Trois ans de prison avec sursis requis pour l'auteur de l'accident de Terres Basses
Le 23 janvier dernier s’est produit un accident sur la route des Terres Basses causant la mort d’une jeune femme à 26 ans. Trois véhicules étaient impliqués. La voiture de la victime, celle du prévenu ainsi qu’un pick-up avec à son bord une tierce personne avec un autre passager.
Deux versions qui s’opposent
A.H.G (prévenu) était convoqué devant le tribunal de proximité de Saint-Martin jeudi 28 septembre. Agé de vingt-cinq ans et originaire du Pérou, il est notamment accusé d’homicide involontaire par conducteur de véhicule. Il lui est également reproché de ne pas avoir porté assistance à la victime juste après la collision. Selon les éléments de l’enquête, il a en effet quitté les lieux sans porter secours à la jeune femme qui souffrait de multiples lésions. Elle a été transportée à l’hôpital où elle est décédée des suites de ses blessures.
Aux alentours de 5h10, le 23 janvier, trois véhicules sont engagés sur la route des Terres Basses. D’abord, celle de la victime qui roulait en direction de la Baie Nettlé. La voiture du prévenu et le pick-up arrivent en sens inverse. Au moment de l’accident, le temps était « pluvieux et humide », décrit le tribunal. « Il y a eu un premier choc latéral entre les voitures de la victime et du prévenu», indique le magistrat. Selon les vidéos de surveillance, « la victime suivait la voiture de ses amis et roulait assez vite. Quant à l’accusé, il aurait coupé un virage à gauche».Lors de son audition à la gendarmerie, le prévenu a confirmé que la collision s’était produite dans un virage et a expliqué qu’il avait vu une voiture se déporter sur sa voie. Il aurait tenté d’éviter le véhicule de la victime, mais elle l’a percuté à l’avant.
Sa version n’est pas corroborée par le conducteur de la troisième voiture impliquée. Celui-ci a déclaré que le prévenu «zigzaguait et conduisait très vite, avec une conduite dangereuse » et qu’il a pris « la fuite en courant ». Le passager de ce véhicule, blessé aussi confirme également le témoignage du conducteur.
Si le jeune homme reconnaît avoir pris la fuite car il a «paniqué», il n’admet pas en revanche sa responsabilité dans la commission de l’accident. En effet, selon lui c’est le véhicule de la jeune femme qui est venu se déporter sur sa voie et l’a percuté à l’avant. Malgré les témoignages de personnes présents lors de l’accident et d’une expertise qui confirment que c’est le prévenu qui percute le véhicule de la victime, ce dernier maintient sa version lors de l’audience. « Je roulais à une allure modérée, dans le virage j’ai aperçu la voiture de la victime qui débordait sur ma voie de circulation, j’ai tenté de l’éviter mais elle a percuté l’avant gauche de mon véhicule », explique le prévenu.
Non-assistance à personne en danger
De plus, « choqué », dit-il, ce dernier ne reste pas sur les lieux de l’accident et ne va pas porter secours à la victime. « Sur les caméras de surveillance, on aperçoit l’accusé au poste de sécurité des Terres Basses passer un appel. Mais ce ne sont pas les secours qu’il appelle mais le père d’un ami pour venir le chercher», indique le tribunal. Son véhicule n’était pas assuré et A.H.G faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, mais il avait fait un recours devant le tribunal administratif.
Concernant sa fuite des lieux de l’accident, la juge n’a pas manquée d’interroger A.H.G lors de l’audience. « Pourquoi êtes-vous allé voir l’agent de sécurité ? », demande la juge. « Car je ne parle pas français, je ne savais pas quel numéro appeler donc j’ai expliqué la situation au gardien afin qu’il appelle les secours. J’étais en choc, l’agent ne parlait pas espagnol mais il a pu comprendre qu’il s’agissait d’un accident », répond-t-il.
Les caméras de surveillance ont également montré A.H.G monter dans un autre véhicule car le sien accidenté est resté sur les lieux de l’accident. C’est ainsi que les gendarmes remonteront à lui grâce à la plaque d’immatriculation. Le lendemain, il s'est présenté à la gendarmerie où il a été placé en garde à vue. Toutefois, les taux d’alcoolémie et de stupéfiants, 24h après les faits, n’ont rien révélés. Au tribunal, il indiquera n’avoir ni « bu », ni « fumé ».
Selon la partie civile, si A.H.G a pris la fuite, c'est parce que son véhicule n’était pas assuré et qu’il était en situation irrégulière sur le territoire. « Il était dans une situation multi-infractionnelle », déclare maître Marion Tillard, représentante de la partie civile. D’après elle, A.H.G a un profil qui « ment », « n’assume pas » et continue encore à la barre du tribunal et ce malgré des témoignages qui démontrent le contraire. « Vous pourrez apprécier sa mauvaise foi », lâche-t-elle au tribunal.
De plus, « il n’y a pas de victime parfaite car nul n’est irréprochable et la victime ici n’en saurait déroger à cette règle », rappelle maître Tillard. En effet, si la victime était sous l’emprise d’alcool et de stupéfiants au moment de l’accident après une soirée entre amis, « nous ne pouvons pas considérer que tous les éléments étaient réunis pour que le pire se produise et se dire, en clair elle l’a cherché », poursuit l’avocate.
« Faute d’imprudence »
Selon l’avocate, « la seule cause avérée de l’accident est la faute d’imprudence du prévenu », estime-t-elle. « A.G.H était peut-être somnolent, son véhicule se déporte sur la voie de gauche, alors qu’un autre véhicule arrive en sens inverse, celui de la victime et le choc est inévitable », insiste l’avocate s’appuyant sur l’expertise et les témoignages qui contestent la version de A.H.G. En effet, si la victime roulait au-dessus de la vitesse du prévenu, « le facteur humain est à l’origine du drame, non pas la vitesse, mais la déviation du prévenu sur la voie de la victime ».
Pour la partie civile, l’accusé a non seulement percuté la victime mais il a également fui à ses responsabilités en abandonnant la jeune femme dans sa voiture « en train de mourir ». « Moi ce qui m’a marquée c’est que la victime lors de l’intervention des pompiers était en train de s’étrangler, de mourir, c’est quelque chose qui doit entrer dans vos esprits », convient maître Tillard.
La mère de la victime a assisté à l’audience en direct par visioconférence depuis le tribunal de Quimper en Bretagne, accompagnée d’une amie. C’est la voix tremblante, essuyant des larmes, qu’elle essaie de s’exprimer. « J’ai perdu ma fille, ma première fille, ma première grossesse, la plus belle chose au monde. Je suis détruite et je survis », exprime-t-elle.
La mère a également évoqué la douleur de ne pas avoir pu voir le corps de sa fille. Effectivement, le corps a été incinéré à Saint-Martin et la mère n’a pas pu s’y rendre en raison de difficultés financières. « Elle n’a reçu que les cendres de sa fille », précise l’avocate. « Elle ne pouvait pas assister aux débats physiquement, en raison des finances. Mais, il était important d’une autre manière, que la mère assiste aux débats afin de pouvoir mettre des mots sur les circonstances de l’accident et ainsi engager un deuil », convient maître Tillard.
Pour le ministère public, si son rôle est d’appliquer la loi et de prononcer une peine, celle-ci ne pourra jamais correspondre à la peine de la douleur de la famille de la victime. Pour la vice-procureure, les faits sont caractérisés, sur l’homicide involontaire, le rapport de l’expertise impute la faute au prévenu et quant à la non-assistance à personne en danger, tous les témoignages indiquent que le prévenu a fui. Ainsi, elle demande au tribunal d’entrer en voie de condamnation sur les deux infractions. Elle requiert trois ans de prison assortie d’un sursis simple, ainsi que l’interdiction de conduire sur le territoire national pendant cinq ans.
Enfin, du point de vue de la défense, il n’est pas simple de traiter ce dossier avec de la « fugacité ». « Un dossier dramatique, un dossier de plus sur le territoire », poursuit maître Barreiro. Mais selon lui, dans celui-ci l’amalgame ne doit pas être fait, s’il émet en doute certaines lignes de l’expertise automobile, « l’attitude de chacun doit être prise en compte ». Il s’en remet à la sagacité du tribunal et demande la relaxe de son client.
A.H.G, prenant parole en dernier conformément à la loi, exprime son pardon auprès de la famille de la victime. « Je me sens très mal avec tout ce qui s’est passé », confie-t-il.
Le tribunal rendra son verdict le 23 novembre.