17.03.2023

Distribution de l'eau : plus de 5 crises depuis celle des bromates en 2019

De la patience, les Saint-Martinois en ont de moins en moins. De la compréhension, ils en font preuve de moins en moins. Depuis 2019, le territoire subit de manière régulière des crises relatives à la production et/ou distribution de l’eau potable.

En Guadeloupe ou ailleurs en métropole, des restrictions de consommation voire de distribution, sont imposées aux usagers pour économiser la ressource en raison de la sécheresse. A Saint-Martin, île reconnue sèche, la ressource ne manque pas puisqu’elle est issue de la mer : on produit l’eau de ville en dessalinisant l’eau de mer. Et pourtant, des coupures régulières ont lieu soit à l’échelle d’un quartier suite à une casse sur le réseau, soit à l’échelle de l’ensemble du territoire. Bien que justifiées d’un point de vue technique, elles sont de moins en moins acceptées par les usagers. Retour sur les principales crises majeures ces quatre dernières années.

2019, crise des bromates : l’agence régionale de santé (ARS) déclare l’eau de ville impropre à la consommation suite à la détection de bromates dans les canalisations. Pendant plusieurs mois, la consommation alimentaire de l’eau de ville est interdite.

Fin décembre 2020, une panne survient à l’usine de production, privant ainsi toute la partie française d’eau pendant plusieurs jours en pleine saison touristique.

En février 2021, les Saint-Martinois subissent une période de restriction imposée par des travaux de réhabilitation au sein de la centrale de production. Saur et COM insistent sur leur importance et leur nécessité pour sécuriser l’outil et la production. Il s’agit de remplacer successivement les trois lignes de production. Afin de maîtriser les stocks d’eau, des coupures d’une moyenne de vingt-quatre heures chacune sur l’ensemble du territoire sont mises en place. Annoncées pendant deux semaines, elles durent jusqu’en juin de manière régulière en alternance par quartier.

Début juillet 2021, Saur indique une capacité de production quotidienne de l’usine désormais de près de 8 500 m3 contre 6700m3/jour avant les travaux, cela permet de rééquilibrer les stocks et la distribution de l’eau potable. 70 % des travaux planifiés ont été réalisés, les 30 % restants le seront plus tard.

Alors que l’on pense l’usine en grande partie réhabilitée, une panne majeure est constatée début mars 2022 : une des trois unités de dessalement est mise à l’arrêt car le moteur principal qui permet l’alimentation en eau de mer de cette ligne de production est hors d’usage. Sa réparation nécessite plusieurs jours d’intervention. Et génère de fait de nouvelles coupures.

Toujours en 2022, en juillet, une avarie survient suite à une panne d’électricité. Interruption de la production, de la distribution. Nouvelle coupure générale pendant plusieurs jours.

Décembre 2022, une forte houle observée dans la baie de Marigot vient perturber le fonctionnement l’usine. Une partie de la production est mise à l’arrêt avec comme conséquence des coupures ; la qualité de l’eau est aussi déclarée non conforme pendant plusieurs jours par l’ARS.

2023, 25 février, nouvelle casse sur l’outil de production, annonce Saur. Une avarie majeure est survenue sur l’une des trois pompes haute pression qui garantissent l’alimentation en eau de mer des trois lignes de production. Cette dernière se retrouve à nouveau à l’arrêt. Des coupures sont à prévoir.

Alors que deux ans plus tôt, Saur et COM avaient largement communiqué sur la réhabilitation et la modernisation de l’usine, en ce début d’année 2023, le délégataire souligne «les limites atteintes par l’outil de production et la nécessité pour les services publics d’accentuer leurs efforts d’investissements et de rattrapage à la fois vis à vis de réseaux vieillissants, victimes de casses croissantes, et d’un outil de production qui n’est plus à la mesure de la consommation des administrés».

Enfin, tout au long de ces années, Saur a également largement communiqué sur les enjeux de la sur-consommation. Depuis le début du mois, des coupures sectorielles sont programmées afin de maîtriser les stocks et réserves. En d’autres termes, les Saint-Martinois auraient tendance à consommer davantage d’eau que l’usine n’est en capacité d’en produire tout en sachant qu’en 2019-2021, plus de 4,5 millions d’euros ont été investis pour améliorer le rendement).

En 2021, le volume consommé s’est élevé à 1,53 million de mètres cubes, en hausse de 11,8 % sur un an, pour un nombre d’abonnés de 14 413. Il a augmenté de 55% en dix ans. Cela représente une consommation moyenne de 123,6 litres par jour par habitant ; à titre de comparaison, la consommation moyenne en eau pour usage domestique en Martinique est de 151 litres par jour et par habitant.

Quant au taux de rendement, il est en 2021 de 69 %, soit + 5 points en un an (contre 56,3 % en 2015).

Estelle Gasnet