21.12.2023

Jugé pour avoir tenté de s’évader lors de son transfert en prison

Un homme de 38 ans, GD, est accusé de deux tentatives d’évasion : l’une du box du tribunal correctionnel de Saint-Martin, la seconde sur le tarmac de l’aéroport de Grand Case. De plus, il lui est reproché d’avoir résisté avec violence aux gendarmes à deux reprises. Mercredi matin, il était jugé en comparution immédiate par visio-conférence depuis la prison de Baie-Mahault. Il encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d'amende.

Une première tentative d’évasion au tribunal

Les faits se sont déroulés le 29 novembre, tout d’abord dans la salle d’audience du tribunal de proximité de Saint-Martin. GD était jugé en comparution immédiate pour menace et possession d’une arme. Il a été condamné à deux ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt. A la lecture du délibéré, «un incident d’audience s’est noué», déclare la juge. GD qui se trouvait dans le box des accusés sur le côté de la salle, a passé une jambe par dessus la rambarde et crié «tuez-moi». La magistrat précise que GD était «agité», «dans un état d’excitation».

Hier en visio-conférence, GD a expliqué avoir passé sa jambe sur la rambarde pour montrer à la juge qu’il était handicapé. «Je n’ai plus de tendon d’Achille et en plus de ça, j’ai une blessure au genou qui demande une opération dans les plus brefs délais», a-t-il ajouté.

Lorsque GD essayait de montrer sa jambe à la juge, les gendarmes sont intervenus. «Ils m’ont sauté dessus et m’ont jeté dans le coin», confie le prévenu. L’un des militaires a précisé l’avoir saisi par le bras pour l’empêcher de bouger et de sortir du box. Si GD prétend s’être laissé faire car il est «handicapé», les gendarmes affirment le contraire. Selon l’enquête, trois militaires ont été nécessaire pour maîtriser GD car la scène était «très violente». «Je ne faisais rien de mal, je discutais avec la juge», réaffirme GD.

Pendant l’intervention des gendarmes, l’un d’eux a été blessé. Un certificat médical fait état d’une lésion cutanée du pouce droit entraînant une ITT d’1 jour.

Une seconde tentation d’évasion à l’aéroport

Après cette scène mouvementée, GD a été transporté à la brigade de La Savane dans l’attente de son transfert en prison en Guadeloupe en avion. Trois gendarmes l’escortent. Tout se passe bien jusqu’à ce que GD exprime à l’aéroport une envie pressante. Les gendarmes se mettent dans un coin sécurisé afin que GD puisse faire ses besoins. «On vous enlève une menotte et le gendarme se menotte avec vous. Au moment où vous terminez, vous vous retournez de façon brusque en essayant de vous échapper», rapporte la juge. «Comme vous étiez menotté avec le gendarme, celui-ci a réussi à vous retenir puis essayé de vous ceinturer pour vous empêcher de partir. Mais à cet instant, vous résistez», poursuit la juge. Et s’ensuit une échauffourée. En raison de «l’état d’excitation» de GD, deux agents de la police aux frontières interviennent en renfort des gendarmes pour le maîtriser.

GD conteste une nouvelle fois la version des forces de l’ordre. Il réitère qu’il n’a pas pu tenter de s’échapper en raison de son handicap. «Comment expliquez-vous la présence de cinq gendarmes si tout était calme ?», demande la juge. Il ne répond pas réellement à la question. GD suppose que les gendarmes pensaient qu’il se moquait d’eux, qu’ils ont «attendu que leur capitaine parte, pour [le] mettre dans un coin». Et d’ajouter : «pensant être à l’abri des regards, ils ont commencé à m’attaquer».

Le gendarme qui était menotté avec GD rapporte avoir été blessé au poignet gauche pendant la maîtrise. Son certificat médical fait état d’une ITT de trois jours.

Le casier judiciaire de GD comporte onze condamnations pour des faits de vols aggravés, d’extorsions et de violences. «Comment se fait-il que toutes vos condamnations ne vous aient pas donné de leçon ?», interroge la juge. «Avec le casier que vous avez, vous devriez vous faire tout petit», complète-t-elle.

Les deux gendarmes blessés se sont constitués partie civile. Le premier demande 400 euros au titre des préjudices moral et corporel, le second 1 500€ pour les préjudices corporel et moral ainsi que 1 000€ au titre de l’article 475-1 (frais d’avocat).

«Lorsqu’on indique une peine à un prévenu, il est comme dans un tunnel où il n’entend pas nécessairement la peine prononcée, il ne la comprend pas ce qui explique pourquoi GD n’a pas réagi dans un premier temps. Mais lorsque le tribunal s’est retiré, le prévenu comprend qu’il a été condamné à de la prison ferme et qu’il allait partir tout de suite en détention», commente la vice-procureure.

Selon elle, la rébellion de l’accusé à la première audience se déroule en deux étapes. Il y a ce premier temps où l’individu pose sa jambe pour montrer qu’on ne peut pas l’incarcérer pour son problème «d’handicap». Or, explique-t-elle, «il avait déjà fait ce geste pendant les débats à plusieurs reprises et les gendarmes n’étaient pas intervenus», précise-t-elle. «S’il a pu lever son pied sans que ce geste engendre une réaction de la part des gendarmes, il en a profité pour enjamber la rambarde et se retrouver à cheval sur le muret. Nous ne sommes plus sur un geste où il montre son pied mais dans une escalade pour partir», considère le ministère public. «Il a fallu trois gendarmes pour le saisir car il était extrêmement violent et il a fallu batailler pour lui passer les menottes», insiste-t-elle.

Concernant le deuxième temps à l’aéroport, «le prévenu a demandé à aller aux toilettes alors qu’il y était allé peu de temps avant à la brigade de La Savane, à sa demande», précise la vice-procureur. «Une fois sur le tarmac, il profite d’avoir une main libre pour tirer sur sa menotte espérant se soustraire aux gendarmes. Si des policiers de la PAF sont intervenus c’est parce que la situation était hors de contrôle par le caractère hystérique de GD Ils étaient 5 pour le maîtriser», poursuit-t-elle.

Le parquet requiert une peine de six mois de prison pour la tentative d’évasion au tribunal ainsi que pour les premiers faits de rébellion. Pour les faits d’évasion et de rébellion à l’aéroport, au vu de leur caractère répété, il demande une peine plus lourde, soit huit mois d’emprisonnement ainsi que le maintien en détention.

Lors de sa plaidoirie, l’avocat de la défense a estimé l’absence «d’élément intentionnel»  de vouloir s’échapper de la part de GD à l’audience de novembre tout en soulignant son handicap et son besoin de marcher avec des béquilles. «Sur les faits de rébellion, mon client est choqué à l’annonce de sa condamnation, il a peur aussi. Les gendarmes ont eu une réaction disproportionnée en se mettant sur lui. Il aurait fallu le laisser se calmer», estime le conseil qui demande la relaxe de son client, à défaut une peine clémente. En outre, il demande le rejet des constitutions de la partie civile.

Après délibération, le tribunal a relaxé GD pour les faits de tentative d’évasion commis au sein du tribunal, au bénéfice du doute. Toutefois, le tribunal le déclare coupable des faits de rébellion au tribunal et à l’aéroport ainsi que de la  tentative d’évasion sur le tarmac. Il a prononcé trois peines de quatre mois de prison chacune. Il a aussi ordonné le maintien en détention. Le tribunal a alloué la somme de 200 € au titre de dommages-intérêts à la première victime et 500 € à la seconde victime ainsi que la somme de 800 € sur le fondement de l’article 475-1.

Siya TOURE