13.04.2016

Comment rentabiliser la gestion des déchets ?

L’entreprise Verde SXM assure la gestion de l’ensemble des déchets de la partie française.

«Il y a dix ans, le tri c’était un trou et on brûlait» résume Patrick Villemin le directeur de Verde Sxm. L'entreprise exploite depuis 2006 le site des Grandes Cayes et assure la gestion de l’ensemble des déchets de la partie française de l’île. Elle emploie quinze salariés, majoritairement Saint-martinois. Aujourd’hui, deux types de déchets sont recyclés sur place : les déchets des espaces verts pour en faire du compost (Swalighumus), et le verre qui est broyé et transformé en gravier transparent (Swaliglass). Le reste est en général envoyé en Europe directement ou indirectement. Et les déchets ménagers (poubelle noire) sont enfouis sur l’île. Les huiles usagées partent près du Havre, tandis que le contenu des poubelles jaunes (plastique, carton, etc) est trié en Guadeloupe avant d’être transporté en France et ailleurs. Quant à la ferraille (vélos, tôles, démontage des VHU,…), elle est d’abord acheminée côté hollandais, puis en Espagne. Les grands cartons viennent pour la première fois d’être envoyés en Chine. Les câbles sont conduits dans le Nord de la France au prix du marché.

La difficulté consiste à trouver une filière pour revaloriser les déchets. «En métropole les acheteurs sont intéressés parce qu’il y a de grandes quantités. Mais ici c’est tout petit. Cela requiert beaucoup de diplomatie pour que, malgré sa taille, Saint-Martin apporte sa pierre à l’édifice» explique Patrick Villemin. Avec des volumes insuffisants, le recyclage ne permet pas de gagner grand chose. Certaines filières ne rapportent pas du tout : le transport de la ferraille coûte 150€/tonne, pour un prix de rachat à 140€/tonne. D’autres se sont écroulées. C’est le cas notamment de l’huile de moteur fabriquée à partir de pétrole. Lorsque le prix du baril était à 110$, l’huile usagée était rachetée 200 € la tonne. Le baril est aujourd’hui passé à 30$ et l’huile recyclée n’intéresse plus grand monde. L’ADEME soutient la filière en augmentant ses aides.

DE GROS INVESTISSEMENTS

D’un point de vue économique strict, le recyclage sur l’île est donc peu rentable. Cela fonctionne parce que Verde Sxm recycle l'ensemble des déchets valorisables et qu’une activité en compense une autre. Ce qui entraîne forcément quelques obligations : «je ne peux pas me permettre de ne pas traiter un type de déchets». D’un point de vue environnemental, l’intérêt est discutable puisque pour acheminer les déchets il faut consommer du fuel. Un paradoxe que Patrick Villemin relève lui-même tout en reconnaissant : «si les déchets ne sont pas recyclés, leur quantité augmente, et on se retrouve avec un problème de place et de pollution locale». Il rappelle à titre d’exemple qu’un litre d’huile jetée au sol en pollue durablement 1m3 et qu’on produit 80 m3 d’huiles usagées par an à Saint-Martin. Selon lui, inciter les gens à recycler les entraîne à réduire leur quantité de déchets. Un cercle vertueux qui responsabilise le consommateur.

Toutes les activités du site sont très encadrées et respectent le code de l’environnement. La société a reçu l’autorisation de la préfecture pour son activité de recyclage. Elle est sous contrat avec la COM pour l’enfouissement des déchets ménagers. L’ensemble du site est donc complètement autorisé. «On arrive à vivre puisqu’on est là, mais ça a été très lourd à mettre en place» affirme Patrick Villemin avant d’ajouter : «il a fallu de gros investissements de notre part pour le recyclage (et de la part de la COM pour le stockage) avec l’aide importante de l’ADEME et du FEDER».

AUGMENTER LES VOLUMES

En tout, l’entreprise a reçu environ 45 % de subventions pour financer une partie des équipements. Aucune pour l’exploitation, mais elle reçoit pour fonctionner des aides indirectes. Pour le ramassage des VHU par exemple, la COM paie jusqu’en juillet le transport des carcasses vers le site et l’ADEME finance le recyclage, afin que cela soit gratuit pour l’usager. Patrick Villemin parle alors de « transfert de prise en charge ». Au mois de mars, ce sont ainsi une soixantaine de véhicules hors d’usage qui ont été recyclés. «On vise 80 par mois» confie le directeur qui considère par ailleurs qu’il faudrait trouver des idées innovantes pour améliorer la gestion des déchets. «On est toujours à l’affût d’une meilleure solution pour que la filière soit plus rentable et donc pérenne. Mais on ne collabore qu’avec des recycleurs qui ont pignon sur rue et des sociétés enregistrées : la norme ISO 1401 élimine obligatoirement les magouilleurs» assure-t-il. L’entreprise dont l’activité est encore limitée a désormais pour objectif d’augmenter les volumes de déchets à recycler.

Fanny Fontan