Dotation de compensation : nouveau revers de la COM devant le Conseil d’Etat cette fois
Après avoir vu ses demandes de condamner l’Etat à lui verser une indemnité de 71 233 713 euros (suite à un mauvais calcul de la dotation globale de compensation) par le tribunal administratif de Saint-Martin, la cour administrative d’appel de Bordeaux, la collectivité vient de voir sa requête rejetée par le Conseil d’Etat.
Rappel du contexte
En devenant une collectivité d’outre-mer au sens de l’article 74 de la Constitution, Saint-Martin a conservé ses compétences de commune mais a aussi obtenu celles de Département et de Région ainsi qu’une partie de celles de l’Etat. Ce transfert de compétences s’est accompagné d’un accompagnement financier, précisément une dotation globale de compensation lui a été attribuée. Le montant de celle-ci a été fixé par un arrêté signé par les ministres du Budget et des Outre-mer le 22 avril 2011.
Chaque mois, l’Etat doit verser à la COM cette dotation (parmi d’autres) pour qu’elle puisse assurer ces compétences obtenues. Or, la COM soutient que le montant n’a pas été calculé sur de bonnes bases et est donc faussé. Afin qu’il soit corrigé et afin d’être indemnisée du préjudice ainsi subi, la COM s’est lancée dans une guerre judiciaire contre l’Etat.
Conseil constitutionnel, Conseil d’Etat, tribunal administratif de Paris
En 2016, elle a saisi le conseil constitutionnel pour lui demander si les modalités de calcul du montant de la dotation de compensation étaient conformes ou non à la Constitution française ; le conseil constitutionnel a répondu oui.
Elle avait aussi en 2016 formé un recours pour excès de pouvoir et demandé au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêté d’avril 2011 fixant le montant de la dotation ; le Conseil d’Etat avait indiqué que la décision n’était pas de son ressort, mais de celui du tribunal administratif de Paris. Selon ce dernier, la COM «a déclaré se désister de ce recours» et c’est ainsi que l’arrêté d’avril 2011 fixant le montant de la dotation a été rendu définitif par une ordonnance en décembre 2016.
Dans la justice française, dès lors qu’une décision ayant un objet exclusivement pécuniaire est devenue définitive - ce qui est le cas de l’arrêté 2011 puisqu’il ne fixe que le montant de la dotation - toute demande de révision présentée devant la juridiction administrative après, est qualifiée d’irrecevable.
Autrement dit, sans avoir contesté l’arrêt en 2011 comme elle le pouvait et comme celui-ci a été rendu définitif en 2016, à partir de cette date, la COM n’avait plus la possibilité d’introduire en justice une quelconque demande de révision et/ou indemnitaire.
Tribunal administratif de Saint-Martin et cour administrative d’appel
Néanmoins, la COM a persisté et insisté en précisant qu'il s'agissait, non pas «d'un désistement d'action, mais d'un désistement d'instance». Elle a saisi le tribunal administratif de Saint-Martin en août 2017 pour demander la condamnation de l’Etat à lui verser 71,23 millions d’euros. Essuyant un refus en mars 2020, elle a fait appel du jugement auprès de la cour administrative d’appel de Bordeaux. Mais celle-ci, en avril 2023, a confirmé la décision du tribunal de Saint-Martin, indiquant notamment que la COM avait dépassé le délai pour contester l’arrêt de 2011.
La COM s’était défendu en arguant avoir eu connaissance de la sous-évaluation de la dotation qu’à «la réception d'un rapport d'observations provisoires établi le 17 janvier 2017 par la chambre territoriale des comptes de Saint-Martin». Aussi ne pouvait-elle pas contester plus tôt l’arrêté de 2011 rendu définitif en 2016. Mais pour la justice, «une telle circonstance n'est pas de nature à rouvrir le délai de recours contentieux aux fins d'annulation de cet arrêté».
Le 18 octobre, le pourvoi de la collectivité de Saint-Martin a été rejeté par le Conseil d’Etat.