24.02.2017

Élections COM 2017 : entretien avec Jeanne Vanterpool, leader de New Direction

Les élections territoriales pour désigner les 23 nouveaux membres du Conseil territorial de Saint-Martin auront lieu les dimanches 19 et 26 mars 2017. SoualigaPost a posé aux candidats douze questions identiques. Chaque jour, un entretien sera publié. Retrouvez aujourd’hui Jeanne Vanterpool, leader de New Direction.

♦ Comment se décide-t-on à se (re)présenter aux élections territoriales ? 

Participer à une élection, et surtout lorsqu’il s’agit des élections territoriales à Saint-Martin, relève tout d’abord d’un acte de bravoure, un acte courageux. Il faut avoir envie de servir le « pays » et aussi le « peuple ». Pour ma part, j’ai eu cet « appel du pays qui désespère ». Et après avoir bien compris quels étaient les enjeux, j’ai demandé avis et j’ai obtenu l’accord de la famille (en particulier de mon jeune fils, et de mon époux). Il faut aussi l’appui des amis et l’encouragement d’une bonne partie de la population saint-martinoise qui en pareil cas, sont aussi les éléments déclencheurs. 

♦Aujourd’hui, on parle beaucoup d’identité saint-martinoise, le Saint-Martinois ayant en effet le sentiment de l’avoir perdue. En tant que Saint-Martinois(e), partagez-vous ce constat ? Pensez-vous avoir perdu votre identité ? 

Avant de s’engager dans de telles considérations, il y a des questions que nous devons nous poser lorsque l’on est appelé(e) à gérer, administrer et gouverner un territoire ayant les dimensions sociétales et environnementales de Saint-Martin. La première des questions que je me pose est la suivante : En quoi est-ce que l’autre est-il semblable ou différent de moi ? Tout en sachant le poids et l’importance de la question identitaire dans le processus de développement du territoire de Saint-Martin, je souhaite que l’on ne dissocie pas la question Identitaire de la question culturelle, ni de la question patrimoniale. Le fait de ne pas avoir depuis très longtemps mis en place de véritables et solides politiques publiques dans ces trois domaines, nous donne naturellement le sentiment d’avoir perdu notre identité saint-martinoise. 

Ce que nous avons perdu en revanche, c’est notre fierté d’être ce que nous avons toujours été et que nous sommes au demeurant. D’où la nécessité d’une vraie réflexion, et de vrais débat publics sur la question pour y mettre de l’ordre. Il est temps de s’interroger sur la question qui est donc posée sur le regard que l’on porte sur l’autre et donc, de notre rapport avec lui pour enfin poser les bases de la construction du Pays Saint-Martin/Sint Maarten. 

♦Depuis plusieurs mois, certaines pensées peuvent être très nationalistes. Alors qu’en métropole, on dénonce ce genre d’idées en y voyant un danger pour la société, ici on aurait tendance à les entretenir. Selon vous, est-ce moins dangereux localement ? 

Ici, on parle de « pensées nationalistes » et on fait vite le lien avec la métropole où le racisme, et l’antisémitisme qui sont affichés par un certain parti politique et sa leader bien soutenus par un grand nombre de citoyens français à Paris comme dans les outremers. Je constate non sans stupéfaction, que ce phénomène n’est dénoncé que pour des raisons électoralistes et rien d’autre. Ici à Saint-Martin, ces idées ne sont pas plus entretenues qu’à la Martinique avec le MIM (Mouvement Indépendantiste Martiniquais d’Alfred Marie-jeanne actuel président de la Collectivité). Ce qui est certain, c’est que le vide laissé par les responsables politiques saint-martinois en la matière, notre choix de tourner le dos à notre patrimoine, et aux fondements-socles de notre culture, et surtout le manque de tout débat, sont à considérer comme pouvant être la ou les causes du « danger » ; si danger il y a. 

♦On entend toujours que le développement économique doit être une priorité parce qu’il va permettre de créer des emplois, de la richesse, etc. Bien que la fiscalité soit attractive, rare sont les investisseurs intéressés à venir à Saint-Martin. Au regard des chiffres du chômage, toutes les actions menées jusqu’à aujourd’hui ont été un échec. Si vous êtes élu en mars, quels dispositifs allez-vous mettre en place pour créer des emplois ? Avec quel objectif ? 

S’il est vrai que le développement économique constitue un élément très important dans la gestion, l’administration et la gouvernance de Saint-Martin, il n’est cependant pas tout. Et en cette période, nombreux sont ceux des candidats tête-de-liste qui prétendent avoir enfin trouvé la recette miracle, ou la formule magique pour créer de la richesse et en même temps, des emplois pour les 4 345 demandeurs d’emplois inscrits auprès des services de Pôle- Emploi. Après avoir tout tenté, ou presque, nous posons les interrogations suivantes. 

Peut-on raisonnablement combattre efficacement le chômage et créer des emplois (durables de préférence) sans jamais penser à ceux que notre société a créés d’abord et exclus ensuite et qui sont sortis du système éducatif, formatif ou d’apprentissage, sans diplômes, et sans aucune qualification. En somme, ceux qui sont victimes du chômage dit de longue durée. Doit-on avoir le tourisme comme seul pilier possible du développement économique ? Ce faisant, cela nous oblige à penser « Projet Front de Mer », construction d’hôtels et augmentation du nombre de lits uniquement. La filière Art et Culture, que certains qualifient de « Budgétivore », n’est-elle pas une niche d’emplois garantis et valorisants pour nos jeunes artistes, pour nos jeunes créateurs, …? 

L’agriculture (animale et végétale), qui n’a jamais pu bénéficier d’une politique publique volontariste, n’est-elle pas elle aussi une mine d’or en matière de création de richesses et d’emplois ? Elue au mois de mars prochain, je saurai ouvrir les nombreux tiroirs chargés de projets innovants qui sont susceptibles d’apporter des réponses claires et des solutions durables au problème de l’emploi à Saint-Martin : (les NTIC, filière des énergies renouvelables, laboratoire de langues, etc.) 

♦En matière d’emploi plus précisément, nombreux sont ceux, dont vous, qui veulent donner la priorité aux Saint-Martinois. Ce qui peut sembler juste mais il faut être réaliste et admettre qu’il y a un manque de compétences localement, notamment pour les postes d’encadrement. Comment, selon vous, est-il possible d’y remédier ? Comment peut-on former les jeunes et moins jeunes (salariés durant leur carrière pour qu’ils puissent évoluer) sur le territoire ? 

Lorsqu’il s’agit des moyens à mettre en oeuvre pour lutter efficacement contre le chômage à Saint-Martin, nous nous interrogeons à savoir comment. En effet, s’il est possible de réduire le taux de chômage à Saint-Martin, il parait plus difficile de réduire le chômage d’une catégorie de personnes ; celles qui depuis des années, sont exclues du marché du travail. La catégorie de celles et ceux qui passent la case échec scolaire et qui sont sans qualification, sans diplôme, ne maîtrisant pas les fondamentaux que sont : lire, écrire et compter ? C’est vrai que le plus souvent, lorsque nous parlons de donner la priorité aux Saint-Martinois en matière d’emploi, la plupart des candidats s’écartent des réalités du territoire, et manquent de pertinence et de réalisme. Face à ce malheureux constat, le triptyque formation-éducation-qualification en est la réponse. 

Mais pour revenir à la question des cadres, au manque de compétences localement pour occuper les postes d’encadrement et les emplois qualifiés, permettez-moi de m’insurger contre cela, et de m’inscrire en faux. Beaucoup de gens continuent à nous le faire croire, mais ce n’est pas vrai. Le problème est que beaucoup de ces gens n’ont pas été encouragés à revenir. En fait, nous avons plusieurs jeunes hautement qualifiés avec des diplômes et des compétences, sur l’île, qui ne peuvent pas accéder à l’emploi qualifié pour des raisons qui nous dépassent bien des fois. 

Il y a, aussi, beaucoup de professionnels hautement qualifiés de Saint-Martin avec des diplômes américains, canadiens, britanniques et autres qui ne peuvent pas rentrer chez eux à Saint-Martin. Nous devons faciliter les étapes, règlementations et autres sur Saint-Martin, qui permettent aux personnes ayant une qualification équivalente à y travailler. 

Nous devons également fournir les incitations nécessaires et encourager un changement dans les politiques et les comportements pour encourager nos jeunes professionnels qui travaillent dans le secteur privé à rentrer chez eux. Ceux avec les diplômes, mais aucune expérience doivent être encadrés par le biais de programmes d’apprentissage et de formation sur place. 

Mais plus important encore, il faut arrêter le circuit éducatif qui aboutit qu’à des impasses pour nos jeunes. À court terme, nous devons tirer profit des opportunités et créer des occasions qui leur permettent d’atteindre les emplois qualifiés et qui peuvent leur fournir un cheminement vers une carrière réelle en collaborant plus étroitement avec les employeurs. Nous devons également obtenir de ceux qui s’intéressent à notre territoire (qui veulent investir à Saint-Martin), des accords pour favoriser l’emploi local à l’égard de notre population et de nos jeunes, en échange des incitations, (allégements fiscaux, et autres avantages) par la mise en place d’une charte de l’emploi local.

♦En matière d’éducation, le constat dressé depuis plusieurs années est alarmant : le niveau est très bas. Pour plusieurs raisons : problème au niveau de la langue, manque d’implication des parents dans la scolarité de leurs enfants, etc. Selon vous, quel est le premier frein à la réussite de nos enfants ? Et comment peut-on le lever ? 

Notre Collectivité n’a pas compétence dans tous les domaines de la vie quotidienne de ses administrés c’est vrai. Cependant, lorsqu’il s’agit surtout de l’éducation scolaire, il ne faut rien négliger et c’est trop ce que nous avons fait jusqu’à ce jour. Je fais remarquer que nous avons toujours eu des professionnels et des acteurs de l’éducation et de l’enseignement dans les meilleures places politiques à St-Martin depuis 2007. 

♦Concernant l’aménagement de la baie de Marigot, le projet de la majorité actuelle semble ne pas avoir attiré de nombreux investisseurs. Certains en ont déjà tiré les leçons et veulent un projet à plus petite échelle. Quelle est votre position sur cet aménagement ? 

En tant qu’actuelle présidente de l’Office du tourisme, je me suis posé beaucoup de questions tout au long de ces cinq dernières années. Je me suis beaucoup inquiétée aussi de voir que nous ne parvenions pas à nous mettre d’accord, nous, les 23 membres du Conseil territorial, et une grande partie des professionnels du secteur. 

Un tel projet est indispensable et aussi nécessaire pour poursuivre l’aménagement de notre territoire en la matière. Cependant il me parait aussi une nécessité de s’appuyer sur l’expertise des spécialistes et des professionnels de la filière. 

♦ En matière fiscale, il est difficile pour la Collectivité de recouvrer l’ensemble des impôts. Il est aussi difficile pour les contribuables de s’acquitter de l’impôt et autres taxes alors que durant des années, ils ne le faisaient pas. Les impayés ont rapporté plus de 20 millions d’euros l’an passé à la COM. Comment selon vous le système peut-il être plus performant ? Doit-on supprimer des taxes ? Baisser le taux de certaines pour inciter la population à les payer ? 

Payer l’impôt ou les taxes n’a jamais été le plat le plus apprécié du menu des ménages. L’impôt de même que les taxes, s’expliquent et se justifient lorsqu’ils sont « justes » et bien utilisés. Attention aux promesses !

♦Depuis plusieurs années, l’écologie et d’une manière plus large l’environnement, prend une place de plus en plus importante dans le débat politique national et international. Il y a eu les Grenelles de l’Environnement, puis récemment les Cop 21 et 22. Ici, à Saint-Martin, c’est un sujet absent des débats. Ne pensez-vous pas pourtant que l’environnement devrait être le dénominateur commun à toutes les actions réfléchies et proposées ? 

La planète est confiée à ceux qui l’habitent mais elle ne cessera jamais d’appartenir à celles et à ceux qui naissent chaque jour et à ceux qui naîtront après ; année après année. 

Tout ce que nous aurons à faire, c’est d’en prendre pleinement conscience, et d’aller toujours plus loin, en impliquant davantage le jeune enfant dès le plus jeune âge. 

♦Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut un grand nettoyage de l’île. Ici, les ordures ménagères sont ramassées tous les jours, ce qui n’est pas le cas ailleurs, même en outre-mer, dans un territoire aussi petit. Que doit-on mettre en place pour que l’île soit plus propre ? 

En premier lieu, nous devons engager dans une grande campagne de nettoyage et d’embellissement de l’île. Toutefois, une campagne de nettoyage qui n’est accompagnée que des solutions aux questions fondamentales de la propreté n’a très peu de sens. Si nous continuons à avoir des poubelles dans nos rues qui ne permettent pas de tenir les ordures ménagères et autres détritus, cela n’a aucun sens. Si nous n’avons pas de règlementation, de matériel adéquat et un plan visant à maintenir la propreté, nous serions dans la même position dans une semaine après le nettoyage. 

Nous devons assurer que nos rues soient propres et rester propres parce ce que c’est un service que nous sommes tenus de rendre aux concitoyens, et aux contribuables saint-martinois. Nous devons introduire une véritable réforme qui comprend l’étude d’un système de recyclage qui commence au niveau des résidences par le tri-sélectif. Les grandes « loges » à poubelles dans la rue en face d’une propriété doivent disparaître pour être remplacés par des poubelles personnelles pour lesquelles les propriétaires de maisons individuelles seront responsables. Il doit y avoir un retour à la réglementation qui fixe l’heure où les ordures peuvent et doivent être sorties. 

Des critères stricts pour ceux qui ont des conventions pour le ramassage des ordures et les personnes chargées des services de voirie et de nettoyage des rues doivent être mis en place, en termes de responsabilité et de la qualité du travail effectué. 

En outre, il doit y avoir une campagne d’éducation qui informe la population des avantages d’un environnement salubre et d’un territoire propre. Avec la collaboration des conseils de quartiers nous voulons embellir les quartiers et trouver des solutions. 

Le meilleur moyen de maintenir la propreté à court terme est d’éduquer et élever le niveau de fierté des différentes communautés dans leur quartier et rendre nos entrepreneurs et résidents responsables de leurs actes.

♦Qui aimeriez-vous affronter au second tour le 26 mars ? 

Au second tour, je souhaiterais affronter le candidat ou la candidate qui tout comme moi, connait Saint- Martin, aime St-Martin, celui ou celle qui comme moi, a envie de servir les intérêts de St-Martin, celui ou celle qui a envie de défendre les intérêts de la population dans toutes ses composantes et dans sa grande diversité. Je préfèrerais affronter celui ou celle qui comme moi, sait anticiper, décider, résister et appliquer, afin que ce soit Saint-Martin qui gagne. 

♦ Enfin, quelle question auriez-vous aimé que vous l’on pose ? 

Qu’est-ce que je ferai au lendemain du 26 mars en cas de victoire ou de défaite de la liste New Direction que j’aurai conduite ? J’aurais beaucoup aimé que cette question-là me soit posée.

Entretien à télécharger : 

Fanny Fontan
3 commentaires

Commentaires

Trop de politique locale et inintéressante dans Soualiga, des comptes rendus des candidats avec peu de valeur rajoutée...

... Ben, c'est une publication locale, non ?
Les questions posées sont au contraire très pertinentes et ce questionnaire commun utile pour bien comprendre les différentes approches. Bravo !

les vraies questions:
pourquoi ce crime?
Nous sommes dans une zone touristique alors pourquoi on continue a sédentariser la population en continuant a construire des logements sociaux?
avant de se lancer dans la construction d'une nouvelle marina , commençons par rénover la marina royale qui doit être le cœur de marigot.la seule marina au monde qui ne fait pas rêver. virons les cas sociaux dont les "crackés", rénovons le centre ville.les solutions légales existent et cela peut servir aussi de chantier de réinsertion.ouvrir une filière pour les jeunes d’artisanat et arrêter de vendre des "saloperies" made in china sur le marché. stopper l'arrivée de nouveaux migrants, l'ile n est pas extensible!!sans parler de ce mastodonte qui est la COM qu il faut réellement dégraissé!!si la police territoriale est incompétente ,sous traité a des sociétés privées (pour ceux qui ont été a Paris , voir la" police" dans le métro, c est une sté privée).
en résumé diminuez la partie sociale de l état (imaginez st barth si la semsamar s’était installé la bas!!)