06.05.2022

Procès des élus : pour le parquet il s'agit «d'une querelle de personnes»

Le dossier dit des élus est arrivé fin juin 2019 sur le bureau de Jean-Luc Lennon, procureur de la République de Basse Terre suite à un signalement de la préfète, Sylvie Feucher. Après une enquête diligentée fin juin 2019, l’audition des prévenus sous le régime de la garde à vue en octobre 2019, le procureur avait décidé de poursuivre Daniel Gibbs, Valérie Damaseau et Annick Petrus. Le dossier avait été enrôlé rapidement à une audience de décembre 2019 mais le renvoi avait été demandé et accepté car certains avocats n’avaient pas eu copie intégrale du dossier.

Ce n’est que trois ans plus tard que la justice a pu l’examiner. Trois jours d’audience ont eu lieu - deux en janvier et un en mai – à l’issue desquels les trois élus ont été relaxés. Les juges ont retenu le motif de l’urgence à agir et donc de déroger aux règles de la commande publique pour prendre les décisions qui leur étaient reprochées. Que même si des prestataires étaient proches de la majorité, il était difficile de trouver les moyens humains et matériels après Irma pour agir. Le procureur actuel n’a pas non plus suivi l’avis de son prédécesseur qui avait engagé les poursuites, puisqu’il a requis les relaxes. «J’ai du mal à démontrer que les élus aient pu faire preuve de favoritisme», a-t-il déclaré.

Xavier Sicot, le représentant du ministère public, a confié aux deux audiences ses doutes quant à la manière dont ce dossier a été mené. «Il y a des choses qui me dérangent… Il y a des poursuites étonnantes», a-t-il réaffirmé jeudi dernier. Il a trouvé étrange d’un point de vue juridique que des élus puissent être accusés de favoritisme et que les entreprises ayant réalisé les prestations n’aient pas été accusées, elles, de recel de favoritisme, seule une l’a été, la compagnie d’expert assurance. En théorie les deux parties auraient dû être poursuivies. Il a également relevé de nombreux «manquements», notamment dans les auditions, certaines personnes n’ont pas été interrogées par les gendarmes et leur témoignage ont manqué durant les procès. Il a aussi confirmé «le désordre du dossier » constaté par les avocats en janvier et encore jeudi par celui d’Annick Petrus, qui a trouvé dans la copie qu’on lui a envoyée des éléments d’une autre affaire.

Il l’avait confié en janvier, Xavier Sicot l’a redit la semaine dernière : «j’ai toujours ce sentiment que [la justice] a été manipulée». Pour lui, ce dossier «ne méritait pas» toute l’attention qui a pu lui être portée, ce n’était pas «un dossier prioritaire» à traiter.

«Nous avons été bernés par un certain nombres de choses», conçoit-il. «La juriste de la collectivité a commis des erreurs en rédigeant le protocole transactionnel, elle l’a reconnu. Or, on a essayé de se servir de ces erreurs pour en faire des infractions pénales», a-t-il ajouté avant de préciser que les propos de Daniel Gibbs et Annick Petrus jeudi étaient «cohérents». Le procureur reconnaît que si des erreurs ont pu être commises par les élus, ce n’est pas de manière volontaire «mais par méconnaissance» de la loi. Et de souligner que les prestations dénoncées ont été réalisées sans que les élus en tirent profit à titre personnel. Dans le cas de l’affaire de la distribution des dons, «s’ils n’avaient pas été distribués, je pense que, connaissant maintenant un peu comment fonctionne le territoire, des gens seraient venus le dire au parquet », estime celui qui «s’interroge aussi sur le comportement de l’Etat» au moment où les faits se sont déroulés.

Pour Xavier Sicot et le tribunal, derrière ces dossiers dans lesquels les trois élus ont été poursuivis, «il y avait surtout une querelle de personnes». En d’autres termes une querelle entre la représentante de l’Etat et le président de la Collectivité à l’époque.

Estelle Gasnet