24.05.2018

Ils vident le compte bancaire d’un SDF qui venait de recevoir un virement de 360 000 euros

Cinq personnes ont comparu devant le tribunal correctionnel de Saint-Martin pour avoir détourné l'argent d'un SDF.

«Les personnages sont originaux», a cité l’un des avocats. Pas moins que l’affaire dans laquelle ces cinq personnages sont impliqués et qui a été examinée jeudi par le tribunal de Saint-Martin. Les faits sont simples : un homme a été volé par quatre hommes et une femme, ces derniers lui ont dérobé son argent sur son compte bancaire. En termes judiciaires, on parle d’escroquerie, voire d’escroquerie en bande organisée pour certains. L’histoire revêt un caractère original de part les protagonistes prévenus. Mais aussi de part la victime, un SDF.

La victime, un SDF qui avait presque 360 000 euros sur son compte bancaire

La victime, SB, un homme né à Saint Thomas, vend son terrain qu’il possède à Saint-Barthélemy en août 2013. Le montant de la transaction s’élève à 359 111 euros. L’argent lui est versé sur un compte bancaire à la Banque postale à Saint-Martin où il vit.

SB est SDF. Sans domicile fixe. Alcoolique et toxicomane. De manière régulière, il va au guichet de la Banque postale pour retirer l’argent dont il a besoin pour vivre. Et un jour, il s’aperçoit que son compte bancaire est vide. Il dépose alors plainte à la gendarmerie en août 2014.

Premier prévenu : « de la tentation de la chair à la tentation de l’argent »

TH, est guichetier à La Poste. Il détourne un peu plus de 59 000 euros du compte de SB à son profit entre novembre 2013 et mars 2014.

«C’est un individu qui a failli à Saint-Martin», déclare son avocate. Comme de nombreux autres métropolitains venus sur l’île où «la tentation transpire». TH, cinquante ans, originaire du Sud de la France, s’installe à Saint-Martin en 2010 avec sa seconde épouse native de la Guadeloupe (sa première est décédée alors qu’il avait 29 ans) et leur enfant. Il travaille à La Poste depuis 1988 et perçoit 3 000 euros par mois. «A Saint-Martin, les hommes métropolitains qui occupent des postes d’agent public, sont la proie de femmes étrangères qui les voient comme des portefeuilles ambulants. Chaque jour, ces femmes leur donnent leur numéro de téléphone», explique son avocate. «Les hommes ont tendance à moins résister… et au bout de trois ans il a cédé», poursuit-elle. Son client «s’est amouraché d’une jeune femme de quinze ans de moins que lui». Il quitte le domicile conjugal après vingt ans de mariage.

Entre temps, il reçoit comme client SB. Au guichet, il lui donne de l’argent quand il vient en lui demander. Mais il va aussi imiter sa signature et se servir de la photocopie de sa pièce d’identité pour effectuer à son profit 73 retraits pour un montant d’un peu plus de 59 000 euros. Cet argent détourné est pour la plupart destiné à entretenir la «jeune maîtresse très exigeante». Il le transfère en Colombie via Western Union. «C’est une nouvelle tentation pour assouvir la précédente, il passe de la tentation de la chair à la tentation de l’argent», souligne son conseil.

«Pour les beaux yeux de cette jeune colombienne, il a tout perdu », commente l’avocate. Son client est en instance de divorce, sa maîtresse l’a quitté, La Poste l’a licencié. Il est aujourd’hui au chômage et s’est installé en Guadeloupe.

La Banque postale a remboursé SB de la somme détournée. Elle s’est aussi constituée partie civile, a demandé à TH de la rembourser et 2 000 euros au titre du préjudice moral subi, «c’est l’image de La Poste qui est entachée», a souligné l’avocat de l’établissement.

Le parquet a requis une peine de trois ans de prison dont dix-huit mois assortis du sursis mise à l’épreuve avec obligation d’indemniser la victime, La Poste dans son cas. L’interdiction définitive d’exercer une profession de chargé de clientèle et impliquant des maniements de fonds est aussi requise.

Deuxième prévenu : le lien entre les autres prévenus

Si TH était poursuivi pour escroquerie, trois autres le sont aussi mais en bande organisée. Le lien entre eux est AD.

En 2013, AD, saint-martinois, est agent de sécurité à La Poste de Grand Case. Il connaît SB et sait que ce dernier a beaucoup d’argent sur son compte bancaire. Selon un employé de la banque, AD a accompagné le SDF pour ouvrir un accès en ligne ce qui lui aurait permis de connaître ses identifiants pour se connecter à son compte à distance.

AD a ensuite contacté l’un de ses anciens collègues, guadelopéens, en Guadeloupe, MM. Il lui aurait dit qu’il connaît un SDF qui a de l’argent et qu’il est possible de le détourner. Ce que AD conteste. Ce qui est en revanche acté est, qu’étant interdit bancaire, il ne peut effectuer toutes les opérations bancaires et demande ainsi à MM de recevoir l’argent sur son compte puis de le retirer pour lui redonner. 36 virements sur son compte sont réalisés dont 35 de 3 000 euros. MM va percevoir quelque 120 000 euros. Il va retirer 54 000 en espèce pour les donner à AD et lui faire un chèque de 18 000 euros. A sa demande, il va aussi lui acheter une voiture de luxe de marque allemande, mettre l’assurance à son nom.

MM va au passage se garder 26 000 euros avec lesquels il va solder le crédit de son appartement (5 000 euros), se payer des vacances aux USA et en République dominicaine où il va placer un peu plus de 10 000 euros dans un fonds qui va s’avérer être une escroquerie.

«Le véritable escroc est AD. C’est lui qui a proposé de faire ça à mon client qui ne connaît pas SB», a plaidé son avocat.

Le vice-procureur a requis la saisie de deux comptes bancaires, de son appartement et une peine de deux ans de prison dont un assorti du sursis mise à l’épreuve durant trois ans avec l’obligation d’indemniser la victime, SB.

CD, quatrième prévenue : «un moyen de se venger de son ex »

Durant la même période, AD a demandé à son ex-compagne, CD, de recevoir de l’argent et ensuite de lui reverser. Comme AD lui avait volé de l’argent lorsqu’ils étaient en couple, elle y a aussitôt vu un moyen de le récupérer. «Je vais me venger, s’est-elle dit», commente son avocate qui n’y voit ainsi pas de manœuvre frauduleuse car pas intentionnelle. Sa cliente ne voulait pas voler l’argent de SB, seulement récupérer l’argent que AD lui devait. A l’époque, il lui avait volé sa carte bancaire et son compte était passé de + 50 euros à – 8 000 euros. C’est à partir de cet épisode qu’AD a été interdit bancaire.

37 virements sont effectués pour un montant total de 118 600 euros ; elle va le retirer pour le donner à AD et garder pour elle 10 000 euros. AD lui a aussi demandé d’acheter une moto, ce qu’elle a fait.

CD explique qu’elle ne savait pas vraiment d’où venait l’argent. AD lui aurait dit qu’il avait gagné aux jeux. Le vice-procureur ne la croit pas, il suppose qu’elle sait ce dont il était capable. «Elle dit elle-même que AD l’avait escroquée », fait-il remarquer avant de requérir une peine d’un an de prison à son encontre.

CD n’est pas accessible au sursis en raison d’une condamnation récente pour violence. Quelques années plus tôt, elle avait porté des coups à une femme, en l’occurrence la copine de AD, à l’époque.

AD, «la peine requise est plus importante que celle de Cahuzac»

Selon les trois autres prévus, AD est l’instigateur des détournements de fonds. Mais lui affirme que c’est un restaurateur de Marigot et une «dame blanche» de Saint-Barth qui ont mis en place les manœuvres frauduleuses.

Quoi qu’il en soit, il a profité de l’argent et vécu «comme un pacha» révèle l’enquête. Il utilisait les sommes détournées notamment pour aller voir les prostitués dont certaines pratiquent des tarifs élevés. «Une prostituée espagnole coûte 1 000 dollars », est-il ressorti du dossier.

En moins de six mois, AD est parvenu à soutirer à SB à hauteur environ 220 000 euros. C’est à son encontre que le parquet requiert la peine la plus lourde : quatre ans de prison dont un an assorti du sursis mise à l’épreuve durant trois ans comprenant l’obligation d’indemniser SB. «C’est plus que ce qu’a eu Cahuzac », a fait valoir son avocat.

AD qui était au moment des faits agent de sécurité à La Poste de Grand Case est toujours aujourd’hui agent de sécurité pour La Poste mais à Marigot.

Un cinquième homme était convoqué jeudi matin devant le tribunal, DB. Il ne s’est pas présenté à l’audience. Il lui est reproché des faits de recels de biens provenant d’une escroquerie. Son nom n’a été que très peu évoqué en raison du faible montant dont il a été destinataire, à savoir 3 000 euros. Le vice-procureur a requis une peine de quatre à six mois de prison avec sursis.

La Banque postale a par ailleurs demandé à ce que les quatre autres prévenus soient condamnés à une peine solidaire de 20 000 euros.

Le jugement a été mis en délibéré au 27 septembre prochain.

La responsabilité de la Banque postale mise en cause par deux avocats

SB est toxicomane et alcoolique. Son comportement à l’audience laisse supposer qu’il ne se contrôle pas et qu’il est difficile qu’il puisse être responsable de ses actes. Du guichetier qui lui a volé 59 000 euros, SB a dit que «c’était un gars bien… il ne savait pas qu’il lui avait volé de l’argent». Par contre il en voulait aux prévenus qu’il n’a pas reconnus.

En plus de s’interroger sur les conditions dans lesquelles «le notaire qui a réalisé la vente, a pu le faire et autoriser le virement » à SB, l’avocate du guichetier «s’étonne qu’aucun conseiller financier à La Poste ne lui ai conseillé de placer cet argent, ait cherché à le protéger». «Comment une telle somme a-t-elle fait pour rester sur un simple compte courant », s’est-t-elle demandé.

L’avocat de SB a par ailleurs déclaré qu’il entendait aussi poursuivre la Banque postale pour les failles évidentes dans son système de gestion qui n’a pas pu su voir tous ces mouvements d’argent.

Estelle Gasnet
4 commentaires

Commentaires

SDF est sand domicile fixe, maintenant il est SDF Sans Du Fric !!!
y a de quoi faire un bon petit film, argent, sexe, justice mmmh! en plus une histoire vraie...toute ressemblance avec des personnages existants ne serait que fortuite !

T'inquiète il a été remboursé et on peut le rencontré tout les semaines à La Poste exerçant des retraits....mais il y a nouveaux des escrocs autour de lui, une femme espagnole et un jeune métro l'attends toujours à l'extérieur, quelques foit il roule en Mustang décapotable louer avec son chien et le jeune métro qui conduit.

et AD est toujours agent de sécurité à la Poste de Marigot......quelle belle histoire......de voyous ...de pauvres gens finalement sans le sou ...c’es triste

A croire qu'on parle bien d'un SDF (Sans Difficulté Financière) !