Sandy Ground s’oppose au PPRN

La deuxième réunion publique de présentation de la révision du plan de prévention des risques naturels (PPRN) s’est déroulée jeudi en fin d’après-midi à Sandy Ground en présence d’une cinquantaine de personnes. Et toutes ont désapprouvé le zonage suggéré ainsi que la méthode adoptée pour le réaliser. Pourtant, Sandy Ground est en zone bleue, soit une zone aux faibles contraintes, à l’exception de la bande côtière (côtés lagon et mer) en rouge foncé.

«Lorsque les agents de la Deal m’ont présenté les travaux, j’étais surprise de découvrir que Sandy Ground était en bleu», avouait deux jours plus tôt la préfète Sylvie Feucher au cours de la première réunion publique à Concordia. Lors de la présentation de la carte des aléas en janvier 2018, le directeur de la Deal Guadeloupe avait expliqué que les niveaux de submersion dans cette zone avaient été supérieurs à ceux qui servaient de référence au PPRN de 2011. «Mais on n’a eu environ que 50 cm d’eau dans Sandy Ground», souligne le responsable du service localement. C’est pourquoi l’intérieur de Sandy Ground est en bleu. Mais cela n’a pas suffit à contenir la colère des riverains. Ces derniers se sont concentrés sur la bande côtière en zone rouge foncé, soit la zone la plus contraignante.

La préfète a tenté de les rassurer en expliquant qu’il n’y avait pas d’expropriation. Mais pour eux, elle n’est pas «honnête». «Mon terrain est en zone rouge foncé, vous me dites que je ne peux pas construire ! Je vais faire quoi alors ? », lance une femme, énervée. Les Saint-Martinois ont bien compris que si leur maison est détruite, ils ne sont pas autorisés à la reconstruire. En d’autres termes, ils sont expropriés de leur terrain que leur famille possède, pour certains, depuis plus d’un siècle.

Pour Jules Charville, intervenu en tant que riverain et non conseiller territorial, l’Etat veut chasser à terme les Saint-Martinois d’une partie de Sandy Ground, notamment de la rue Lady Fish qui est en rouge foncé. «Dans le rapport de Philippe Gustin publié en novembre 2017, il est écrit que ‘la question de la déconstruction à terme de certaines zones urbanisées se posera’», a-t-il rappelé. «De quelles zones s’agit-il ?», a-t-il demandé avant de répondre lui même par «la rue Lady Fish».

Si les habitants comprennent la nécessité de protéger la population, ils adhèrent beaucoup moins à la méthode. «Nos maisons sont construites aux normes saint-martinoises, à Concordia elles le sont aux normes européennes. Et elles ont été plus endommagées que les nôtres ! », a fait remarquer un riverain.

Pour eux le zonage crée des «inégalités ». «Pourquoi ici c’est en rouge clair et là en rouge foncé ? », demande un homme qui s’est levé pour aller montrer sur la carte projetée par la Deal les inégalités qu’il estime, à savoir la partie du littoral de Marigot au niveau de la résidence Le Pirate et de l’hôtel Le Beach qui est en rouge clair, et dans le prolongement de celle-ci le littoral de Sandy Ground (avant le pont) qui est en rouge foncé.

«Les zones en orange et celle-ci [littoral de Marigot] ont été considérées comme des zones d’intérêt économique stratégique par la Collectivité», explique la préfète pour justifier le zonage. «Donc l’économie est plus importante que nous la population, que nous qui faisons Saint-Martin ? », lance une femme. «Je ne dis pas que l’économie n’est pas importante mais pourquoi serait-elle plus importante que la protection de la population ? », interroge une autre. «On met en rouge tout le monde, ou non… ça c’est un rouge inégalitaire», admet un habitant.

Et comme lundi à Concordia, la question d’un aménagement, d’une digue a été soulevée. «Pourquoi les autorités ne protègent-elles pas Sandy Ground ? Avec le projet du port de commerce, on aura assez de sable pour protéger la zone», avance un riverain. «Oui mais c’est un projet qui va prendre du temps», répond la préfète qui n’a pas le choix que d’agir rapidement après Irma. Si l’Etat ne prend aucune mesure suite à cet événement majeur et exceptionnel, il sera tenu pour responsable de n’avoir rien fait si un autre événement de cette ampleur survient.

Ce que les riverains de Sandy Ground c’est pouvoir reconstruire leur maison.

Cartographie de la zone des 50 pas géométriques

La question des 50 pas géométriques a également été abordée. Avant même de parler du zonage. Globalement, les riverains reprochent aux autorités et à l’Agence des 50 pas d’avoir trainé pour reconnaître leur titre de propriété, certains titres ne l’ayant pas encore été. «On ne peut ainsi pas s’assurer ! Et aujourd’hui beaucoup n’ont pas les moyens de réparer et de réaménager leur maison !», ont-ils déclaré. Sur ce point, Sylvie Feucher a confié avoir été saisie du problème dès son arrivée à Saint-Martin l’été dernier et avoir mandaté les Domaines pour cartographier cette zone des 50 pas géométriques, «pour savoir à qui sont les terrains, s’ils sont à la COM, à l’Etat ou s’ils sont privés». «Mais tant que je n’ai pas cette carte, comprenez que je ne peux rien faire », convient-elle.