Affaire des 3 fournisseurs : "personne n'a prévenu D. Gibbs du dépassement du seuil réglementaire"
Lundi et mardi, le tribunal de Saint-Martin a examiné une série de dossiers dans lesquels Daniel Gibbs, Annick Petrus et Valérie Damaseau sont accusés de ne pas avoir respecter les règles de la commande publique. Les contrats en question concernent plusieurs périodes entre 2017 à 2019.
Le tribunal a examiné lundi les affaires dites de l’expert d’assuré et des travaux de la maison de Madame C. Mardi matin, le procès s’est poursuivi avec «l’affaire des toitures» puis a terminé avec celle des «fournisseurs» impliquant Daniel Gibbs.
Les accusations
En tant que président de la Collectivité, il lui est reproché le paiement de trois fournisseurs sans avoir respecté les règles du code de la commande publique.
Ces paiements via des protocole transactionnels ont été approuvés par le conseil exécutif dont la délibération a été signalée en juillet 2019 par la préfète de Saint-Martin au procureur de Basse Terre, lequel a aussitôt saisi la section de recherches pour enquêter.
Le déroulement des faits
Cette affaire dite des trois fournisseurs a été la dernière à être examinée par le tribunal et la plus rapide – en une heure - au vu de la simplicité des faits.
En 2018 et 2019, le trésorier payeur refuse d’honorer le paiement de trois fournisseurs de la Collectivité, Saint-Martin Voyages, Sound Master et GEDC au motif que les montants dépassent largement les 25 000 euros du seuil réglementaire de la commande publique au delà duquel une procédure de marché public est obligatoire.
Ces montants - de 146 000 €, 139 210 € et 105 510 € - correspondent aux soldes restant à verser. Afin que ces trois entreprises puissent être payées, il est proposé un protocole transactionnel. Le président de la COM donne son accord et le conseil exécutif valide la décision.
Les éléments de l’enquête montrent que ces entreprises travaillent depuis plusieurs années avec la COM et que jamais elles n’ont répondu à un marché ; elles ont toujours été payées au coup par coup.
Les explications
Le tribunal s’est attardé sur les prestations de voyage. Daniel Gibbs a expliqué qu’il signait des ordres de mission et de déplacement des élus et le directeur général des services de la COM ceux pour les agents. Ensuite, au fil des besoins, l’agent de voyage est contacté afin de fournir les billets d’avion et autres services lors des déplacements.
«Chaque déplacement est justifié», affirme le président aux juges qui n’étaient pas en possession de ces ordres de mission. «On a voulu vous faire croire que les agents et les élus effectuaient des voyages de complaisance aux frais de la COM car on ne vous a donné dans le dossier uniquement les factures», conviendra le procureur lors de son réquisitoire.
Ce qui fait tiquer le tribunal également est le montant des prestations : 484 000 euros en 2018, 338 400 euros en 2017. «Vous avez bien vu que ces montants sont supérieurs aux 25 000 euros... En 2018, il a largement augmenté, vous ne l’aviez pas constaté lors de l’élaboration du budget ? », demande la présidente du tribunal.
Daniel Gibbs qui avait fourni son agenda aux enquêteurs pour qu’ils puissent vérifier ses déplacements, justifie cette hausse en 2018 par l’envoi en formation d’une partie des agents et par les nombreux déplacements en métropole qui ont été nécessaires après Irma.
Le président indique aussi qu’il «ne fait que signer les ordres de mission». «Quand on m’emmène un ordre de mission ou autre, je ne vérifie pas où on en est, si on a dépassé le seuil ou non. Ce n’est pas moi de le vérifier les seuils, si une entreprise à communiquer tous les documents, etc. », veut-il faire admettre. «A aucun moment un agent est venu me voir pour me dire, attention on arrive au proche du seuil… Jamais», insiste-t-il. Son avocat maître Petit ajoute : «Dans la procédure, à aucun endroit un agent avoue avoir prévenu le président que le seuil réglementaire allait être dépassé et le président a répondu qu’il s’asseyait dessus.»
Le procureur Xavier Sicot observe également que ce fonctionnement n’est pas nouveau, les fournisseurs l’ont confirmé lors de leur audition. «A son arrivée en avril 2017, Monsieur Gibbs pouvait-il changer le fonctionnement », se demande-t-il. «Assurément ce territoire mérite de monter en compétence et certaines personnes n’ont pas bien fait leur travail », convient-il.
Le magistrat du parquet reconnaît tout de même la culpabilité du président de la COM qui est censé connaître les règles de la commande publique mais requiert une dispense de peine. Il admet qu’il y a aujourd’hui «une certaine injustice à ne stigmatiser que Daniel Gibbs».
Le jugement a été mis en délibéré et se rendu le 24 février.
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