Les avocats de Saint-Martin demandent le départ d'une des deux vice-procureurs
Alors qu’une audience correctionnelle devait se dérouler ce jeudi matin comme tous les jeudis au tribunal de proximité de Saint-Martin, celle-ci a connu un revirement de situation dès le début suite à une mobilisation de la part d’une quinzaine d’avocats de Saint-Martin, lesquels étaient soutenus par le conseil de l’ordre des avocats du barreau de la Guadeloupe, Saint-Barthélemy, Saint-Martin.
Les avocats de Saint-Martin sont en colère et l’ont fait savoir au tribunal ce matin. Ces derniers ont refusé de plaider à l’audience en raison du "mépris" envers leur profession d’une des deux vice-procureurs en poste sur l’île depuis plus de deux ans. En d’autres termes, ils demandent son départ.
La représentante du parquet qui devait assurait l’audience de ce jour puisqu’elle était inscrite sur le rôle n’était pas présente, c’est son collègue qui était là, ce que regrettent les avocats qui auraient préféré la confronter. Selon eux, elle "fuit ses responsabilités, ce qui est inacceptable", considèrent-ils. Malgré son absence, les avocats ont tout de même décidé de ne pas plaider et toutes les affaires de ce jeudi ont été renvoyées pour la plupart au 5 septembre prochain.
Plusieurs tentatives à l’amiable pour améliorer la situation avaient été entamé entre les avocats et la magistrate, indiquent les avocats, en vain. C’est ainsi qu’ils ont décidé sous la validation du bâtonnier qu’il n’y aurait plus de plaidoirie tant que cette procureure sera à son poste à Saint-Martin.
Pour cette raison, Marie-Michelle Hildebert, membre du conseil de l’ordre des avocats, a été mandatée par le bâtonnier du barreau de Guadeloupe, Saint-Barthélémy et Saint-Martin pour le représenter à l’audience afin de parler au nom des avocats de Saint-Martin et de présenter une motion à la juge. Maître Hildebert était accompagnée par deux autres membres du conseil de l’ordre, dont maître Pascal Bon et maître Babacar Diallo.
Cette motion fait office de l’incident survenu lors de l’audience du 15 février, soit jeudi dernier, « où la vice-procureure a refusé de se présenter à l'audience tant qu'un avocat continuerait de siéger dans la composition du tribunal tel que le prévoit le code de l'organisation judiciaire et en refusant de soutenir une prévention en raison de la constitution d'une avocate pour les parties civiles envers laquelle elle avait déjà été outrageante ».
Cet avocat en question était maître Vayrac, ce dernier s’est exprimé à la sortie de l’audience. Selon lui, il a été pris en grippe alors qu’il ne faisait que son devoir en rendant service à la demande de la juge qui ne pouvait pas siéger, car elle avait une autre audience au même moment. « J’ai appris au milieu de l’audience qui avait pourtant commencé en ma personne que la vice-procureure refusait de revenir plaider en ma présence et exigeait une modification de la composition du tribunal », explique-t-il. « Il parait qu’elle estimait que ce n’était pas prévu par la loi, mais le code de l’organisation judiciaire permet cette disposition et prévoit que lorsqu’il y a des audiences collégiales avec trois magistrats, pour qu’elles soient valables, il faut qu’il y ait une majorité de magistrats professionnels, sur les trois, il y en avait deux, nous étions donc dans les clous », poursuit-il.
De plus, selon maître Vayrac, la vice-procureure a pris en grippe tous les avocats, il pense qu’elle "ne supporte personne et surtout pas les avocats qui, comme maître Tillard, obtiennent des relaxes contre ses réquisitions, parce qu’il y a des problèmes dans l’élaboration des dossiers, problèmes de procédures, etc". « Nous avons eu jusqu’à présent un certain nombre de vice-procureurs à Saint-Martin, mais jamais nous avons eu un procureur qui s’est comporté de la sorte vis-à-vis des avocats, qui ne dit bonjour à personne, qui n’a que des mots désagréables lors des audiences», s'excède-t-il.
« C’est une personne qui a saboté l’audience à laquelle je participais et qui a fait perdre du temps à tout le monde», complète maître Vayrac.
Cette situation n’est pas un incident isolé, mais une récidive d'incidents dénoncés depuis janvier 2022 par les avocats, indiquent-ils. Des situations similaires ont déjà été dénoncés à Saint-Barthélemy. « Depuis qu’elle est arrivée, elle pose problème par son comportement, il était important qu’on soit présent. La semaine dernière était la fois de trop », affirme Pascal Bon, membre du conseil de l’ordre des avocats. Par conséquent, tous s’accordent à exiger que toutes les mesures soient prises pour permettre un retour à une justice sereine, respectueuse et de qualité. Les avocats mettront en œuvre tous les moyens nécessaires pour faire cesser cette situation «indigne et intolérable». «La hiérarchie doit prendre ses dispositions», considère maître Tillard.
Si maître Tillard est soulagée que les avocats aient enfin pu s’exprimer sur la situation, «la justice est un combat et nous continuerons de nous battre. À chaque audience, nous lirons la motion et demanderons le renvoi des dossiers. Ça dure depuis trop longtemps, c’est récurrent et ce n’est pas faute d’avoir prévenu », insiste-t-elle.
Dès lors que les avocats décident de ne plus plaider, «c’est le système de la justice qui dysfonctionne », reconnaît Marie-Michelle Hildebert, représentante du bâtonnier. Pour autant, « même si nous avons conscience des conséquences de cette action et de ce que cela pourrait engendrer (retard dans les jugements), comme on dit souvent, on ne fait pas d’omelette sans casser les œufs et si on veut une situation beaucoup plus apaisante, il faut qu’il y ait une justice sereine. Mais, comment la donner face à une procureure méprisante envers les avocats, en les traitant d’incompétents, en leur disant d’aller revoir leurs cours de première année de droit, etc. Elle nous rabaisse et ce devant nos clients, c’est indigne », conçoit-elle.
Si les avocats de Saint-Martin sont déterminés à ne pas se soumettre au fameux système « de ne pas faire de vague », « nous ne subirons plus les invectives de la magistrate », soutiennent-ils. Ces derniers tirent la sonnette d’alarme auprès du procureur général près de la cour d’appel de Basse-Terre pour que les relations de la justice à Saint-Martin reprennent avec sérénité.