Alcool et kétamine au cœur d'une affaire d'accident de la route
Une affaire d’accident de la route impliquant une voiture et un scooter a été examinée par le tribunal correctionnel de Saint-Martin jeudi matin.
Aux alentours de 21h au niveau de la gare routière rue de Hollande le 19 mars 2023, un véhicule conduit par Y.C effectue une manœuvre pour tourner à gauche, coupe la circulation et entre en collision avec un scooter de type T-Max, dont le pilote est éjecté. Il conduisait alors qu’il avait bu de l’alcool (0,50 mg d'alcool par litre d'air expiré). Il est accusé en tant que conducteur d’avoir causé des blessures involontaires sous l’empire d’un état alcoolique.
Le pilote du scooter, M.J, a souffert de multiples fractures et reçu une ITT de 120 jours. Il est convoqué en tant que victime mais aussi en tant que prévenu car il n’était pas titulaire du bon permis de conduire pour piloter ce deux-roues. L’enquête a aussi révélé qu’il conduisait sans casque et sans assurance mais il n’est pas poursuivi pour ces faits. Plusieurs jours après l'accident, il a aussi été testé positif à la kétamine. Sur ce point, l’individu a expliqué qu’il avait consommé de la kétamine comme « un anti-douleur puissant pour atténuer ses blessures ».
A la barre du tribunal, Y.C. reconnaît les faits et exprime sa «profonde tristesse» à la victime. «J'ai subi un traumatisme durant cet accident. On a tous les deux été traumatisés par cet événement», confie-t-il. Il confie regretter avoir consommé de l’alcool avant de prendre le volant de sa voiture mais ne pense pas que ce soit «l’origine de l’accident». «J'ai pris toutes les précautions nécessaires avec les codes de vigilances. Je n’ai pas de problème avec l’alcool et je fais toujours attention sur la route», dit-il. Il affirme aussi avoir mis son clignotant.
La juge ne comprend pas comment il n’a pas vu le scooter arriver en face de lui. «Avant de tourner, j’ai regardé, mais je n’ai pas vu de scooter, je n’ai pas vu de lumière, je sais qu’à Saint-Martin les routes sont dangereuses et qu'il faut faire attention aux motocyclistes. Même si j’avais consommé de l’alcool, j’avais pleinement conscience de mes actes», explique-t-il.
De son côté, M.J reconnaît le fait qui lui est reproché, en l’occurrence l’absence de permis de conduire pour cette catégorie de deux-roues qu’il avait emprunté à un ami. Par contre il dément que son phare était éteint et que Y.C avait mis son clignotant.
Au vu des photographies de l’état de la moto et de la voiture après l’impact, la juge suppose que M.J devait rouler vite. Ce dernier répond qu’il roulait à 50 km. Son avocat ajoutera que les images de vidéosurveillance attestent que M.J ne roulait pas vite et que le phare du scooter était allumé.Y.C porte cinq mentions à son casier judiciaire pour notamment usage illicite de stupéfiants, recel, vol, lorsqu'il était «immature, jeune », une période qu’il dit avoir laissée derrière lui.
La victime qui n'a pas de casier judiciaire, ne peut plus exercer sa profession de chauffeur-livreur. Son avocat indique que cet accident a causé des séquelles graves à son client qui suit encore des soins. « Y.C a pu reprendre son travail au contraire de mon client qui ne sait pas si son employeur pourra continuer avec lui, vu l’état dans lequel il est », précise-t-il. Pour le conseil qui s’appuie sur le procès-verbal, «il est clair que les circonstances ont été causées par Y.C. La cause exclusive de l’accident, c’est d’avoir refusé la priorité à la victime. Y.C n’avait pas la maîtrise de son véhicule compte tenu de son état alcoolique », insiste l’avocat. M.J s’est porté partie civile.
En face, pour le conseil de Y.C , «cette affaire paraît simple, mais elle ne l’est pas ». «Les pièges dans ce type de dossier, c’est de considérer que les vérités sont établies, or il n’ y en a pas», estime-t-il. Pour l’avocat, c’est M.J qui est à l’origine de l’accident en ayant consommé de la kétamine, roulé trop vite sur un deux-roues sans feu avant. «Le scooter percute l’avant droit du véhicule de mon client, un détail important qui veut dire que mon client était déjà engagé et qu’il ne lui a pas coupé la route », estime-t-il. Il ajoute que sur les images de vidéosurveillance, «on ne voit le scooter que de derrière avec ses phares, mais pas de devant à l’approche. Pourquoi ? Parce que ses phares avant n’étaient pas allumés ».
Enfin, si le ministère public admet le problème des règles de sécurité au code de la route sur l’île, dans cet accident, les causes sont « multiples : refus de priorité, présence d’alcool et une victime qui en paie de sa chair ». Selon le vice-procureur, les faits sont caractérisés. Il requiert l’annulation du permis de conduire de Y.C avec l’interdiction de le passer dans un délai de quinze jours ainsi que quatre-vingt-dix jours d'amende à six euros. Pour la victime, il requiert trois cents euros d’amende assortie du sursis.
Le délibéré sera rendu le 13 juin prochain.