20.09.2023

"40% des audiences correctionnelles de Saint-Martin sont des violences intrafamiliales"

Au tribunal de Saint-Martin, «40% des audiences correctionnelles s’articulent autour des violences intrafamiliales, des violences faites aux femmes», déclare maître Barreiro, avocat au barreau de Guadeloupe et des îles du nord. « Les violences conjugales sont également des dossiers jugés en priorité lors des audiences de comparution immédiate », indique-t-il lors d'une rencontre entre les acteurs associatifs de l’île, les avocats avec Justine Bénin, coordonnatrice interministérielle des violences faites aux femmes de passage à Saint-Martin vendredi dernier.

Afin d’éviter ces violences, ces drames, des mesures de protection de victimes de violences sont en place, comme le dispositif de l’ordonnance de protection, «trop peu utilisé sur le territoire », déplore maître Barreiro.

L'ordonnance de protection permet au juge aux affaires familiales d'assurer dans l'urgence la protection de victimes de violences conjugales. Elle permet aussi d’évincer «le bourreau» du domicile quand il  y a violence. Selon l’avocat, si cet outil est très peu utilisé sur le territoire, cela est probablement dû à la méconnaissance des victimes de leur droit. 

L’association France Victimes 978, a également abordé une autre mesure de protection, les téléphones graves dangers (TGD). Cetéléphone est délivré sur la décision du procureur de la République après évaluation du danger. 

Saint-Martin compte dix téléphones graves dangers. Cinq sont en action auprès des victimes. Toutefois, depuis quelques semaines, des difficultés sont survenues avec l’opérateur du dispositif. « Le contrat n’a pas été renouvelé», indique Olivier Fatou, directeur de l’association France Victimes 978. La nouvelle a été annoncée fin août, mais c’est une décision incompréhensible pour la coordonnatrice interministérielle des violences faites aux femmes. «Comment est-ce possible ? », s’interroge Justine Benin. «Je vais appeler l'opérateur », lâche-t-elle.

Le téléphone grave danger est «un outil très important pour la sécurité des victimes », insiste Olivier Fatou. « Nous sommes dans l’attente d’un nouveau marché », déclare-t-il en espérant que la situation se règle rapidement. « Retirer les TGD est extrêmement problématique », complète Justine Bénin.

La violence chez les jeunes âgés 12 à 17 ans a également été abordée. En effet, les associations Les mioches ou encore Fanm Vayan, alertent sur le sujet. «Nous avons été confrontés à un début de violences envers des jeunes filles, cela commence par des jeux puis elles vont jusqu’à porter plainte à la gendarmerie », indique la directrice de l’association Les Mioches. «Par un questionnaire, nous avons constaté que c’était le reflet miroir de ce qui se passe à la maison », regrette-t-elle. « Beaucoup de jeunes lycéens viennent me voir à la Croix-Rouge, notamment des jeunes femmes battues à l’école. Certaines pensent même qu’elles le méritent », poursuit l’association Fanm Vayan.

D’autres associations étaient aussi réunies autour de cette table ronde. Parmi elle, l’Alefpa Le Manteau qui dispose de 12 places en centre d’hébergement et stabilisation dont la moitié est occupée par des victimes qui manquent souvent de ressources et sont sans  papiers», déclare Hélène Bride, administratrice de l’association. « En 2022, nous avons reçu 36 femmes victimes de violences », ajoute-t-elle. Par ailleurs, 5 places ont été ouvertes par la direction de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DEETS) pour recevoir les femmes avec enfants.

Concernant la Croix-Rouge, elle accueille des personnes étrangères en situation irrégulière et «pour lesquelles nous sommes limités dans les solutions car elles n’ont pas accès aux droits et sont exclues de tous les dispositifs», explique Ketty Keram, présidente de l’association.

Enfin, Justine Bénin, dans le cadre de ses déplacements dans les territoires ultramarins, doit faire des propositions pour lutter contre les violences sexuelles conjugales que subissent les femmes, elle devra établir un pré-rapport d’ici fin décembre et un rapport d’ici juin 2024.

Siya TOURE