Prise illégale d'intérêts : la poursuite en justice de L.C Fleming soulève une interrogation
Lundi 27 mars 2023, le tribunal correctionnel de Paris devant lequel Louis-Constant Fleming était convoqué, énonçait les faits reprochés : Louis-Constant Fleming est accusé de prise illégale d’intérêts, c’est-à-dire qu’étant chargé d’une mission de service public en sa qualité d’administrateur de la Semsamar, il a pris, reçu, directement ou indirectement, un intérêt dans une opération dont il avait au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance ou l’administrateur. Précisément, il a contribué en sa qualité de membre du conseil d’administration (CA) de la Semsamar, à l’achat par celle-ci de diverses parcelles de terrains à bâtir à Spring, qui appartenaient à sa mère, moyennant le prix de 6 105 650 euros.
Ces faits qui se sont déroulés en 2009, sont l’un des volets du dossier Fischer/Bélénus-Romana (accusés eux de favoritisme, abus de bien et prise illégale d’intérêts dans le cadre d’autres opérations). Ils rappellent une affaire similaire jugée en 2017 avec les mêmes protagonistes.
Fin 2010, des faits d'éventuelle prise illégale d'intérêts avaient été portés à la connaissance du procureur de Saint-Martin par Jabiru*. La brigade de recherches de la gendarmerie avait alors été saisie ; l’enquête avait ensuite été confiée à la direction interrégionale de la police judiciaire Antilles-Guyane.
Il en était ressorti que Louis-Constant Fleming était revenu membre du conseil d’administration de la Semsamar en mars 2009 et que ce même CA a validé deux mois plus tard l’acquisition de parcelles d’une superficie totale de 111 030 mètres carrés auprès de la mère de Louis-Constant Fleming pour un montant de 6,1 millions d’euros ; l’acte notarié a été signé en août 2009. Par ailleurs, il a été constaté que le CA était présidé par Victor Gibbs, que Louis-Constant Fleming était représenté par Claire Guion-Firmin et que le prix de vente était supérieur à l’estimation de France Domaine.A l’issue de l’enquête, le parquet a décidé de poursuivre Louis-Constant Fleming pour prise illégale d’intérêts. Il a alors proposé de le juger rapidement dans la mesure où il admettait les faits. Louis-Constant Fleming a accepté et plaidé coupable lors d’une audience dite de CRPC, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, en juin 2017. Il a été condamné à une amende de 10 000 euros avec sursis. Le jugement a été homologué.
Aujourd’hui, Louis-Constant Fleming est encore poursuivi pour prise illégale d’intérêts pour des faits similaires. Les qualifications retenues dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris font mention de la même période (mars/septembre 2009), du même lieu des terrains (Spring), du même montant exact (6 105 650 euros) et du même vendeur.
Interrogé sur le sujet, l’avocat de Louis-Constant Fleming n’a pas souhaité faire de commentaire précis car il n’était pas habilité à communiquer avec les journalistes. Quant au procureur financier, il n’était non plus pas en mesure d’apporter des précisions même s’il a pu confirmer le jugement en CRPC. Y aurait-il eu un loupé ? Louis-Constant Fleming serait-il poursuivi une seconde fois, par erreur, pour les mêmes faits ? Ou s’agit-il d’autres terrains vendus au même prix ? L’audience de mise en état étant fixée le 4 décembre à Paris apportera peut-être des réponses…
Qu’une personne soit jugée deux fois pour des mêmes faits, cela est déjà arrivé à Saint-Martin. En 2012, lorsque le tribunal de Saint-Martin dépendait encore fortement de Basse-Terre en termes d’organisation et de logistique, un chauffeur de bus avait comparu deux fois pour avoir causé un grave accident sur le pont de Sandy Ground. Il avait été condamné une première fois et convoqué de nouveau plusieurs mois plus tard. Il s’était présenté la seconde fois et avait répondu aux questions des magistrats sans mentionner sa condamnation. L’erreur avait été constatée à la suspension d’audience, avant que le délibéré ne soit rendu.
* Il avait aussi dénoncé d’autres actes entre la COM de Saint-Martin et la Semsamar, qui auraient pu présenter un intérêt à Louis-Constant Fleming, actionnaire à titre privé de la Sem. Fin 2009, Alain Richardson avait aussi dénoncé publiquement l'attribution de la présidence du CA à Louis-Constant Fleming alors qu'il était l'un des "principaux fournisseurs" de la Sem en foncier.
Complicité de prise illégale d’intérêts
Parce qu’au moment de la vente des parcelles, Jean-Paul Fischer était le directeur général de la Semsamar et au courant du lien familial entre l’un des membres du conseil d’administrateur et la personne qui vendait les parcelles, il est accusé de complicité de prise illégale d’intérêts.
Les autres membres du CA ont été entendus, et globalement ils ont déclaré ne pas avoir eu d’informations sur un éventuel intérêt que cette vente pouvait procurait.