La borne anti-moustiques bientôt dans la Caraïbe ?
En réduisant de 88% le taux de piqûres de moustiques, TechnoBAM a de quoi révolutionner la vie des habitants de la Caraïbe, sans pour autant nuire à l’écosystème. La Start-up créée en 2014 par Simon Lillamand et Pierre Bellagambi a démarré son activité commerciale en juillet 2015. Les deux amis d’enfance originaires de la Camargue étaient reçus le 6 décembre par Ségolène Royal, et devraient bénéficier du soutien du ministère de l'écologie pour se déployer à l’international. Ils participaient par ailleurs à la COP22 à Marrakech en novembre dernier. Ils ont déjà équipé de leurs bornes anti-moustiques (BAM) les villes de Monaco, Marseille et bientôt Saintes-Maries-de-la-Mer. Interview de Pierre Bellagambi.
Comment fonctionne la borne anti-moustiques ?
La femelle moustique pique pour l’apport en protéines qui lui permet de porter ses œufs à maturation. Elle va être attirée par ce que les mammifères à sang chaud expirent. Nous lui proposons un simulateur expiratoire composé de dioxyde de carbone et de phéromones, pour qu’elle se déplace jusqu’à la borne. Des leurres olfactifs, imperceptible au nez humain, et un gaz naturel issu fermentation de blé. Et là elle est prise au piège grâce à un système d’aspiration. L’appareil agit dans un rayon de 60 m, soit une surface d’un hectare.
Quels sont ses résultats ?
Le pourcentage de réussite de la borne est évalué par rapport à un taux de nuisance, en l’occurrence, de tentatives de piqûres. Tous les jours des scientifiques quantifient le nombre de tentatives de piqûres qu’ils ont subies. Le résultat c’est qu’en zone protégée, ils ont 88% de tentatives de moins qu’en zone non protégée.
Le résultat est-il durable dans des zones géographiques où l’activité des moustiques n’est pas aussi saisonnière qu’en métropole ? Est-ce que cela marche aussi avec le moustique tigre ?
Le jour où les moustiques ne seront plus intéressés par notre machine c’est qu’ils ne seront plus intéressés par l’être humain ! Ce qui n’est pas le cas des produits chimiques parce qu'ils induisent une résistance...Nous avons également testé la borne sur le Aedes aegypti (le moustique tigre présent aux Antilles, vecteur du zika, de la dengue et du chikungunya, ndlr) en Polyénesie française et au Congo. Et il est lui aussi attiré par la borne. Le moustique tigre est hyper adapté à la vie humaine et urbaine grâce à sa capacité à repérer des cavités dans lesquelles il voit des gites larvaires potentiels - ce qui lui permet de voyager dans des pneus par exemple. Contrairement aux autres moustiques qui pondent directement dans la nature.
Comment avez-vous eu l’idée de cette borne ?
La genèse du projet c’était d’arriver à traiter la nuisance des moustiques là où vit l’être humain (zones urbaines, touristiques etc) et laisser en paix ceux qui jouent leur rôle dans la nature (base de la chaîne alimentaire, et de façon plus minime, pollinisation).
Vous avez présenté la borne anti-moustiques à Tahiti en novembre 2015, pourquoi vouloir vous implanter dans la Caraïbe ? Avez-vous déjà commencé à démarcher les collectivités ?
On cherche à s’implanter dans la Caraïbe pour répondre à la problématique des moustiques qui y est très importante. Nous avons essayé dans le passé de trouver des entrepreneurs qui soient à la fois capables de commercialiser notre produit, de l’installer et d’en assurer l’entretien mais ne sommes pas tombés sur les bonnes personnes. Nous avons donc mis l’idée en parenthèses pendant quelques temps et maintenant que la période est propice (fin de la saison des moustiques en métropole), nous allons la réactiver.
Quel est le profil des personnes avec lesquelles vous aimeriez travailler ?
Pour l’instant nous travaillons surtout avec des entrepreneurs spécialisés dans les 3D (Désinfection, Désinsectisation, Dératisation) parce qu’ils connaissent les problématiques des nuisibles. Et parce que le fonctionnement de notre produit génère une récurrence de passages. En moyenne, il faut changer le filtre une fois par mois, ou toutes les deux semaines, selon l’utilisation, ainsi que la bouteille de gaz.
Quel serait le coût pour équiper de bornes tout le territoire français de Saint-Martin (53,2km2) ?
C’est impossible à dire comme cela, il faut travailler en fonction de la géographie du territoire. Mais à titre d’exemple pour protéger l’ensemble des trois villes Port-St-Louis du-Rhône, Salin-de-Giraud et Saintes-Maries-de-la-Mer, il faut compter 350 appareils soit 900 000 euros d’investissement et 350 000 euros d’entretien par an. En comparaison, ces villes dépensent en traitements chimiques 1, 2 millions d’euros par an, sans parler de l’impact sur la biodiversité. Les traitements adulticides utilisés habituellement (en plus des traitements larvicides) n’ont pas qu’un impact sur la vie des moustiques mais également sur celle des abeilles et des autres espèces, ainsi que sur la santé des humains.
Crédits photos : TechnoBAM