4000 dollars, menaces de mort et un pistolet automatique
Il aurait pu encourir jusqu’à trente ans de prison ferme. Au final, il a écopé de quatre ans dont trente mois assortis du sursis avec mise à l’épreuve durant deux ans. RD, vingt-trois ans, a été jugé par le tribunal correctionnel de Saint-Martin et non pas par la cour d’assises de la Guadeloupe car les faits reprochés ont été requalifiés.
RD avait été interpellé puis mis en examen par le juge d’instruction pour tentative de meurtre. Mais, comme souvent dans la juridiction, la cour d’assises croulant sous les dossiers de meurtre et autres affaires dans lesquelles des personnes sont tuées, son dossier a été révisé et les faits requalifiés en violences avec arme* pour pouvoir être examinés directement à Saint-Martin.
RD a donc comparu ce jeudi matin à la barre du tribunal à Marigot. Il a reconnu les faits. Des faits que l’ont peut considérer comme classiques à Saint-Martin : RD avait peur, il savait sa personne et sa famille menacées de mort, donc il s’est procuré une arme. Et le jour où il a pu ou dû s’en servir, il n’a pas hésité.
4000 DOLLARS, LE CŒUR DE L’HISTOIRE
Les faits se sont déroulés rue des Ecoles à Grand Case il y a deux ans. Le petit-frère de RD aurait racketté le petit-frère de son meilleur ami, la victime. «Son petit-frère a vu que mon petit-frère avait 1000 dollars, donc il l’a torturé pour qu’il lui donne plus d’argent», explique le prévenu aux magistrats. Au final, ce serait 4000 dollars qui ont été pris par le petit-frère de la victime pour les donner à celui du prévenu.
Le juge s’est interrogé sur la provenance de cette somme et surtout sur les circonstances dans lesquelles le fameux petit-frère –âgé de dix ans seulement- a pu trouver cet argent liquide. «C’était de l’argent que ma mère économisait… L’argent venait de la CAF… Il a trouvé l’argent en fouillant», répond la victime sans convaincre. Les autorités supposent davantage que cet argent pouvait provenir d’un trafic de stupéfiants.
MENACES DE MORT DE LA PART DE LA VICTIME
Quoi qu’il en soit, cette somme a disparu et la victime entend la récupérer ; l’affaire devient celle des grands frères. Selon les éléments de l’enquête, elle est allée à plusieurs reprises au domicile familial de RD pour menacer de mort les proches de ce dernier s’ils ne rendent pas l’argent. Pour les défendre, RD a acheté une arme «sur le bord de la mer pour 1000 dollars». L’arme est un pistolet automatique, type Glock selon les analyses balistiques, un type d’armes très répandues sur l’île.
Puis, un jour, le 26 mai, RD voit son ami discuter avec sa mère et l’échange ne semble pas cordial. RD s’approche. Le ton est élevé. RD voit son ami mettre la main sur sa ceinture. Aussitôt, il réagit, sort son arme et tire. Deux balles partent et se logent dans la cuisse et le thorax de l’ami la blessant grièvement. Son pronostic vital est engagé, il est placé dans le coma artificiel et évacué sur la Guadeloupe. Il aura une ITT de six mois.
LES CARACTÉRISTIQUES D’UN HOMICIDE
Néanmoins, son comportement durant l’enquête ne ressemblera pas à celui d’une victime. Le jeune homme, une vingtaine d’années, ne se rend pas aux convocations du juge d’instruction pour être entendu et livrer sa version des faits. Il ne se constitue pas non plus partie civile. Une attitude que la défense n’a pas manqué de souligner. De même que «le climat de peur» qu’il faisait régner dans la famille de RD.
Pour autant, le geste de RD n’est pas interprété comme de la légitime défense par le parquet. «La victime n’était pas armée», note Michaël Ohayon, pour qui toutes les caractéristiques d’un homicide sont présentes. Aussi requiert-il cinq ans de prison dont un an avec sursis et mise à l’épreuve durant cinq ans. Il demande également un mandat de dépôt.
Après en avoir délibéré, le tribunal a prononcé une peine de quatre ans de prison dont deux ans et demi assortis du sursis avec mise à l’épreuve durant deux ans comportant l’obligation d’indemniser la victime (report sur intérêt civil) et l’interdiction de porter une arme. RD ayant déjà effectué un an de détention provisoire, il devrait voir sa peine rapidement aménagée et ainsi ne pas retourner longtemps en prison.
* Comme c’est également le cas des braquages qui devraient passer devant la cour d’assises mais qui sont toujours requalifiés de vols avec violences et armes.