02.01.2025

Le Goût du Vin : comment est né le caviste

PORTRAIT. Daniel Passeri est aujourd’hui le gérant du groupe Les Grands Vins de France, qu’il a fondé. Cependant, il a débuté son parcours professionnel bien plus tôt à Saint-Martin, dans la restauration.

Daniel Passeri est bourguignon, plus précisément dijonnais. Il est diplômé d’une école hôtelière. Très jeune, il n’a qu’une idée en tête, travailler pour gagner sa vie. Après avoir effectué deux saisons en métropole, il décide de traverser l’Atlantique.

Fin des années 1970, son frère, alors gérant du restaurant La Bouillabaise à Philipsburg, lui propose d’intégrer l’équipe. C’est ainsi qu’il débute, en tant que cuisinier en décembre 1978, sa carrière professionnelle sur la friendly island.

Il est en cuisine matin et soir, sept jours sur sept. « A l’époque, j’avais 20 ans, j’étais tellement content, l’après-midi on restait au restaurant, on avait la plage pour nous, on se baignait, c’était juste magique ! On gagnait très très bien notre vie. On ne dépensait strictement rien car on était nourri, et on avait un petit appartement où on n’était que pour dormir. On passait tout notre temps au restaurant».

Puis, fin août 1979, il y a les ouragans David et Frédéric. «Il y a eu tellement de pluie, nous avons été tellement inondés, que Philipsburg était devenue une île. Tous les restaurants n’ont pas eu le choix de fermer» raconte t-il. Lui-même, ainsi que sa femme qui l’avait suivi un an plus tôt et qui avait trouvé une place au sein du même restaurant, se retrouvent sans emploi. Par un heureux hasard, Daniel Passeri va sympathiser avec les propriétaires d’un restaurant vietnamien ; une rencontre qui va marquer un nouveau tournant dans sa vie. «Quand je suis arrivé à Saint-Martin, 100 % du business se trouvait à Philipsburg», se souvient Daniel Passeri. «Marigot et Grand Case comptaient deux trois restaurants. Il y avait notamment le Fish Pot’, chez Christophine, tenu par une femme formidable, et c’est à peu près tout », poursuit-il. Et il y avait aussi le Hoa Mai à Grand Case, dont les propriétaires vietnamiens étaient convaincus qu’«il y avait tout à faire » à Grand Case.

Ni une, ni deux, avec son épouse ils saisissent leur chance et ouvrent leur propre restaurant à Grand Case. «On avait loué un rez-de-chaussée, laissé à l’abandon. On a tout refait à nos frais, on est même rentré en métropole pour acheter de la vaisselle,» se rappelle Daniel.

L’Auberge Gourmande ouvre le 13 décembre 1979. La première année, le couple reconnaît avoir « bricolé », il n’empêche que «les clients étaient très contents». « La deuxième saison a été meilleure. A l’époque, on n’avait pas les réseaux sociaux ni même le téléphone pour prendre les réservations. Alors les clients, surtout les Américains, revenaient d’année en année à la même période, ça se faisait comme ça à ce moment là », se remémore t-il.

La troisième année marque un véritable tournant grâce à un journaliste américain en vacances sur l’île. «Il venait dîner chez nous, mais il ne s’était pas fait connaître. Puis il a écrit cinquante lignes dans New York Times et là, ça nous a fait un beau coup de boost. On a super bien travaillé ensuite, on était plein tous les soirs, on recevait du courrier pour des réservations », raconte Daniel Passeri qui n’a pu installer une ligne téléphonique qu’en 1985.

Une aventure collective et humaine
Le restaurateur s’accorde à dire que « la réussite de l’Auberge a reposé sur le travail d’une équipe soudée ». Et de citer : « José et Jean-Claude, deux personnes qui n’avaient rien à voir l’une avec l’autre au départ, sont pourtant devenus inséparables ; ma femme qui savait prendre soin des clients et ma cuisine. Encore aujourd’hui, certains Américains demandent où est Jean-Claude ! » Il conserve de beaux souvenirs et anecdotes amusantes : «Un jour, deux hommes voulaient réserver deux tables pour le soir : une pour eux et une pour Monsieur Nixon (ex président des Etats-Unis à l’époque) et sa femme. Et bien Jean-Claude, rigoureux dans son travail, voire un peu rigide, a refusé la réservation car on était complet !»

Il reste chef cuisinier de L’Auberge Gourmande jusqu’à l’ouverture de son second restaurant, situé… juste en face. Un jour, un bâtiment avec vue sur mer est mis en vente. Avec son épouse, il décide de l’acheter, le rénove entièrement et y crée le Tastevin. «C’était pratique d’avoir les deux restaurants l’un en face de l’autre pour les gérer », confie Daniel Passeri, qui embauche son ami cuisinier Gilles pour le remplacer à L’Auberge.

Dans le milieu des années 1980, il va faire une autre rencontre qui va impacter sa carrière professionnelle. En 1986, il fait la connaissance d’un distributeur de vin basé dans le Sud-Ouest de la France, et qui vendait des conteneurs de vin à des restaurateurs et hôteliers de Saint-Barth et Saint-Martin. Le restaurateur lui achète un conteneur pour approvisionner ses deux restaurants.

Deux ans plus tard, le distributeur revient à Saint-Martin. Daniel lui confie une nouvelle idée : ouvrir un bar à vin avec son ami Philippe. Son idée continue de germer jusqu’au jour où, il commande cinq conteneurs de vin. Une nouvelle affaire est lancée.
 

La naissance des "Grands Vins de France"
En 1988, il créer d’abord une activité de grossiste destinée les professionnels, dans un premier temps à Saint-Martin, puis à Saint Barth en 1991 et enfin à Anguilla en 1994. « Les Grands Vins de France » sont nés. Daniel Passeri n’oublie pas les particuliers, il ouvre les boutiques « Le Goût du vin ». La première voit le jour en 1991, rue de l’Anguille à Marigot. Une autre suit à Gustavia, à Saint-Barth, puis une dernière à Anguilla en 1994.

Cette même année, «la grande année» comme il aime l’appeler, il recrute un commercial, Jean-Luc (aujourd’hui à la boutique de Hope Hill), pour développer les ventes dans les autres îles de la Caraïbe, comme Antigua, Saint-Kitts, Nevis, et bien d’autres. « Aujourd’hui on couvre vingt îles dans la caraïbe » confit-il.

L’essor de cette nouvelle activité contraint Daniel à faire des choix. Ne pouvant plus gérer ses deux restaurants, il les vend à des employés : L’Auberge Gourmande en 1991 et Le Tastevin en 1998.

Un retour aux sources
En 2000, Daniel décide de rentrer en métropole tout en continuant de gérer les achats pour son entreprise. Onze ans plus tard, il retourne dans sa ville natale et se dit : « Pourquoi je n’ouvrirais pas une petite boutique ici ? » Ainsi, tout comme à Marigot, Dijon accueille sa propre boutique Le Goût du Vin.

Aujourd’hui, l’entreprise compte cent cinquante fournisseurs à travers le monde, emploie vingt-cinq personnes dans les quatre magasins aux Antilles et vingt-trois dans les trois à Dijon. «Les boutiques, c’est le sommet de la pyramide. Mais l’ADN de la société c’est de fournir les restaurateurs » conclut Daniel.

*Au même emplacement se trouve aujourd’hui l’hôtel Hevea.

Angélique Roy