"Ce n’est pas parce que nous sommes à Saint-Martin qu’aucune loi du code de la route ne s’applique"
La sécurité routière demeure une préoccupation majeure de santé publique aux niveaux national et international. À Saint-Martin c'est une lutte étatique et locale.
Les accidents routiers à Saint-Martin impliquent souvent les deux-roues motorisés, de plus ces victimes souvent jeunes, ne portaient pas de casque. Un équipement pourtant obligatoire depuis 1973. En effet, ils n’ont « aucune prise de conscience de l’intérêt du port du casque, des équipements de sécurité en général », regrette Maxime Wintzer-Wehekind, lieutenant-colonel de la gendarmerie des îles du nord.
Outre les actes dangereux sur la route, des actions suivantes se produisent, dans certaines situations comme le rodéo urbain. Il s’agit de conduire intentionnellement et de manière répétée un véhicule terrestre, tel qu’un scooter, moto, moto-cross etc, dans des circonstances mettant en danger la sécurité des usagers de la route, l’ordre à la tranquillité publique, entraînant un manquement à la sécurité ou la prudence.
De plus, ces actes sont parfois suivis d’un refus d’obtempérer. « Il est compliqué pour les gendarmes d’interpeller les individus en flagrant délit de rodéo urbain car cela risquerait de créer encore plus de danger et de causer un accident », confie Maxime Wintzer. Pour autant, « ce n’est pas parce que nous sommes à Saint-Martin qu’aucune loi du code de la route ne s’applique », prévient-il.
Le wheeling est aussi une autre de ces « activités dangereuses », pratiqué sur l’île, qui consiste à faire des figures types « roue arrière » sur la route. Ces actes en plein essor sont renforcés par les réseaux sociaux et la diffusion sur les téléphones portables. « C’est à celui qui prendra le plus de risques », exprime le représentant de la gendarmerie. Un point sur lequel État et Collectivité sont mobilisés à travers plusieurs axes de sensibilisation, prévention et éducation sur le territoire. Depuis la loi du 3 août 2018, les auteurs peuvent être condamnés à un an de prison et 15 000 euros d’amende, ou à deux ans et 30 000 euros lorsque les faits sont commis.
«Ici pour certains il y a une déification de la mort à travers le deux-roues. Nous savons que plus l’individu est jeune plus il est propice aux actes de violence, aux comportements dangereux qui là se traduisent sur les routes avec une recherche d’adrénaline et un moyen pour ces jeunes d’être reconnu », reconnaît Maxime Wintzer.Souvent, la plupart de ces jeunes, sont en échec scolaire, ils n’ont pas d’emploi et ont des conditions de vie assez pauvres. « Le deux-roues est une façon pour eux de se valoriser, de montrer leur capacité aux autres comme aux touristes, encouragés par des films de leurs démonstrations partagées sur les réseaux sociaux », explique-t-il.
« Je suis très favorable à ce qu’il y ait un espace pour eux où ils puissent s’exprimer. Cependant, il n’y a actuellement aucune fédération de rodéo sur l’île », confie le lieutenant-colonel. Pour autant, même s’ils avaient leur propre espace, ne seraient-ils pas plus motivés à être sur la route, jouer avec le danger en faisant monter leur adrénaline ? « La liberté des uns s’arrête là où commencent celles des autres. La sécurité des uns s’arrête là où commence la sécurité des autres », répond le représentant de la gendarmerie.
« Il y a eu un accident sur le pont Bridge », se souvient le lieutenant-colonel, dans lequel un individu était en train de faire du wheelling sur le terre-plein central. Ce dernier ne portant pas de casque, tombe et est projeté sous un véhicule venant en sens inverse. « Les gens se sont déchaînés sur cette voiture en question qui n’y était absolument pour rien. Non seulement la personne est déjà traumatisée parce qu’elle a involontairement tué une personne, puis un second traumatisme avec des personnes qui se déchaînent sur elle alors qu’elle n’y est pour rien », souligne-t-il.
C’est un effet « de bande de meutes », selon le lieutenant-colonel, sur la pensée de « la route nous appartient. Mais elle ne leur appartient pas et c’est ce qu’il faut qu’ils comprennent », insiste-t-il. « C’est un marathon sur lequel travaillent activement la préfecture, la collectivité et la gendarmerie », déclare-t-il. « L’objectif est de semer petit à petit chez la population, la nécessité de porter un casque, même à une distance de 50m », souhaite-t-il. « Nous savons que nous ne pouvons pas tout résoudre, mais depuis que je suis ici, j’ai remarqué une augmentation du port du casque et même s’ils ne sont pas toujours bien portés ils ont déjà cette démarche », ajoute-t-il.
Ceci faisant référence à la coiffure locks qui empêcherait certains de ne pas porter le casque de sécurité « correctement », voire pas du tout. Si le lieutenant-colonel « respecte cette culture », pour autant ceux-là va de leur responsabilité. « Ils font le choix d’adopter cette coiffure qui peut ne pas être adaptée pour porter un casque. Mais plusieurs alternatives s’offrent à eux, comme ne plus se déplacer en scooter ou en moto mais à pied, en bus, en voiture etc. Ou encore la possibilité de ne pas attacher ses locks afin de pouvoir poser le casque. Avoir cette coiffure n’est pas une excuse mais un choix pour leur sécurité, pour leur vie », rappelle Maxime Wintzer-Wehekind.
Par ailleurs, Saint-Martin vit « beaucoup du tourisme », selon Maxime Wintzer, il y aurait un sentiment d’agressivité sur les routes d’après les touristes, avec des témoignages tels que, « c’est dangereux de conduire ici », ou encore « une peur de se retrouver avec un individu qui atterrirait sur leur capot », rapporte-t-il. « Cela laisse une ambiance générale donnant une certaine forme d’agressivité, de délinquance et de non-respect qui va donner une mauvaise impression aux touristes », complète-t-il.
Enfin, plusieurs actions de sensibilisation sont en place sur l’île dans une optique d’amélioration à la sécurité routière. Depuis les premières assisses de la sécurité routière en décembre 2022, l’objectif d’éduquer au bon comportement routier et aux respects du code de la route se poursuit sur le territoire afin de lutter contre l’insécurité routière.
Une campagne de sensibilisation à la sécurité routière avait été menée à travers un concours de customisation des casques : put it on afin de sensibiliser au port des équipements de sécurité. Une charte du respect des règles de sécurité routière et la production de supports pédagogiques ont aussi été développées par les scolaires.
Une opération de sécurité routière avait aussi été menée cet été pendant deux heures, à laquelle la population était au courant dans un but de prévention sans but répressif. Mais, dans un objectif de mener une campagne de sensibilisation et de communication. Une opération que le lieutenant-colonel souhaite renouveler afin qu’il y ait davantage de prise de conscience de la part de tous les usagers de la route.
Si le chemin est encore long, ce travail de longue haleine, est l’affaire de tous, pour la sécurité de tous.