Comment accéder à internet sept mois après Irma ?

«Je viens là une fois par semaine pour consulter mes mails et parfois aussi un peu Facebook», confie Emma, adossée à la vitrine d’une boutique, rue de la République. Habitante de Sandy Ground, elle n’a, à l’instar de la moitié des abonnés internet de l’île, plus de connexion à son domicile depuis le 6 septembre 2017.

Comme elle, ils sont des dizaines à venir, souvent tous les jours,  dans cette rue de Marigot ou au rond point de Hope Estate, pour jouir gratuitement des hot spots  (borne Wifi) qu’ont ouvert les différents opérateurs de l’île après le passage du cyclone.

Avant, même si une poignée d’entreprises proposait des solutions par satellite, la majorité des clients internet fixe optaient pour l’ADSL. A Saint-Martin, 80% du réseau commun aux différents opérateurs (Orange, Dauphin, Canal+ Télécom et Digicel),  administré par l’opérateur historique, utilisaient les poteaux EDF.  Mais Irma a détruit 50% des lignes téléphoniques en cuivre par lesquelles passait l’ADSL. Et les opérateurs, la moitié de leurs abonnés téléphone et ADSL.

Si le réseau souterrain a quant à lui été plutôt épargné, Orange a annoncé début décembre avoir décidé de ne pas redéployer son réseau aérien pour se concentrer sur l’installation de la fibre optique. C’est pourquoi depuis Irma aucun opérateur n’est en mesure de procéder à une ouverture de ligne. De plus EDF a refusé, pour des raisons de sécurité, de partager ses poteaux.

Avant que toute la population ne soit raccordée à la fibre, il va falloir s’armer de patience. Orange veut commencer par Quartier d’Orléans. Il prévoit de raccorder ses premiers clients avant Noël prochain, et les derniers en 2020. « Quand on aura tout fibré à 100%, Saint-Martin sera LE territoire de référence, vis-à-vis de la Caraïbe, mais aussi de la métropole » annonce, optimiste, Frédéric Jarjat, coordinateur Orange pour la reconstruction de Saint-Martin. Philippe Morel, directeur marketing et commercial chez Dauphin Télécom est plus prudent : «il y en a pour plus de quatre ans avant que toute la population soit raccordée».

Dauphin a déjà déployé 300 kilomètres de fibre tout autour de la partie française. «Les zones Aventura (Hope Estate) et Pic Paradis (au-dessus de la Loterie Farm) sont raccordées, et on développe celle de Bellevue», ajoute-t-il en précisant travailler avec les aménageurs fonciers et les agences immobilières afin de déployer la fibre le plus possible dans les résidences en construction.

Depuis la mi-mars, et la remise en état de quelques répartiteurs notamment, les habitants les plus chanceux, c’est-à-dire dont la ligne est enfouie de bout en bout, peuvent rouvrir cette ligne et bénéficier d’une connexion ADSL. Pour savoir s’ils sont éligibles, il doivent se rendre en boutique afin qu’un conseiller effectue un test d’éligibilité sur leur secteur. « C’est au p’tit bonheur la chance » reconnaît Frédéric Jarjat. La difficulté c’est que le réseau enfoui ne concerne pas un quartier en particulier. Sur un même quartier il peut y avoir une partie enterrée, et une partie aérienne.

En attendant l’arrivée de la fibre, les différents opérateurs ont mis en place des solutions transitoires pour permettre à leurs clients qui ne sont pas éligibles à la réouverture de leur ligne ADSL, de bénéficier d’un service internet sans téléphonie. Ces solutions, temporaires et indépendantes des forfaits mobile habituels, sont basées sur la 4G.

Ainsi, et de façon non exhaustive, Orange, Dauphin et Canal+ proposent des routeurs 4G (payants ou non selon l’opérateur) avec des abonnements mensuels dont le prix varie selon l’opérateur, mais surtout le volume de data choisi. Une solution qui permet de « dépanner » leurs clients mais qui n’a pas vocation à s’étendre à toute la population, le réseau 4G mobile risquant d’être vite saturé.

D’ici quelques mois, Dauphin et Orange, qui ont obtenu une licence particulière auprès de l’ARCEP, vont mettre en place une solution plus pérenne que la 4G mobile. Il s’agit d’une boucle radio locale, qui fonctionnera sur des ondes hertziennes et permettra, à l’aide d’un boîtier également, d’accéder à une 4G fixe avec un débit supérieur à 5 mégabits par seconde et un volume de data illimité.

Pour Philippe Morel « en quelque sorte, Irma va finalement être positif dans le sens où l’ouragan donné le boost nécessaire à l’installation de la fibre qui aurait mis beaucoup de temps à se mettre en place et va permettre de désenclaver l’île beaucoup plus vite que prévu et ainsi réduire la fracture numérique ».