L'EEASM doit établir une servitude pour le passage de canalisations sur des terrains privés aux Terres Basses
Entre les plages de Baie Longue et Baie aux Prunes aux Terres Basses se situe la station d'épuration (STEP) de la Pointe du Canonnier. Il s'agit d'un ouvrage public construit sur une parcelle appartenant à la Collectivité*. Gérée par l'établissement des eaux et de l'assainissement de Saint-Martin (EEASM), cette STEP reçoit des eaux usées via des canalisations. Celles-ci traversent le sous-sol de plusieurs terrains du lotissement privé.
Selon l'association syndicale libre (ASL) des propriétaires de Terres Basses, ces canalisations constituent une emprise irrégulière de son sous-sol par l'EEASM dans la mesure où aucune convention n'a été signée entre l'ASL et l'EEASM, aucun accord n'a été donné pour qu'elles traversent les parcelles, exactement six selon l'ASL. L'EEASM, lui, a une autre vision de la situation : selon lui, ces canalisations constituent des réseaux privatifs appartenant à l'ASL et desservent les propriétaires des parcelles du lotissement des Terres Basses. Le litige existe depuis plusieurs années.
Campant sur sa position, l'association des propriétaires a mis en demeure l'EEASM en mai 2023 de régulariser la situation. Sans effet. Aussi s'est-elle tournée vers le tribunal administratif de Saint-Martin pour constater l'emprise irrégulière des tuyaux d'une part, d'enjoindre l'EEASM d'instituer une servitude d'autre part. L'affaire a été reçue et son instruction a été clôturée en avril cette année. Pour trancher, le tribunal administratif doit dire si oui ou non les canalisations sont publiques. Si oui, une servitude doit être instaurée, si non, il n'y a pas d'emprise illégale et donc aucune convention doit être conclue entre les deux parties.
L'ASL a acquis entre 1991 et 1997 plusieurs parcelles formant les lots communs, les routes et comportant les équipements et réseaux divers du lotissement ; parmi ces parcelles quatre font l'objet du débat. Selon l'EEASM, les canalisations sont dans le sous-sol de ces parcelles privées, donc elles ne sont pas publiques et appartiennent à l'ASL.
Le tribunal administratif a consulté le plan du réseau d'eau des Terres Basses datant de 2016 et le rapport de présentation de la société d'aménagement urbain et rural datant de 2020, et constaté l'implantation en sous-sol (ou en partie) de trois parcelles (et non six comme suggéré par l'ASL), de canalisations de refoulement et de distribution d'eau desservant la station d'épuration de la Pointe du Canonnier. Pour le tribunal, «ces canalisations sont directement affectées au service public d'évacuation des eaux usées, dont l'EEASM est chargé de l'exploitation, et présentent ainsi le caractère d'un ouvrage public». Dans ce genre de situation, l'EEASM aurait dû soit accomplir une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit instituer des servitudes selon le code rural ou selon un accord amiable avec l'ASL pour implanter dans des terrains privés ces canalisations. Or, rien n'a été fait.Le tribunal administratif reconnaît que ces canalisations publiques empiètent irrégulièrement trois parcelles privées dans le lotissement. Il considère que la mise en place d'une servitude selon un accord amiable ne peut être imposée aujourd'hui puisque des démarches similaires ont été envisagées en 2021 mais n'ont pas abouti «malgré l'accord de principe de la COM et de l'EEASM». De plus, «l'EEASM est resté silencieux face à la mise en demeure adressée par l'association en 2023» et «ne reconnaît pas la qualité d'ouvrage public des canalisations litigieuses», relève le tribunal pour qui aussi, la procédure de l'expropriation pour cause d'utilité publique «apparaît disproportionnée par rapport aux enjeux».
Ainsi, Le tribunal administratif le tribunal administratif a condamné l'EEASM à «procéder à la régularisation de l'emprise irrégulière» en imposant une servitude conférant à l'EEASM le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés et ouvrant droit à une indemnité. Ce montant doit être fixé dans un délai de six mois à compter de ce jugement rendu le 30 juin ; il doit être fixé conformément aux dispositions en vigueur en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique et couvrir le préjudice subi par la réduction permanente du droit des propriétaires des terrains grevés.
* La STEP avait été construite à l’époque par la mairie (et maîtrise d’œuvre de la Semsamar) sur ce terrain qui n’appartenait pas à la COM. Or, quand celle-ci a demandé des fonds européens pour financer une partie de sa rénovation, il a été découvert que la COM n’était pas propriétaire du terrain. C’est pourquoi l’acquisition a été faite au prix de 385 000 euros en 2017.
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