Elever le loup des Caraïbes à Saint-Martin, des étudiants ont analysé les possibilités
Elever des loups des Caraïbes dans des casiers au large des côtes de Saint-Martin. Utopie ou réalité ? Sur le papier, le projet est ambitieux mais réaliste. Il permettrait de créer une nouvelle filière, des emplois et une nouvelle richesse socioéconomique pour la partie française de l’île. Le loup des Caraïbes ou ombrine ocellée est une espèce de poissons adaptée à ce type d’élevage marin et appréciée par le consommateur. Mais. En pratique, la réalisation de ce projet semble complexe en raison de plusieurs contraintes. Tout dépend de la volonté de chacun.
La Collectivité réfléchit au développement de l’aquaculture sur son territoire. Dans le cadre de l’élaboration d’un schéma territorial, elle organise une consultation publique jusqu’au 2 octobre. Afin d’orienter les Saint-Martinois dans leurs observations, la COM met à leur disposition un rapport de 125 pages réalisé par un groupe d’étudiants de l’Istom, une école supérieure d'agro-développement international basée à Angers en métropole. Sept jeunes ont ainsi essayé de voir dans quelles conditions le développement de l’aquaculture était envisageable à Saint-Martin.
Ils se sont rendus sur le terrain et entretenus avec plusieurs acteurs socioéconomiques et représentants des autorités locales, ils ont alors pu apprécier le contexte et évaluer le potentiel d’une activité d’élevage d’organismes aquatiques (poissons, mollusques, crustacés, plantes, etc.) sur le territoire. Ils se sont posé deux principales questions : où l’aquaculture peut-elle être pratiquée à Saint-Martin ? Et en fonction, quels types de poissons ou autres peuvent être élevés et commercialisés ? Les étudiants expliquent que l’aquaculture en mer ou en étang doit satisfaire plusieurs conditions, notamment règlementaires, environnementales (houle, vent, vagues, salinité de l’eau, etc.) et socioéconomiques (il s’agit d’éviter des conflits entre les utilisateurs de la mer et de la côte).
Pour former leur liste des sites potentiels, ils ont d’abord éliminé toutes les zones sur terre et mer dites naturelles et protégées, c’est-à-dire celles qui sont gérées par la Réserve naturelle et celles qui appartiennent au conservatoire du littoral, car les activités ne sont pas compatibles. Ensuite, ils ont éliminé les secteurs impactés par les flux de sargasses et ceux soumis aux aléas de houle, vagues fortes, vent, grande turbidité qui pourraient endommager les casiers. Toute la ccôté Atlantique et la baie Nettle ont ainsi été effacées de la liste des sites potentiels. Les étudiants ont aussi supprimé de la liste les zones où l’activité humaine/économique était trop importante, soit toute la baie de Marigot (en raison des mouillages et du port), et où le risque de pollution était trop grand, soit le lagon de Simpson Bay.
A ce stade de l’étude, ni Oyster Pond, ni les Baie Lucas, de l’Embouchure, orientale , de Cul de Sac, de Marigot et ni la partie française du lagon sont jugés «défavorables» pour y implanter des élevages de poissons (zones en jaune sur la photo extraite du rapport). Restent alors l’anse Marcel, la baie de Grand de Case et les Terres Basses.Les étudiants émettent toutefois une réserve sur les Terres Basses à cause des risques éventuels de pollution liée à la présence de la station d’épuration. Pour la maintenir dans la liste des sites potentiels, ils recommandent «des études pour s’assurer de la qualité écologique et biologique de cette zone». Quant à l’anse Marcel et la baie de Grand Case, elles seront également retirées de la liste à cause d’un réel possible risque de conflits entre usagers de la zone (bateaux, jets ski, etc.), de la présence d’hôtels et, de fait, de la pollution générée. Concernant Grand Case, les étudiants avaient retenu la baie pour son côté «abrité» de la houle et des vents. A priori, ils n’ont pas été informés de la destruction par la houle de la fameuse piscine en mer matérialisées par des flotteurs, au début des années 2010.
Au final, la «zone potentiellement propice » (ZPP) ne se situe qu’au large des côtes sur quelque 102 326 kilomètres carrés. En sachant qu’à l’intérieur de cette zone, il faudra en outre tenir compte de la circulation maritime (ferries, etc.).Concernant les espèces qui pourraient être élevées, les étudiants avaient pré-sélectionné en amont de leur étude l’ombrine ocellée (ou loup des Caraïbes), le tilapia, la crevette, le lambi, les algues (en raison d’une forte hausse de consommation) et les huîtres. Mais après avoir éliminé les sites de production un par un, ils ont retenu prioritairement le loup des Caraïbes pour «sa rusticité et son adaptabilité ».
«La pisciculture artisanale, centrée sur l’ombrine ocellée, est identifiée comme essentielle pour le développement de la filière aquacole à Saint-Martin » par les étudiants de l’Istom. Les poissons seraient élevés dans des «cages flottantes flexibles» et, au départ, «les alevins fournis par les écloseries de Martinique et/ou de Guadeloupe». Les poissons pourraient ensuite être transformés au sein de l’abattoir à Grand Case, ont pensé les étudiants, il suffirait de mentionner dans le cahier des charges d’agrandissement de l’établissement, cette volonté de mise en place d’un atelier de transformation, notent les étudiants dans leur rapport.
Pour ces derniers, le développement d’une pisciculture artisanale est faisable, en sachant que le loup des Caraïbes est déjà élevé en Martinique et en Guadeloupe mais encore très peu consommé à Saint-Martin.
Jusqu'au 2 octobre, la population peut émettre des observations et commentaires quant à ces choix et à l'intérêt de développer l'aquaculture à Saint-Martin en cliquant ici.