Un homme condamné à la peine maximale pour le viol de 3 femmes à St-Martin
Les faits n’ont jamais été médiatisés par les autorités. En décembre 2018, deux jeunes femmes ont été violées par le même homme, Francis Troy. Un mandat de recherche avait été lancé sans médiatisation. En 2020, l’individu resurgit et viole une troisième femme. Il est toujours recherché. Une nouvelle enquête est ouverte à l’issue de laquelle l’individu sera renvoyé devant la cour criminelle de Guadeloupe.
L’audience a eu lieu mercredi dernier en l’absence de l’accusé et d’une victime qui n’a pas souhaité revenir sur ces faits. Les deux autres femmes sont venues. Accompagnées par la psychologue de l’association d’aide aux victimes Trait d’Union, elles ont eu la force de témoigner. Pendant les quelque trois heures et demi d’audience, elles se sont replongées dans le calvaire qu’elles ont vécu en 2018 pour l’une, en 2020 pour l’autre.
Les premiers faits se sont déroulés dans la nuit du 6 au 7 décembre 2018 à Quartier d’Orléans. La jeune femme habite un cabanon avec son enfant de deux ans. Elle le loue à Francis Troy. Cette nuit-là, il va la voir, lui propose de ne pas payer de loyer si elle accepte des relations sexuelles avec lui. Elle refuse. Il entre, ferme et verrouille la porte d’entrée. Puis lui impose un rapport sexuel sans protection et en partie devant l’enfant. «Je l’ai laissé faire car j’ai eu peur qu’il s’en prenne à mon enfant», explique la victime à la cour. Accompagnée d’une amie, la victime va accepter de déposer plainte.
Quelques jours plus tard, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, Francis Troy frappe à la porte d’une autre femme. Il l’appelle par son prénom. Ne voulant pas que son enfant soit réveillé, elle ouvre. L’individu entre, lui demande de se déshabiller et la menace avec un couteau d’avoir des rapports sexuels. Il va finalement les lui imposer sans protection, également en partie de l’enfant qui s’est réveillé. «Il a menacé de tuer mon enfant qui criait», a raconté la victime aux gendarmes auprès de qui elle a déposé plainte.
Dans les deux affaires, les femmes ont identifié Francis Troy qu’elles connaissaient. La première était sa locataire, la seconde l’amie de sa tante. Une surveillance est mise en place par les gendarmes à Quartier d’Orléans mais ne donne aucun résultat. Plusieurs témoins entendus dans le cadre de l’enquête affirment que Francis Troy, originaire de St Kitts, est sur Saint-Martin depuis plusieurs mois et qu’il a l’habitude de voyager entre les deux îles et qu’il est un suspect potentiel. Il est décrit par des membres de sa famille comme quelqu’un de dangereux. Les gendarmes découvrent aussi qu’il a été condamné pour viol à St Kitts. Un article de presse locale en fait état ; la photo de l’article est montrée aux victimes qui reconnaissent Francis Troy.
Un mandat de recherche est alors lancé. A la cour criminelle, un enquêteur précise qu’une «notice rouge Interpol» a été sollicitée pour que l’individu soit recherché hors espace européen également. L’enquêteur assure également s’être rendu à l’aéroport de Sint Maarten pour que les autorités de contrôle confirment que si Francis Troy voyage via Juliana, il soit interpellé. Mais aucune alerte ne sera lancée. Pourtant il est acté dans la procédure, qu’il est revenu à Sint Maarten le 26 janvier 2020 et reparti, toujours en avion, le 2 février 2020. Dans ce court laps de temps, il a violé une troisième femme.
Dans la nuit du 29 au 30 janvier 2020, une jeune femme est dehors en train de télécharger des films grâce à un spot wifi quand elle est abordée par un individu masqué. Celui-ci se montre agressif, veut lui voler son téléphone portable, sort une arme de poing, la pointe sur le front de la jeune femme, sur sa tête et sa nuque. Elle essaie de le repousser mais l’individu est plus fort. Il la couche au sol et lui impose des rapports sexuels sans protection. «Je pleurais et regardais le ciel… il était beau», confie-t-elle à la cour. Quand l’individu est parti, la victime a rampé au sol et a vu un «gentleman». La voyant pleurer et dans un état de choc, l’homme lui demande ce qui s’est passé. Elle lui répond : «j’ai été violé ». Le «gentleman» appelle aussitôt les gendarmes. Une enquête est ouverte.
Bien que la victime n’ait pas été en mesure d’identifier son agresseur car son visage était dissimulé, elle assure qu’il avait un fort accent de St Kitts et avait des billes autour de son sexe ; un détail qu’une précédente victime avait souligné. Des prélèvements ADN sont réalisés à partir des objets qu’il a touchés. Les résultats indiquent que ce profil masculin est le même que celui identifié lors des deux précédentes affaires de viol. Toutefois il ne correspond à aucune personne fichée dans le système français.
Les trois dossiers sont joints. Pour les enquêteurs, Francis Troy est l’auteur présumé de ces trois viols. Le juge d’instruction aboutit à la même conclusion et renvoie l’individu devant la cour criminelle de Guadeloupe.
Pour l’avocat général, «il s’agit d’un crime calculé, réfléchi et assumé ». Francis Troy a considéré ses victimes «comme des objets sexuels pour assouvir ses envies ». Il a requis une peine de seize ans de réclusion criminelle et un mandat d’arrête international.
Après en avoir délibéré, la cour a reconnu les trois femmes comme victimes et Francis Troy coupable des trois viols dont deux avec menace d'une arme, et l’a condamné à une peine supérieure, soit à vingt ans de réclusion criminelle, «c’est la peine maximale», a précisé le président. Une interdiction de porter une arme pendant cinq ans a aussi été prononcé. Le nom de Francis Troy sera aussi inscrit dans le fichier national des auteurs d’infraction sexuelle. Il fait aussi l’objet d’un mandat d’arrêt international. S’il est arrêté par la police, cette condamnation devra lui être notifiée, s’il ne l’accepte pas, il devra être jugé de nouveau en sa présence.
Les deux victimes ont quitté le palais de justice fières d’avoir eu la force nécessaire d’assister à l’audience. Elles ont confié à la cour qu’elles avaient essayé d’oublier, d’aller de l’avant et que le jour où elles avaient reçu leur convocation pour comparaître devant la cour, elles avaient de nouveau éprouvé des sentiments d’angoisse. Après les faits, la troisième victime avait démissionné de son travail car elle ne sentait plus capable de travailler, était restée chez elle trois mois, s’était rasé le crâne et avait voulu mettre fin à ses jours. Encore aujourd’hui, elles sont fragiles psychologiquement et toujours accompagnées par Trait d’Union.
Le président de la cour leur a demandé ce qu’elles attendaient du procès. «Qu’il soit arrêté», ont-elles toutes les deux répondu.