Tribunal judiciaire ou de proximité : quelle est la différence pour Saint-Martin
Jeudi dernier, le ministre en charge des outre-mer, François-Noël Buffet, a confirmé au député Frantz Gumbs que le garde des sceaux avait reçu une proposition des chefs de cour de Guadeloupe de créer un tribunal judiciaire à Saint-Martin et indiqué une éventuelle concrétisation en 2026. Que cela signifie-t-il ? Qu’est-ce qu’un tribunal judiciaire ? Quelles sont les compétences du tribunal actuel à Saint-Martin ? Éléments de réponse.
Le contexte actuel
- Chambre détachée
Jusqu’en 2015, Saint-Martin disposait d’un tribunal d’instance dépendant entièrement du tribunal de grande instance de Basse-Terre. Le 1er janvier 2016, ce tribunal d’instance a été transformé en chambre détachée du TGI de Basse-Terre.
Cela a permis d’élargir les compétences du tribunal et de lui donner davantage d'autonomie par rapport au TGI de Basse-Terre. Certaines procédures ont été facilitées et les va et vient avec la Guadeloupe réduits. Ces compétences ont été de nouveau élargies en septembre 2018 à toute la matière civile et pénale.
Solliciter l’aide juridictionnelle, entamer une procédure de divorce, faire appel d’un jugement, etc., sont autant d’exemples de procédures qui sont devenues possibles de faire directement à Saint-Martin et non plus à Basse-Terre grâce à la création de la chambre détachée. Son ouverture s’est aussi accompagnée d'un renfort des effectifs avec notamment un vice procureur supplémentaire et neuf fonctionnaires et cinq nouveaux magistrats. Toutefois, les deux vice procureurs en poste à Saint-Martin sont toujours sous l’autorité du procureur de Basse-Terre.
- Tribunal de proximité
En 2020, le gouvernement a entamé une révision de l’organisation judiciaire en France, Saint-Martin et Basse-Terre ont été concernées.
Selon la réforme, le tribunal de grande instance (TGI) et les tribunaux d’instance (TI) situés sur une même commune ont fusionné pour devenir une seule et même juridiction : le tribunal judiciaire. C’est ce qui s’est passé à Basse-Terre. Depuis 2020, on ne parle plus du TGI ou du TI de Basse-Terre mais du TJ ou tribunal judiciaire de Basse-Terre.
Quant au tribunal d’instance dépendant du TGI mais qui se trouvait sur une autre commune, il est devenu avec la réforme, une chambre détachée du tribunal judiciaire et est appelé tribunal de proximité. Tel est le cas de la chambre détachée de Saint-Martin, elle est devenue un tribunal de proximité.
Les compétences du tribunal de proximité
Il traite les affaires civiles et pénales, exerce les fonctions relevant des compétences du juge des enfants et du juge des libertés et de la détention.
En matière civile sont jugés à Saint-Martin les litiges dont la valeur est inférieure à 5 000 €. En matière pénale sont examinées à Saint-Martin les affaires du tribunal de police ainsi que les délits, les prévenus peuvent être condamnés à de la prison ferme. Toutes les audiences se déroulent à Saint-Martin en présence des magistrats, vice procureur et greffiers en poste à Saint-Martin.
Les comparutions immédiates se passent également à Saint-Martin, sauf exception. Par contre, si un prévenu demande un délai supplémentaire pour préparer sa défense et si, dans l’attente de son procès, il est placé en détention provisoire, il est transféré en prison en Guadeloupe où il sera jugé, sauf s’il accepte d’être jugé en visioconférence par le tribunal de Saint-Martin.
Tous les procès en appel et ceux relevant de la cour d’assises sont, et seront, toujours tenus en Guadeloupe. De même, le tribunal de commerce et le Conseil des Prud’hommes sont en Guadeloupe. Concernant le tribunal administratif, il existe le TA et de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy indépendant du tribunal administratif de Guadeloupe mais physiquement et matériellement, ce sont les mêmes magistrats qui siègent dans les deux tribunaux. Une à deux fois par an, ils tiennent des audiences à Marigot.
Tribunal judiciaire
Doté le territoire d’un tribunal judiciaire lui permettrait d’avoir un tribunal dont le siège est à Saint-Martin, et totalement indépendant même si aujourd’hui la quasi totalité des procédures se déroule déjà à Saint-Martin. Cela permettrait aussi d’avoir un parquet siégeant à Saint-Martin ; aujourd’hui, pour rappel, seuls les deux vice procureurs sont en poste permanent à Marigot, le procureur est à Basse Terre.
L’intérêt également d’avoir un tribunal à part entière serait pour Saint-Martin de pouvoir demander à disposer aussi d’une maison d’arrêt ; dans tous les territoires, les deux équipements sont associés. Et c’est ce que réclament les élus depuis plusieurs années.
Dans les années 2010, l’idée de construire une prison avait été toutefois écartée par l’Etat en raison notamment du coût (environ 60 millions d’euros sans compter les coûts annuels de fonctionnement). Aussi avait-il été suggéré de construire plutôt un centre qui accueillerait les personnes détenues en fin de peine, voire celles qui purgent de petites peines d’emprisonnement. L’idée n’a jamais été concrétisée. Le palais de justice ayant été endommagé par le passage de l’ouragan Irma, les efforts étatiques s’étaient alors portés sur sa rénovation et la réhabilitation de la l’ancienne bibliothèque municipale en chambre détachée.
Outre le financement d’une prison, le choix du lieu devait se révéler tout aussi délicat et compliqué, rares sont les résidents d’un territoire qui acceptent de voir se construire une maison d’arrêt ou établissement similaire, près de chez eux. Cependant, la détention provisoire de courte durée a été rendue possible à Saint-Martin.
Détention provisoire à Saint-Martin
Le vice procureur peut décider à l’issue de la garde à vue d’un individu, de le placer en détention provisoire dans l’attente de son procès. Jusqu’en 2016, la détention provisoire était effectuée systématiquement en Guadeloupe pour des raisons techniques, ce qui signifiait que le prévenu était jugé automatiquement en Guadeloupe.
Depuis, il est possible de placer un individu en détention provisoire pendant trois jours maximum à Saint-Martin, dans l’attente d’un procès en comparution immédiate.