Fête de Grand Case : une cérémonie en ligne
La fête de Grand Case qui célèbre également Victor Schoelcher chaque 21 juillet à Saint-Martin se tenait cette année sous une forme dématérialisée compte tenu de la crise sanitaire. La Collectivité diffusait les discours officiels sur sa page Facebook ce mercredi à 10 heures.
« Nous voici à nouveau réunis en cette Saint Victor mais je n’insisterai pas ce matin sur Victor Schoelcher et sur les questions mémorielles. Ce sont toujours, certes, des sujets passionnants et finalement très actuels, a fortiori en cette année 2021, bicentenaire de la disparition de Napoléon 1er. Je serai bref, la loi Taubira, du 21 mai 2001 a tranché : l’esclavage, en droit français, est bel et bien qualifié de crime contre l’humanité, un crime imprescriptible. Pour le reste, il appartient aux historiens de distinguer le meilleur de l’empereur et le pire de l’empire. Quant à Victor Schoelcher, je lui avais encore rendu hommage l’an dernier, veillant bien à distinguer son illustre mémoire de l’idéologie schoelchériste. D’un côté un homme visionnaire, courageux, souvent seul dans ses combats. De l’autre, une vision colonialiste, paternaliste, infantilisante et vaguement méprisante. Une vision qui relève d’un inconscient colonial parfois inavoué, qui perdure parfois et que nous devons combattre toujours » a déclaré le président en introduction des discours officiels.
Daniel Gibbs a ensuite insisté sur ce qui fait la force, l’attrait et la renommée de Grand Case : sa gastronomie, sa convivialité, ses restaurants et restaurateurs. « Grand Case est la capitale caribéenne de la gastronomie ». Et de poursuivre : « à Saint-Martin, et singulièrement à Grand Case, village symbole du patrimoine culturel de Saint-Martin, village de pêcheurs, village de voile traditionnelle, village multiculturel, nous réinventons les plaisirs de la table dans une cuisine métissée et accueillante […] Grand Case incarne ainsi un art de vivre, une convivialité saint-martinoise qu’il faut défendre à tout prix ».
En ce 21 juillet, où le pass sanitaire devient obligatoire en France pour entrer dans des lieux qui rassemblent plus de 50 personnes, Daniel Gibbs a critiqué une mesure qui met en péril l’économie de l’île. « L’économie de notre territoire ne survivra pas si les contraintes et les contrôles sont au nord de l’île et les clients et le business au sud. Il est légitime de concevoir des mesures incitatives pour accélérer la vaccination mais insensé de concevoir un modèle de contrôle social fondamentalement étranger à nos traditions saint-martinoises. Nous n’avons pas lutté si longtemps contre l’esclavagisme et le colonialisme pour en arriver là. J’espère que durant les débats parlementaires lors de l’examen du texte par le conseil constitutionnel le bon sens l’emportera ».
Claire Guion-Firmin, la députée de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin a ensuite pris la parole en anglais, pour rappeler le rôle de Victor Schoelcher dans l’abolition de l’esclavage. Elle a adressé ses pensées à Haïti et exprimé ses espoirs. Puis a souhaité une bonne fête de Grand Case à la population.
Le sous-préfet Mikaël Doré a à son tour prononcé un discours dans lequel il a rendu hommage à Victor Schoelcher et à ceux qui ont oeuvré pour l'abolition de l'esclavage. « La République française connaît et reconnaît les conditions historiques de ce passé difficile et douloureux, sans qu’elle ne puisse l’effacer. Son engagement est désormais de lutter, sur son propre territoire, où le germe de l’intolérance, des extrémismes de tous bords est à éradiquer, comme partout dans le monde, contre les barbarismes d’aujourd’hui et de demain. La France reconnaît l’esclavage comme un crime contre l’humanité. Elle est engagée dans de nouveaux combats, contre toutes les formes d’esclavagisme moderne, économique, sexuel, le dons d’organe, le huis clos des violences faites aux femmes et les féminicides, la France est levée contre toutes les formes de discrimination, l’esclavagisme constituant la discrimination ultime et la négation de l’humanité. Les populations ultra-marines ont longtemps attendu de l’état français qu’il affronte son passé afin de dépasser sans l’oublier une histoire si aiguë, qu’elle affleure encore dans les moments de crispation sociale. C’est aujourd’hui chose faite. La mémoire et la connaissance de l’histoire esclavagiste de notre nation existe désormais en nous. Elle constitue une brique singulière et douloureuse de la destinée commune de la France qui connaît avec le Covid des moments à nouveau difficiles qu’il nous faut affronter et surpasser ensemble. Dans ce contexte de solidarité nécessaire il est important de dire les valeurs humanistes qui doivent cimenter notre nation. Et comment mieux le faire, ici à Saint-Martin, au coeur des Caraïbes, qu’en saluant la mémoire de Victor Schoelcher dont la pensée demeure un repère lumineux que je vous invite à suivre".
Un feu d'artifice sera tiré ce soir à 20 heures dans la baie de Grand Case.