25.03.2024

Air Antilles : les documents que la Sem doit obtenir pour faire voler ses avions

La Collectivité de Saint-Martin a souhaité reprendre la compagnie Air Antilles placée en liquidation judiciaire début août 2023. Elle a alors convaincu le groupe Cipim dont une filiale exploite et gère l’aéroport de Grand Case, de s’associer avec elle. Ensemble, ils ont décidé de former une société d’économie mixte dont 60 % du capital sont détenus par la COM.

Le partenariat entre la COM et Cipim a été choisi par le tribunal de commerce pour reprendre la compagnie aérienne Air Antilles. Néanmoins, la reprise de l’activité n’a pas être immédiate ; car la nouvelle compagnie aérienne n’était pas en possession des documents légaux obligatoires. Quels sont ces documents ? Comment les obtenir ? Éléments de réponse à partir du guide édité par la direction générale de l’aviation civile.

Rappel du contexte

Le transport aérien commercial est une activité très réglementée. Celle-ci est subordonnée à la détention d'un certificat de transporteur aérien (CTA) et à la détention d’une licence d'exploitation. Ces documents attestant des compétences techniques, économiques et financières de la compagnie, sont délivrés par les autorités à l’exploitant d’aéronefs.

Dans la situation d’Air Antilles, le groupe Caire était l’exploitant. Or, à partir du moment où le tribunal de commerce de Pointe à Pitre a désigné un repreneur à la compagnie aérienne, ses avions ne pouvaient plus voler.

La reprise de la société ne s’est pas accompagnée du transfert de ces deux documents (non autorisé par la réglementation) et la Sem Air Antilles n’avait donc pas les autorisations légales puisqu’au moment même de la décision du tribunal de commence, elle n’existait pas encore d’un point de vue juridique ; elle n’a été immatriculée au registre du commerce que le 30 octobre 2023 et a démarré son activité le 18 octobre. Dès lors, elle a donc dû entamer les démarches pour obtenir son CTA et sa licence d’exploitation.

Qu’est-ce qu’un certificat de transport aérien (CTA) ?

Délivré par la direction de la sécurité de l’aviation civile (DSAC), le CTA reconnaît «les capacités et les moyens» techniques d’un exploitant d’aéronefs en termes d’appareils (avions), gestion et personnel.

Au niveau du personnel, sept postes sont imposés : cadre responsable, responsable de la surveillance de conformité, responsable de la gestion et de sécurité, responsable désigné opérations vol, responsable désigné formation des équipages, responsable désigné opérations sol, responsable désigné maintien de navigabilité. Ce dernier poste a fait l’objet d’un appel à candidatures le 23 février sur les réseaux sociaux.

Les étapes d’obtention du CTA
  • Le dépôt de la demande

Le dossier de demande de CTA doit être déposé «complet». Avant son dépôt, le postulant est invité à produire «une déclaration d’intention d’obtention d’un CTA». Le formulaire type comprend six pages dans lesquelles l’exploitant doit indiquer ses coordonnées, son organisation (préciser le nom et date de recrutement des sept personnes imposées), le calendrier (dates envisagées pour le dépôt de la demande formelle du CTA, le lancement de l’exploitation, etc), ses opérations envisagées (types d’aéronefs, zones d’exploitation, transport de passagers), les avions envisagés à la délivrance du CTA et au cours de la première année d’exploitation, les éléments nécessaires au calcul de la redevance d’exploitant aérien.

Un délai minimal de quatre-vingt-dix jours entre le dépôt du dossier de demande initiale de CTA et le début de l’exploitation est préconisé par les autorités. «La recevabilité de la demande est appréciée le plus rapidement possible», souligne la DGAC.

La date de dépôt du dossier par la Sem n’a pas été communiquée. Lors de la séance plénière du conseil territorial le 4 décembre 2023, le directeur général des services de la COM a indiqué que «le dossier [avait été] déposé dans les délais».

  • L’instruction de la demande

L’instruction comprend deux phases. D’une part, l’étude documentaire, laquelle correspond notamment à la vérification par la DSAC de la conformité générale à la réglementation de l’exploitant, de la pertinence de son système de gestion, l’acceptabilité du cadre responsable et des responsables désignés (personnes imposées),  l’adéquation des moyens logistiques envisagés, programme et moyens spécifiques de formation des premiers équipages.

D’autre part, la vérification sur le terrain des moyens mis en œuvre par l’équipe en charge de l’instruction du dossier «afin de s’assurer de la disponibilité des moyens et documents nécessaires à l’exploitation des aéronefs, de la compétence et de l’implication des personnels concernés par l’exploitation». Air Antilles a indiqué que cet audit de certification a été mené du 5 au 7 février à Pointe à Pitre.

Une fois toutes les conditions techniques remplies et satisfaites, le fameux certificat de transport aérien est délivré à l’exploitant.

Qu'est-ce que la licence d’exploitation ?

Pour être autorisée à exercer une activité de transport aérien, une entreprise doit aussi détenir une licence d’exploitation. Il s’agit d’une autorisation administrative individuelle de la part de la direction du transport aérien (DTA).

La licence est attribuée une fois que le CTA est délivré. Dans le cas d’Air Antilles, la licence sera délivrée par arrêté du ministre chargé de l’aviation civile car la société exploitera au moins un avion d’une capacité supérieure ou égale à vingt sièges*. Elle autorisera la Sem Air Antilles à exploiter des services aériens intra union européenne.

Les conditions d’attribution de la licence

La licence «atteste des capacités économiques et financières du transporteur, de sa situation juridique ainsi que de l’honorabilité de ses dirigeants ».

  • Les garanties morales

La Sem Air Antilles doit ainsi présenter des garanties morales (les personnes qui assurent la direction permanente et effective ne doivent pas avoir de condamnation définitive mentionnée au bulletin n° 2 de leur casier judiciaire entraînant l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale et doivent justifier une absence de faillite personnelle), des garanties d’assurance, opérationnelles (CTA) ainsi que des conditions financières.

  • Les garanties financières

Elle «doit pouvoir démontrer, au travers d’un plan d’affaires portant au moins sur trois années et sur la base d’hypothèses réalistes, qu’elle sera à même de faire face à tout moment à ses obligations actuelles et potentielles, pendant une période de vingt-quatre mois à compter du début de l’exploitation. Elle doit également prouver qu’elle est en mesure d’assumer les frais fixes et les dépenses d’exploitation découlant de ses activités sans avoir recours aux recettes tirées de son exploitation, pendant une période de trois mois à compter du début de l’exploitation».

La Sem Air Antilles doit en outre présenter le positionnement économique de son projet, détailler les prévisions de trafic et de recettes ainsi que la base sur laquelle sont établies ses dépenses et recettes prévisionnelles pour certains postes (carburant, tarifs, salaires, entretien, amortissement, redevances aéroportuaires et de navigation aérienne, coûts des services d’escale, assurances, etc.). Elle doit aussi détailler les frais de démarrage et la manière dont elle envisage de financer ces frais, ses sources de financement actuelles et potentielle et sa marge brute d’autofinancement prévisionnelle.

* Selon les activités, les licences peuvent aussi être délivrées par le préfet de région.

Estelle Gasnet