Serge Gumbs retrace l’histoire des « poilus saint-martinois »
Certains profitent de leur retraite pour se reposer après de nombreuses années à travailler, et d’obligations, tandis que d’autres l’utilisent pour voyager, découvrir le monde ou encore s’engager dans des associations. Pour Serge Gumbs, natif de Saint-Martin, la retraite était l’occasion de se consacrer pleinement, sans restrictions, à ce qui l’a toujours passionné depuis son enfance : l’histoire, chose à laquelle il n’avait pas eu le temps de s’adonner.
Depuis sa retraite, Serge Gumbs, a choisi d’utiliser ce temps à l’exploration de l’histoire des soldats saint-martinois qui ont combattu sur les lignes de front de la première guerre mondiale 1914-1918, appelée également Grande Guerre. Ainsi est né son premier ouvrage « Les poilu saint-martinois ».
Si le sujet du livre n’a rien à voir avec sa carrière d’enseignant dans les matières techniques professionnelles, l’envie d’apprendre et de partager ses connaissances avec le public ne l’a jamais quitté.
« Les livres d’histoires m’ont toujours intéressé le plus », confie-t-il. Ce n’est pas une coïncidence si Serge Gumbs s’est autant intéressé à l’existence des combattants saint-martinois, « inconnus pour certains » durant la Grande Guerre. Lorsque ce dernier était enfant, il avait un oncle qui venait souvent au domicile familial. « Cet homme pouvait avoir un comportement dur et à la fois extrêmement doux. Il pouvait s’emporter pour un rien comme être très calme. Quand il se comportait ainsi, ma mère me disait : ne vous inquiétez pas, c’est probablement la guerre », se souvient, Serge Gumbs.
« Ma mère, voyant à quel point j’y étais sensible, a demandé à mon oncle de me parler de la guerre. Mais il a rapidement changé la conversation et n’a jamais voulu en parler », explique-t-il. Son oncle se tut aussitôt et Serge Gumbs comprit qu’il ne fallait pas demander à un soldat de parler de cette Grande Guerre. « Elle ne l’avait jamais quitté, elle habitait encore en lui », constate-t-il.
À partir de là, Serge Gumbs se charge d'étudier le parcours des combattants de Saint-Martin. Dès sa retraite en 2015, une semaine plus tard, l’auteur prenait l'attache aux archives de Saint-Martin. Dans ses recherches, il part « à la rencontre de son oncle soldat », il y découvre qu’il y avait « beaucoup » de Saint-Martinois qui ont participé à 14-18 et personne « n’en parlait vraiment ».
À l’époque, il porte cette initiative à la directrice des archives territoriale de Saint-Martin qui s’intéresse à sa démarche. « Je lui transmets les notes que j’avais prises, elle me rappellera plus tard pour me dire de mettre ça sur papier ». Il était aussi convaincu qu’il fallait transmettre cette histoire à la portée du grand public. Il commence donc à travailler sur ce qu’il appelle à ce moment-là « son manuscrit ».
« Les poilus saint-martinois » résume le fruit de trois années de travail et de recherches. Durant cette période, Serge Gumbs enquête dans les archives de la Guadeloupe, mais aussi dans celles du château de Vincennes, celles de Bordeaux et d’Amsterdam. Un travail fort en émotion pour celui qui découvre des photographies, textes des combattants. En retraçant le parcours des soldats saint-martinois, ils croisent également la route de soldats guadeloupéens ou encore martiniquais avec des similitudes.Selon lui, les cicatrices de ce conflit subsistent encore sur l’île, pas forcément physiques, mais aussi psychologiques, ce qu’il considère tout aussi important. « Les familles sont les dommages collatéraux de la guerre, l’homme partait au combat et elles restaient », dit-il. « Saint-Martin a apporté sa contribution lors de la Grande Guerre, et la société saint-martinoise conserve encore aujourd’hui les stigmates de ces quatre années remplis de jours noirs et de nuits blanches. Le fait que les hommes soient partis au front a modelé en profondeur la structure de la société ».
Dans cet ouvrage, Serge Gumbs partage l’histoire du passé et de ses traces qu’elle porte aujourd’hui encore. Plus de cent trente poilus « ont été ramenés à la vie » à travers des photographies et documents illustrés dans le livre. « On ne peut pas donner de chiffres précis puisqu’il y a certainement des soldats que je n’ai pas croisés dans mes recherches, et certains d’entre eux ont pu prendre d’autres chemins », indique-t-il.
L’écrivain apporte dans son ouvrage un éclairage sur l’histoire de la première guerre mondiale et redonne la place qui leur revient aux combattants de la Caraïbe, contraints de servir cette lointaine France. Transmettre cette donnée était « essentiel selon lui ».
En conclusion, Serge Gumbs souhaite changer le narratif qu’on utilise pour parler de Saint-Martin. En effet, ce fruit de trois années de travail permet aux Saint-Martinois de connaître leur passé, leur histoire. Une œuvre remplie d’émotions « fortes » que l’auteur a voulu partager.
Par ailleurs, l’auteur prépare un second ouvrage, celle des Saint-Martinois durant la seconde guerre mondiale 1939-1944. «Beaucoup de soldats saint-martinois ont combattu tant dans l'armée française que l'armée américaine », précise Serge Gumbs. Pour ce second livre, il ne se limite pas dans le temps, « car dans les recherches, on ne sait jamais quand s’arrêter ».
La Collectivité de Saint-Martin propose une rencontre avec l’auteur demain, vendredi 24 mai à 18h30 pour la nouvelle édition « Coin des artistes » pour une séance de dédicace dans le hall de la COM.
Le livre "Les poilus saint-martinois", est disponible aux éditions Jasor et en vente à la librairie des îles et à la librairie du bord de mer ou sur le site de la fnac.com.