Un chef d'entreprise est accusé d'avoir commis treize infractions
«C’est un dossier qui comporte plusieurs volets», a déclaré la juge. Le 27 octobre dernier, l’entrepreneur HF, dirigeant de plusieurs sociétés, était convoqué devant le tribunal de proximité de Saint-Martin. Il était jugé pour 13 infractions commises à Saint-Martin entre le 1er janvier 2018 et le 30 août 2021. Il lui était notamment reproché d’avoir employé des étrangers non munis d’une autorisation de travail salarié, la réalisation de travaux du bâtiment sans assurance de responsabilité, une escroquerie et un détournement de blanchiment de placement provenant d’une escroquerie.
Le 29 décembre 2020, un contrôle a été réalisé à la demande du procureur de la République. Les services de la gendarmerie se rendent sur un chantier situé à la Baie orientale. Ils y découvrent sur place plusieurs ouvriers travaillant pour une société. Les ouvriers vont être entendus, dont WB, de nationalité haïtienne, en situation irrégulière sur le territoire français.
WB expliquera aux gendarmes avoir été recruté par H.F. Il indiquera que H.F était parfaitement conscient de sa situation irrégulière sur le territoire français. W.B a travaillé pour la société entre février 2020 et décembre 2020 en qualité de maçon. Il a déclaré n’avoir aucun contrat de travail avec la société et ne pas avoir reçu de fiche de paie. Il a présenté aux gendarmes une promesse d’embauche émise par un autre nom de société au 1er décembre 2020, mais n’a été déclaré auprès de l’URSAFF que le 3 février 2020.
«Je ne connais pas ce monsieur, je n’étais pas à Saint-Martin à cette période. Je n’étais pas à Saint-Martin à ce moment, donc je ne l’ai pas engagé. En mon absence c’est ma secrétaire et mon conducteur de travaux qui géraient l’entreprise. C’est mon conducteur de travaux qui a pris l’initiative d’embaucher WB, moi je n’y suis pour rien », a déclaré l’accusé, HF.
La juge convient que cela nécessite une délégation de pouvoir pour son conducteur de travaux pour prendre ce type de décision. L’accusé prétend avoir donné à son conducteur de travaux cette délégation de pouvoir. Il précise à la juge que son conducteur de travaux est auto-entrepreneur pour sa société.
« Comment peut-on déléguer ses pouvoirs à quelqu’un qui n’est pas salarié de son entreprise ? », a demandé la juge. « C’est une erreur de ma part », a-t-il répondu.
« Dans de tels cas, comme dans ce dossier, il y a toujours des sociétés avec des noms presque identiques, et il arrive souvent que tout le monde soit confus et ne comprenne rien. Pourquoi avez-vous donné à vos entreprises des noms presque identiques ? », a demandé la juge. « Car j’avais créé un groupement européen d’intérêt économique », a rétorqué HF.
« L’assurance décennale est obligatoire pour tous les constructeurs », a précisé la juge. Une autre société dont HF est également le dirigeant, a réalisé des travaux de rénovation suite au passage d’Irma chez ML. La société était en charge de refaire la charpente de la maison. La question se pose si la société disposait de l’assurance obligatoire. La société a établi les factures et les devis au nom de M.L. « Nous avons des documents qui prétendent que la société était couverte d’une décennale au moment de l’ouverture des travaux », a indiqué la juge.
Or, la société d’assurance, entendue dans le cadre de l’enquête, a indiqué aux enquêteurs qu’il n’était assureur d’aucune des sociétés en cause dans cette affaire. « Nous n’avons aucun contrat avec cette entreprise ».
C’est le même cas concernant les travaux de J.L pour la construction d’un mur de clôture en décembre 2020. Une attestation d’assurance a été produite par une compagnie luxembourgeoise datant du 17 août 2020 pour la société. Mais «par un mail en date du 29 juillet 2021, la compagnie d’assurance va contester celle-ci en indiquant qu’elle n’a jamais établi cette attestation faite pour la société de HF», a déclaré la juge. Elle convient qu’il y a des incohérences aux attestations d’assurances.
H.F est accusé d’avoir agi frauduleusement en utilisant de manière confuse trois sociétés aux noms proches sur les factures, devis et attestations d’assurance de façon à tromper ses clients. Il est également accusé d’avoir eu recours au blanchiment en détournant des fonds pour un placement provenant d’une escroquerie.
« C’est souvent la difficulté que l’on retrouve dans ce type de dossier, un brouillard où l’on se perd dans ces sociétés et noms similaires. Cette opacité est construite de manière à ce que des éléments ne puissent pas être retrouvés, ou difficiles à trouver, ce qui est compliqué pour les enquêteurs», convient le procureur. « Il est du devoir d’un dirigeant d’une société de s’assurer de l’embauche de ses futurs salariés », poursuit-il.
Le parquet requiert une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d’amende.
Selon, l’avocat de la défense, pour certaines infractions, le doute doit bénéficier à son client. Il estime que la relaxe s’impose sur plusieurs infractions. Il demande au tribunal une peine plus juste que la peine prononcée par le ministère public.
Le tribunal rendra son délibéré le 15 décembre.