n’indique qu’il existe un danger.
Et ce sont ces arguments qui ont constitué la ligne de défense des prévenus. Le propriétaire affirme ne jamais avoir été informé d’un quelconque danger, que ce soit de la part de ses locataires directement, ni par l’agence. Le responsable de l’agence dit aussi ne jamais en avoir été informé. «Après Irma, nous étions dans l’urgence. Je ne gère pas personnellement cette villa, c’est mon assistante et elle m’a dit que les locataires avaient pris eux-mêmes des mesures conservatoires et que le propriétaire les a remboursés», confie JPC. De plus, maître Fresnault a insisté sur la réaction de son client lorsqu’il a eu connaissance de l’accident en commandant «immédiatement» une rambarde qui a été posée dans les deux mois suivants.
Pour la défense, il s’agirait davantage être une manœuvre de la part des locataires pour ne pas payer le loyer. En avril 2018, ils ont été relancés par l’agence pour régler les loyers dûs depuis septembre 2017. Ils ont demandé une réduction qu’ils ont obtenue du propriétaire et le solde a été compensé par le remboursement des travaux.
Maître Lacassagne a démontré que ses clients n’avaient commis aucun manquement à la loi, précisément au code de la construction comme il le leur est reproché dans la prévention. «L’article cité commence ainsi : Aux étages autres que le rez-de-chaussée… Or il s’agit dans cette affaire d’une villa de plain pied, donc les mesures qu’on reproche à mes clients de ne pas avoir effectuées, ne s’appliquent à une terrasse qui se trouve en rez-de-chaussée», a-t-elle souligné en début de plaidoirie en soulignant par ailleurs que «la barrière posée par le locataire, avait tenu 2,5 ans, et que c’est un fait extérieur, soit la trottinette qui l’a cassée.» L’avocate a en outre répondu au parquet qui, quelques minutes plus tôt dans son réquisitoire, s’était étonné que l’agence n’avait pas rompu le contrat au vu des travaux à réaliser, en rappelant «qu’une agence ne peut rompre un contrat uniquement si le bien était détruit. S’il est détruit partiellement, seul le locataire peut demander à rompre le contrat».
Le vice-procureur pour qui «l’agence aurait dû donner congés aux locataires» et faire remplacer la rambarde – «en arrivant à Saint-Martin en 2018, j’ai été choqué de voir qu’à certains balcons en étages, il n’y avait aucune protection », a-t-il confié – a requis une amende de 10 000 euros à l’encontre de l’agence uniquement. Il a laissé libre appréciation de la peine à l’égard de son responsable et demandé la relaxe pour le propriétaire qui n’est pas responsable dans la mesure où il avait confié la gestion de son bien.
Après en avoir délibéré, le tribunal a prononcé la relaxe à l’encontre des trois prévenus.