Reconstruction post-Irma : la Cour des Comptes fait 8 recommandations
Publié le 10 juillet dernier, le rapport thématique de la Cour des Comptes compare l’avancée de la reconstruction à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin suite au passage d’Irma en septembre 2017.
« Les deux îles du Nord ont subi le même cataclysme mais chacune a fait l’objet de méthodes et de modalités différentes de reconstruction, prenant en compte leurs particularités institutionnelles et de développement. Si la reconstruction est aujourd’hui quasi-achevée à Saint-Barthélemy, Saint-Martin demeure confrontée à d’importants défis » peut-on lire dans communiqué daté du même jour et accompagnant ce rapport.
La Cour des Comptes explique que la collectivité de Saint-Barthélemy a supervisé et pris en charge sa reconstruction, l’État n’intervenant que ponctuellement pour assurer la continuité financière. Mais qu’en revanche, à Saint-Martin où les dégâts étaient plus lourds, du fait sûrement du nombre supérieur d’habitats précaires et d’un respect moins strict des règles de construction dans les zones à risque, la collectivité de Saint-Martin a bénéficié d’un soutien important de l’État et de ses opérateurs, tant en termes de financement que de renforcement de ses capacités humaines de gestion et d’ingénierie. « Compte tenu des fragilités de son organisation administrative et technique et de la complexité des opérations à mener, il apparaît a posteriori qu’une administration directe par l’État de la reconstruction aurait pu se justifier. » considère-t-elle.
« En mars 2018, les concours financiers de l’État avaient été estimés à plus de 500 M€, les deux tiers portant sur la phase de reconstruction. Si la Cour recommande que le ministère des outre-mer effectue dès à présent un suivi précis et régulier des fonds publics mobilisés pour la reconstruction de Saint-Martin, une mesure exacte du soutien financier de l’État ne devrait pouvoir être présentée qu’à l’issue de la réalisation complète de son plan pluriannuel d’investissements. » poursuit-elle.
La Cour des Comptes constate que la reconstruction à Saint-Barthélemy est bien avancée et note un effort important d’adaptation des bâtiments et équipements. Mais qu’à Saint-Martin, « la remise sur pied des bâtiments détruits est encore très partielle : moins de la moitié du parc de bâtiments et d’équipements est reconstruit, à l’exception des écoles et des lycées aujourd’hui presque tous remis à niveau ».
Elle souligne la faiblesse du socle de gestion de la collectivité qui l’a conduite à ne pouvoir obtenir que 25 M€ sur les 46 M€ alloués par le fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE) « compte tenu, notamment d’un processus de commande publique défaillant ». Et avance que l’achèvement de la reconstruction suppose que soient relevés plusieurs défis qui pèsent avant tout sur la collectivité et dans une moindre mesure sur l’État et ses opérateurs.
Les recommandations
La Cour et les chambres territoriales des comptes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin formulent ainsi 8 recommandations.
1. Achever l’actualisation de la planification urbaine et intensifier l’application de la police administrative de l’urbanisme (collectivité de Saint-Martin).
2. Étendre et adapter la législation sur les biens en état d’abandon manifeste prévue aux articles L. 2243-1 à L.2243-4 du CGCT à Saint-Martin (ministère des outre-mer, ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales).
3. Réaliser un suivi des fonds publics mobilisés pour la reconstruction de Saint-Martin (ministère des outre-mer).
4. Formaliser et mettre en œuvre une politique d’achats assortie des outils nécessaires (collectivité de Saint-Martin).
5. Adopter une trajectoire financière de moyen terme compatible avec le financement du plan de développement et de reconstruction (collectivité de Saint-Martin).
6. Réaliser une étude d’impact de la future réforme fiscale (collectivité de Saint-Martin).
7. Instaurer une collaboration effective entre la DRFiP et la collectivité de Saint-Martin (ministère de l’économie, des finances et de la relance et collectivité de Saint-Martin).
8. Dresser le bilan à fin 2021 des apports et soutiens techniques de l’État et de l’AFD au projet de service de la collectivité (ministère des outre-mer, AFD, collectivité de Saint-Martin).
La réaction de la COM
« La Collectivité partage globalement la plupart des constats figurant dans le rapport et s’inscrit en accord avec les recommandations exposées » indiquait hier Daniel Gibbs en introduction du conseil territorial. Préconisations dont il précisait que la plupart étaient déjà en cours de mise en œuvre « dans le cadre de la réorganisation de la Collectivité […] que nous avons enfin osé entreprendre en la confiant à notre DGS et aux équipes qui l’entourent » précisait-il. DGS qui est actuellement l’objet de manifestations de la part d’une partie des agents de la COM.
La Collectivité se dit ainsi satisfaite d’une part que la Cour reconnaisse « que les intérêt financiers et juridiques de la COM [aient] été lésés, notamment en ce qui concerne la durée de ‘l’urgence impérieuse’[…] tandis que Saint-Barthélemy a pu bénéficier en matière de commande publique, des souplesses induites par ce régime juridique, près de deux mois supplémentaires ». D’autre part, que le rapport reconnaisse « une implication perfectible de l’État […] notamment en ce qui concerne le domaine, crucial et stratégique de la fiscalité ».
Cependant, la COM regrette non seulement que le rapport n’ait pas insisté davantage « sur le non-respect par le gouvernement, des engagements pris en novembre 2017 relatifs au réexamen de la compensation des charges mal (2008) ou non (2012) compensées », ce qui selon Daniel Gibbs permettrait « de clore définitivement la transition institutionnelle de 2007 ». Mais la COM regrette aussi que la Cour des Comptes n’ait pas procédé à un calcul, même sommaire, des crédits publics destinés à la reconstruction de Saint-Martin et effectivement consommés. « Elle ne peut se satisfaire de la reprise des annonces gouvernementales du 12 mars 2018 ! » s’est insurgé Daniel Gibbs pour qui le chiffre de 500 millions d’euros « répété par Paris depuis trois ans, relève de l’affichage politique » et ne correspond pas à la réalité des dépenses exécutées (150 millions selon ses équipes).
Enfin, la COM a formulé une attente : la rédaction d’un rapport thématique sur l’action et les interventions de l’État à Saint-Martin à l’horizon 2023-2024, soit à l’issue du Plan de relance actuellement mis en œuvre. Ce qui permettrait de « vérifier si les engagements pris par le chef de l’État en septembre 2017 et 2018 à l’égard des Saint-Martinois ont été tenus ».
Photo d'archive prise le 8 septembre 2017 à Cul de Sac