Jositania Rijo mène un combat contre la maltraitance vécues par les enfants placés
« Si je devais revivre mon histoire, je la garderais car c’est ce qui me définit aujourd’hui », déclare Jositania Rijo en pesant ses mots. « Bien que ce soit difficile à dire, c’est une réalité », reconnaît-elle. Jositania Rijo a accepté de raconter son histoire, celle d'une enfant violentée et maltraitée, et son combat qu’elle mène contre les violences intrafamiliales, notamment celles vécues par les enfants placés.
Jositania Rijo, saint-martinoise par son père et dominicaine par sa mère, est née à Saint-Martin il y a une trentaire d'années. Durant son enfance, elle a été victime de violences intrafamiliales. « J’ai été placée à l’âge de mes 6 ans après le décès de ma mère et mon père n’était pas présent », confie-t-elle. Elle a été recueillie par la famille de son père, cependant elle est victime de maltraitances physique et verbale quotidiennement de ses 8 ans à 13 ans par une membre de la famille. « Quand je vous parle de maltraitance, c’est d’un tel niveau que vous ne pouvez pas vous imaginer», indique-t-elle. « C’était un enfer », lâche-t-elle.
Le jour de son treizième anniversaire, lors d’une fête organisée à l’occasion, elle discute avec un garçon qu’elle appréciait, ce même membre de la famille la surprend dans cette discussion et les choses vont dégénérer. Un peu plus tard, « la membre de la famille prend un câble qu’elle a natté en deux, attend que je sorte de la douche, que je sois toujours mouillée pour me battre », déclare-t-elle.
Le lendemain matin, Jositania Rijo se rend à l’école « le corps tout coupé », décrit-elle. En train de se changer dans les vestiaires pour son cours de sport, sa meilleure amie la découvre avec ses blessures dans le dos et elle hurle. « Je l’ai suppliée de ne rien dire mais c’était plus fort qu’elle, car elle savait qu’auparavant j’avais été brulée avec le fer », développe Jositania Rijo. Le professeur est immédiatement mis en courant par l’amie, qui alerte la psychologue puis l’infirmière du collège et tout un processus se met en place.
Malheureusement pour Jositania Rijo, elle n’est pas placée de suite. En effet, les démarches administratives pour son placement ont été « longues ». Par conséquent, pendant ce laps de temps, elle est restée domiciliée chez cette famille. Ces mois ont été «un calvaire », détaille-t-elle. La situation est devenue tellement invivable, l’attente si longue, qu'elle a fait une tentative de suicide. Elle a alors 15 ans. Elle est hospitalisée pendant un mois puis la juge mandate son placement à la maison de l’enfance durant six mois avant d’être placée dans une famille d’accueil.
Durant cette période à la maison de l’aide sociale à l’enfance, Jositania Rijo reste dans la pensée d’une de ses tantes vivant sur la partie hollandaise, qui menait un combat pour avoir sa garde. Par la suite, Jositania Rijo s’installe « à titre gracieux », précise-t-elle, chez celle qu’elle considère depuis, comme une mère. Pour la première fois depuis longtemps, elle reçoit un amour qu’elle ne connaissait plus.Malgré ces épreuves difficiles, la jeune fille ne lâche rien et s’en va poursuivre ses études en Guadeloupe, dans un premier temps dans le domaine du droit puis elle basculera dans le tourisme. Elle obtient le statut de pupille de la nation, et devient boursière également.
L'un pour l'autre
Jositania Rijo a su transformer son chemin difficile en force et a fondé l’association L'un pour l’autre, avec pour objectif d’accompagner les enfants placés à l’aide sociale à l’enfance. Si l’envie de créer cette association a toujours été présente, la naissance de ses jumelles en 2021, en a été l’impulsion. Par la même occasion, « je suis née à cet instant », confie-t-elle. Le but est de sensibiliser davantage la population à ces situations de violences souvent considérées comme très taboues sur l’île. Avec son association, elle souhaite redonner à l’État ce qui lui a été donné à un moment donné. Se rendre utile est un métier de vie pour Jositania Rijo, elle estime que c’est la seule manière pour aider les gens. Notamment les enfants, les plus vulnérables,.
L’équipe actuelle, au nombre de 10 personnes, est composée d’anciens enfants placés à l’aide sociale à l’enfance, qui aujourd’hui évoluent professionnellement dans ce milieu.
Si son expérience de vie lui laisse encore aujourd’hui des séquelles, Jositania Rijo, tente de guérir ses blessures en poursuivant son combat. Elle a dernièrement été diplômée en tant que praticienne de la programmation neuro-linguistique. C’est un volet pseudo-scientifique de médecine alternative de communication verbale et non verbale, de développement personnel d’accompagnement au changement. Un outil supplémentaire à son arc qui lui permettra d’accepter mieux son parcours mais aussi d’accompagner mieux les enfants et les jeunes dans leur chemin.
L’association L'un pour l’autre souhaite accompagner les enfants et les jeunes de 0 à 20 ans placés à l’aide sociale à l’enfance, par des approches d’éducation sociale, de psychologie, l’aspect financier, le logement ou encore le matériel informatique etc. Plus de 200 enfants sont actuellement placés à la maison de l’enfance, ce qui représente « un nombre important car il y a peu de famille d’accueil sur le territoire ».
Jositania Rijo souhaite adresser deux messages. D’une part, de ne pas perdre espoir malgré les épreuves difficiles que vivent les enfants et de se dire « que nous avons tous une bonne étoile quelque part. J’espère qu’à travers l’association nous pourrons faciliter leur vie et être un appui pour eux ». « Nous pouvons nous en sortir, c’est possible », affirme-t-elle. D’autre part, « que les adultes soient plus sensibles aux causes de maltraitance, d’abandon, d’adoption, de famille d’accueil etc.». L’un des souhaits de Jositania Rijo pour les prochaines années est l’adoption.
L’association L'un pour l’autre est joignable au 0590 27 62/ 0690 74 70 04 ou par mail. Le bureau se trouve à Marigot et est accessible aux enfants comme lieu d’accueil, d’échanges.